PICC, l’acronyme du grand basculement

Le « basculement du monde » décrit par le président de la République a son acronyme. Après les Gafa et autres BRICS, bienvenue dans le monde des PICC ! Quatre lettres pour quatre chocs globaux qui remettent en cause nos fondements démocratiques. Si nous avons déjà rencontré chacun d’eux dans le passé, leur combinaison constitue un défi sans équivalent. Voici donc les quatre piliers du PICC.

P comme pandémie

P comme pandémie. Les grippes asiatiques et espagnoles avaient endeuillé le XXe siècle… Si la découverte rapide d’un vaccin a été un succès scientifique, le Covid a bouleversé, depuis, notre rapport au travail – surtout pour les jeunes. Il a montré à quel point nous sommes vulnérables aux virus, dépendants d’autres régions du monde et a créé de nouvelles attentes difficiles à satisfaire par l’Etat providence.

I comme inflation

I comme inflation. Nous en avions oublié l’existence. Après des décennies de stabilité puis la drogue des intérêts négatifs, l’inversion est brutale. Les banques centrales ont beau augmenter les taux au risque d’une récession économique, l’inflation redevient un facteur majeur dans le comportement des ménages et des entreprises avec des conséquences économiques redoutables.

C comme conflit

C comme conflit. La brutalité de nations s’attaquant à leurs voisins est la trame de l’histoire européenne. Mais le cyber et les médias changent l’équation à l’ère nucléaire. Les démocraties savent que leur éventuelle faiblesse sera exploitée par les démocratures. Inversement, elles mesurent l’asymétrie entre des sanctions qui peinent à ralentir l’agresseur et des opinions publiques divisées, séduites par la vague populiste.

C comme climat

C comme climat. La vague de chaleur sur l’Europe – des températures prévues pour 2050 arrivées dans des villes nordiques non préparées – confirme que la lutte contre le changement climatique est une priorité absolue. Or les principaux responsables – la Chine, les Etats-Unis et l’Inde – ne s’engagent pas assez. Les sommes gigantesques englouties dans la pandémie manquent aujourd’hui cruellement pour financer la transition au rythme nécessaire.

Les rapports de force se sont modifiés

Les PICC menacent un monde de plus en plus fracturé entre démocraties libérales et régimes autoritaires. Ce n’est plus la guerre froide du siècle précédent, c’est un changement de rapports de force qui conteste la domination de l’Occident et teste sa résistance. Au moment où le monde aurait le plus besoin de coopération, puisque le changement climatique et les virus ignorent les frontières, le clivage dogmatique l’emporte : partout les démagogues promettent de rendre leur grandeur à leur pays non pas avec, mais contre les autres, et polarisent leur opinion publique.

L’Europe apparaît particulièrement fragile dans ce contexte. L’excédent de notre balance commerciale représentait 300 milliards de dollars annuellement. Il est tombé à zéro pour la première fois depuis trente ans avec un déficit allemand, un taux record de dette pour l’Italie et la France, la dégradation économique du Royaume-Uni post-Brexit et les craintes des pays voisins de l’Ukraine, comme la Pologne. Les Etats-Unis ne sont focalisés que sur la Chine et engrangent à court terme les bénéfices de la guerre de Poutine. Le blocus de la mer Noire et les obus tombant sur les champs de céréales ukrainiens sont dramatiques pour l’Afrique. Le Printemps arabe, on le sait, a commencé par la faim. Dans le contexte climatique, une nouvelle crise des migrants est probable. Les PICC pourraient ainsi être rejoints par un cinquième choc : le « S » de « social ».

Le monde a besoin d’un nouveau Bretton Woods

Le monde a besoin d’un Bretton Woods pour le XXIe siècle, une conférence qui jetterait les bases d’une collaboration plus inclusive entre nations et institutions internationales, permettant de lutter contre les pandémies, de réduire les émissions de CO2, d’améliorer l’éducation et de décourager les visées expansionnistes. Une telle perspective, soutenue par les syndicats de salariés et les employeurs des sept principaux pays occidentaux, avait été évoquée, il y a trois ans, par Emmanuel Macron avant le G7 de Biarritz. N’est-ce pas le moment d’une telle réinvention, pour répondre aux PICC ?

Bernard Spitz

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Giorgia-Marine, même combat

Dans sa course au pouvoir, Giorgia Meloni affiche bien des points communs avec la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen. Des stratégies communes, malgré quelques différences, décryptées par Bernard Spitz.

En France comme en Italie, les partis socialistes ont sombré, la gauche radicale – Mouvement 5 étoiles puis Nupes – a émergé, la droite traditionnelle – LR et Forza Italia – a été laminée au profit de la droite dure : Rassemblement national, Ligue et Fratelli d’Italia. 

Italie de tous les paradoxes… Avec une gauche de gouvernement dirigée par l’ancien démocrate-chrétien Enrico Letta, contraint à des concessions à gauche pour éviter le sort du PS français dépecé par les Insoumis, et se fragilisant du coup sur sa droite, comme les socialistes l’ont été par Macron, et menacé par un Mouvement 5 étoiles gauchiste mené par l’ancien Premier ministre Giuseppe Conte (autant imaginer Edouard Philippe succéder à Jean-Luc Mélenchon).

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Ce que nous dit le départ de Draghi : “si l’on ne répond pas à l’angoisse démocratique, la voie sera ouverte aux populismes”

Le départ du président du conseil italien Mario Draghi est un nouvel exemple de la fragilité démocratique européenne alors que la guerre en Ukraine, l’inflation, la crise climatique ouvrent un nouveau cycle de note histoire, relève dans une tribune au « Monde » le dirigeant d’entreprise Bernard Spitz.

La démission de Mario Draghi est un coup dur pour les économies de l’Italie, de la France et de l’Union européenne. Chacun le comprend. Mais pas seulement. Dans un monde marqué par les peurs, elle est aussi le révélateur de la reprise en main de l’économie par le politique et de son glissement vers la droite radicale. Comment imaginer, face à tant de remises en cause, que nous allions poursuivre le voyage dans le petit train rassurant de Fukuyama sur « la fin de l’histoire » ?

Un nouveau cycle est ouvert, dont personne ne sait la durée et dont seuls nos enfants connaîtront un jour le nom. Ceux qui ont connu l’entre-deux-guerres ou les « trente glorieuses » n’avaient pas la moindre idée qu’ils vivaient ces époques de l’histoire. Il en va de même pour nous : le basculement s’est produit sous nos yeux, il ouvre une nouvelle période d’incertitude et de fureur.

Nous vivons quatre chocs : le retour de l’inflation qui n’est pas qu’un fait statistique mais un élément majeur des comportements des ménages et des entreprises ; la prise de conscience de l’urgence climatique enfin reconnue comme priorité absolue ; l’impact de la pandémie qui change le rapport au travail, notamment chez les jeunes et souligne notre fragilité face à la maladie ; enfin la guerre aux portes de l’Europe qui nous rappelle la tragédie des temps et la brutale logique des rapports de force…

La radicalité d’un camp entraîne la radicalité de l’autre

Face à ce tumulte, Mario Draghi est arrivé au pouvoir porté par une double évidence : il était le meilleur et le plus crédible aux yeux du monde économique, de la société italienne, du reste du monde ; et il ne venait pas du monde politicien d’avant. Exactement comme Emmanuel Macron. Ce que nous dit son départ, c’est que cela ne suffira plus à l’avenir, que cela ne suffit déjà plus.

En France comme en Italie, le glissement politique s’opère vers la droite dure et populiste, Rassemblement national ici, Ligue et Fratelli d’Italia là-bas. La radicalité d’un camp entraîne la radicalité de l’autre. En France, la Nupes a marqué la prise de pouvoir des « insoumis » sur les écologistes et les sociaux-démocrates.

En Italie, le Mouvement 5 étoiles a explosé en deux, la partie anarchiste et gauchisante s’abandonnant à Giuseppe Conte, devenu le premier adversaire de Draghi et le forçant à la démission. Même observation aux Etats-Unis : l’idéologie radicale d’un Trump a non seulement conquis le pouvoir mais a marqué d’une empreinte durable le Parti républicain au point que sa réélection – ou à défaut l’avènement du gouverneur de Floride sur sa ligne – fait partie des scénarios possibles. Parallèlement, la radicalité fait son chemin aussi chez les démocrates.

Plus que jamais un besoin d’espoir et d’un projet collectif

L’Allemagne est l’exception puisque la coalition actuelle est issue d’élections ayant marqué un net recul des extrêmes. Mais pour combien de temps, alors que l’hiver s’annonce difficile en raison de la crise énergétique et que l’inflation – mot maudit depuis la république de Weimar – réapparaît ?

En quelques semaines à peine : démission de Mario Draghi et de Boris Johnson, contestation de Joe Biden et d’Emmanuel Macron, assassinat de l’ancien premier ministre Shinzo Abe : cinq des sept membres du G7, cinq démocraties parlementaires ainsi affaiblies au moment où les démocratures russe, chinoise et turque plastronnent, indifférentes aux sanctions des tigres de papier occidentaux.

En ces temps de basculement et de menaces de tous ordres, les citoyens ont plus que jamais besoin d’espoir et d’un projet collectif qui les rassure. Hélas ce message n’est toujours pas incarné politiquement par l’Europe. Et il n’est plus porté par les partis dits « de gouvernement » de nos démocraties.

Être compétent, intelligent, honnête ne suffit plus. L’« en même temps » non plus. La force de l’utopie et le sens du progrès ont été abandonnés aux extrêmes. Même les jeunes, dans un sondage récent, disent qu’ils s’accommoderaient d’un despotisme éclairé. Ce que nous dit la démission forcée de Draghi, c’est que si l’on ne répond pas mieux à l’angoisse démocratique, la voie sera ouverte aux populismes.

Tribune à retrouver dans Le Monde

Il y a urgence à poser les fondements d’une “troisième voie à la française »

Inquiet de l’importance politique prise par les deux « blocs populistes » de gauche et de droite, le groupe de réflexion propose, dans une tribune au « Monde », de « réinventer une alternative sociale et libérale adaptée à notre pays ».

Les élections législatives vont s’inscrire dans la continuité d’un système institutionnel qui ne répondra pas au déficit de représentativité des élus dans le nouveau paysage politique français. Un renouveau démocratique s’impose. Tout aussi obsolète est le testament social-démocrate que les derniers survivants du Parti socialiste de gouvernement ont bradé depuis une décennie, ignorant les leçons du déclin avant de se désintégrer dans le populisme des « insoumis ». La droite du parti Les Républicains, depuis, a sombré de la même façon.

Les deux blocs populistes émergents affichent sans complexe leur radicalité contre tout ce qui leur échappe : l’économie, l’entrepreneuriat, la compétitivité, les nouvelles technologies, l’innovation, le marché, l’Europe… Avec un succès réel auprès des jeunes qui doit nous interpeller. Entre ces deux blocs, ne reste qu’un centre incarné par Emmanuel Macron, qui absorbe le reste de l’espace politique. Si sa personne a reçu le soutien d’une large majorité du pays, les propositions des partis rapidement réunis sous l’étiquette « Ensemble ! » sont empreintes d’un flou idéologique et programmatique qui pourrait ouvrir trop d’espace aux populismes.

Cela est d’autant plus préoccupant que le président élu ne pourra se représenter en 2027, à la différence des leaders des partis extrêmes qui, quoi qu’ils en disent, s’y préparent déjà. Il n’y a pas qu’en France que la dynamique du projet politique glisse vers les extrêmes. En Italie, la droite dure n’est pas loin de rallier la majorité des électeurs, tandis qu’une majorité radicale s’est imposée au sein du Mouvement 5 étoiles. Aux Etats-Unis, le trumpisme a conquis le Parti républicain, tandis qu’une gauche doctrinaire, de Bernie Sanders à Alexandria Ocasio-Cortez, gagne en influence chez les démocrates.

Les « jours heureux », promis par l’ex-candidat communiste à l’élection présidentielle, Fabien Roussel, oui, nous les souhaitons collectivement. Nous y aspirons avec ferveur mais aussi avec lucidité face aux programmes démagogiques qui ignorent les réalités de la situation économique et sociale du pays comme de l’environnement international. Mis en œuvre, ces programmes nous conduiraient à la déroute financière, comme Alexis Tsipras aggravant la crise grecque, en pire, et à la relégation en Europe.

Rétablir l’égalité des chances

Pour autant, les Français, peuple politique s’il en est, confrontés aux crises sanitaires et climatiques puis à la guerre en Ukraine, ont besoin d’espoir, d’une perspective de progrès collectif et individuel dans laquelle croire et pour laquelle s’engager, d’un récit auquel donner collectivement envie d’adhérer. Notre jeunesse, en particulier, attend plus d’écoute et de prise en compte de ses préoccupations dans le débat politique. Il y a donc aujourd’hui urgence à poser les fondements d’une « troisième voie à la française », à l’image d’Anthony Giddens ouvrant une alternative entre le conservatisme dur et la dérive gauchiste du Labour dans le Royaume-Uni des années 1980.

Le manifeste des Gracques, rédigé il y a quinze ans et qui fait référence dans les think tanks européens, peut être le creuset pour réinventer une alternative sociale et libérale adaptée à notre pays. Libérale parce que nous croyons en l’efficacité d’une économie de marché correctement régulée, comme à la défense des libertés individuelles et collectives dans un Etat de droit. Sociale parce que, pour nous, la finalité de la richesse créée est d’être mise au service de l’intérêt général et de permettre l’émancipation de chacun. Un aggiornamento est nécessaire pour offrir au débat public une vision politique globale en prise étroite avec les attentes de nos concitoyens, et qui renoue avec le débat d’idées indispensable à la réussite du nouveau quinquennat, comme de ceux qui le suivront.

Nous viserons à définir un ensemble de fondamentaux à réunir dans un nouveau contrat social qui fixe un juste équilibre entre l’action à court terme face aux urgences et la prise en compte du long terme pour une croissance plus inclusive. Un contrat qui permettra à la société française de retrouver le sens de sa responsabilité collective et d’écarter les réflexes individualistes qui consistent à s’en remettre à l’Etat au prix de déficits intenables. Trouver la voie qui permette de remettre sur la route ceux qui sont restés sur le bas-côté, corriger les déséquilibres croissants en défaveur des jeunes, rétablir l’égalité des chances, redémarrer l’ascenseur social et financer les transitions environnementale et numérique.

Volonté de rassemblement

Nos objectifs sont multiples : compétitivité dans un marché mieux régulé, équité comme condition de l’efficacité, solidarité pour ceux sur qui pèsent les accidents de la vie et les discriminations de tous ordres, renouveau démocratique par la relégitimation des institutions et la réforme de l’Etat, accélération des transitions énergétique, agricole et numérique, justice plus proche des citoyens, promotion de la science, de l’industrie et de l’innovation technologique pour un progrès technique maîtrisé, éducation pour tous aux compétences de demain, nouveau souffle pour les politiques de création artistique, refondation du système de santé et préparation au choc démographique de la dépendance, dynamique entrepreneuriale, industrielle, technologique incluant l’abolition des rentes et préservation de l’identité culturelle et de la laïcité dans le respect des différences et des valeurs qui nous fédèrent. Tout cela, bien sûr, ne peut s’envisager qu’en adhérant au renforcement de la construction européenne et à l’exigence de réduction de nos déficits publics et commerciaux.

C’est ainsi que nous pourrons nous projeter ensemble dans une perspective désirable qui soit sociale, environnementale, numérique, démocratique et européenne. Les Gracques ouvrent dès à présent cette réflexion autour d’un nouveau manifeste pour une troisième voie française. Avec nos amis européens, nous voulons engager le débat intellectuel et politique d’un grand projet moderne de société capable d’accompagner les progressistes dans leur volonté de rassemblement. Pour construire la France d’aujourd’hui et de demain dans une Europe souveraine et solidaire.

Tribune à lire dans Le Monde

« Mini gouvernement, maxi efficacité »

Nicolas Sarkozy avait promis moins de 15 ministres. En 2012, le gouvernement Fillon III en comprenait 16, plus 9 ministres délégués et 8 secrétaires d’Etat. François Hollande avait fixé la même limite. Résultat : le gouvernement Ayrault II en comportait 20 et 17 ministres délégués. Rebelote pour Emmanuel Macron. Il avait promis 15 ministres mais le gouvernement Castex en comportait 16, plus 15 ministres délégués et 12 secrétaires d’Etat, portant ainsi l’effectif à 43.

Nulle part non plus la question de la parité ne se pose comme en France. Le gouvernement Draghi ne comprend que 23 % de femmes, le gouvernement Scholz 50%, le gouvernement Johnson 25%, sans que cela fasse polémique – pas plus qu’en Espagne où le gouvernement Sanchez est féminin à… 58%.

On nous promet la taille d’une équipe de rugby, et l’on se retrouve avec un effectif de football… américain. Le gouvernement français reste ainsi le plus pléthorique d’Europe, à l’image de son administration. Source de confusion, de rivalités, de couacs médiatiques, d’inflation normative, de gaspillage d’emplois qui seraient plus utiles ailleurs. Bref, le symbole d’un Etat qui perd du temps, de l’argent et, au bout du compte, de l’efficacité.

Les raisons invoquées ne manquent pas : représenter les partis de la majorité, récompenser les fidèles, nommer des femmes, représenter les diverses régions, attirer des « people » populaires… Tout cela est archi-convenu et ne fonctionne pas : nomination à des postes factices, ministres stars qui s’ennuient ou, inversement, «technos» qui savent parler à leur cabinet mais pas aux Français…

Passées nos frontières, la sobriété est la règle. Le gouvernement Draghi compte 13 ministres, un nombre stable en Italie depuis les années 1990. Les quatre gouvernements Merkel n’ont compté que 15 ministres, un étiage dont Scholz n’a que peu dévié, avec ses 16 ministres. Personne n’égale toutefois la Suisse et son gouvernement de la taille d’une équipe de… handball : 7 membres.

Pour compléter ces gouvernements resserrés, des personnes peuvent être désignées comme interlocuteurs privilégiés des parties prenantes. Les ministres allemands nomment des secrétaires d’Etat et des délégués qui n’appartiennent pas au gouvernement. En Italie, il y a des ministères sans portefeuille, sans autonomie budgétaire ni politique. Au Royaume-Uni, des junior ministers font leurs classes.

En France, nous sommes les champions dans la panoplie des titres : ministres d’Etat, ministres, ministres délégués, secrétaires d’Etat, hauts-commissaires… Ces derniers offrent toutefois l’avantage d’incarner la continuité, puisque à chaque changement de gouvernement ils restent, à la différence des ministres.

Un gouvernement de la taille d’une équipe de football est possible, avec le Premier ministre comme entraîneur et, placés directement auprès de lui, les ministres en charge des priorités du gouvernement, notamment environnementales. Un grand ministère des Affaires sociales couvrant tous les sujets du travail et de la protection ferait de son titulaire l’interlocuteur des syndicats et des corps intermédiaires. Politiquement, ce serait aussi l’affichage d’un ministre fort équilibrant le poids de Bercy.

Des postes de cette envergure nécessiteraient de l’expérience et un grand savoir-faire politique : une contrainte de casting qui aurait l’avantage de redonner au gouvernement une dimension plus politique que technique, rassurant les Français sur sa capacité à les entendre.

Tribune à retrouver dans l’Opinion

La dernière chance

Le titre de l’Express de cette semaine renvoie à celui de notre dernier livre. L’occasion de rappeler nos propositions de réformes pour les 100 premiers jours du quinquennat. Découvrez-les en 1 minute: https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=3jnZowjqUtg&t=2s

Les réformes du prochain quinquennat

Les Gracques, think tank social-libéral aspirant à dépasser le clivage gauche-droite, font de nombreuses recommandations et propositions. En particulier à l’occasion des élections présidentielles. Il y a dix ans, ils avaient publié un ouvrage manifeste titré « Ce qui ne peut plus durer ». Ils ont récidivé, pour 2022, avec « Le Manifeste de la dernière chance » (Albin Michel). Six parties font un état des lieux du quinquennat passé et, surtout, des propositions pour le quinquennat à venir. Sur la croissance, la protection sociale, la gouvernance publique, la citoyenneté, l’Europe.

Article complet à lire dans Les Echos

Propositions: Emmanuel Macron pioche chez Les Gracques

Il aura donc fallu que Marine Le Pen présente mardi à Vernon (Eure) sa vision de la pratique présidentielle, pour qu’Emmanuel Macron partage enfin, à douze jours du second tour de l’élection, ses « réflexions » sur les institutions.

Alors que la fracture démocratique a encore été confirmée par le taux d’abstention au premier tour de l’élection présidentielle (12,8 millions de Français ne sont pas allés voter le 10 avril, soit 26,31 % des inscrits), Emmanuel Macron ne voit qu’un défaut au système actuel : « Il faut sans doute un calendrier différent. » « Le fait de ne pas avoir de respiration démocratique pendant cinq ans n’est plus adapté à notre époque, estime-t-il sur le site lepoint.fr. Il faudrait peut-être avoir quelque chose qui ressemblerait à des élections de mi-mandat, comme aux Etats-Unis. »

Article à lire dans l’Opinion.

Un RSA vraiment automatique serait une percée majeure contre la précarité

La politique du « en même temps » suppose de combiner des logiciels politiques différents. Au point parfois d’être contradictoires ? C’est ce qui a été reproché au programme du président de la République en matière de minima sociaux : à ma gauche, la mise en place d’un versement automatique des aides sociales (à commencer par le RSA) ; à ma droite, le conditionnement du RSA à la réalisation par l’allocataire de « quinze à vingt heures hebdomadaires d’activité effective permettant l’insertion ». 

Peut-on vouloir simultanément automatiser le RSA et lui appliquer une condition supplémentaire, dont l’application ne manquera pas d’être un peu subjective ? 

On pourra d’abord rappeler que les conditions d’accès à une allocation sont distinctes des modalités de son versement. Donc, il n’y a pas de contradiction par nature à jouer sur les deux tableaux.  

On peut par ailleurs voir une complémentarité d’objectifs entre ces mesures, qui s’attachent aux deux visages du RSA :  

D’une part, le RSA est l’ultime filet de sécurité pour les personnes qui n’ont plus d’autre moyen de subsistance. Dans un rapport récent, la Cour des comptes souligne l’efficacité de cet instrument en dernier ressort de lutte contre la pauvreté. Le problème, c’est que 30% des Français qui auraient droit au RSA ne le demandent pas et donc ne le perçoivent pas. Un RSA vraiment automatique, en minimisant ce taux de non-recours, serait donc une percée majeure contre la précarité en France ! 

D’autre part, le RSA est censé être un palier de réinsertion vers l’emploi. Rappelons que tous les bénéficiaires sont censés avoir signé un « contrat d’engagement réciproque » avec l’Etat, portant sur une démarche d’insertion et de recherche d’emploi. Mais la Cour des comptes montre que le RSA remplit très mal cette mission de réinsertion, avec à peine un tiers des allocataires en moyenne ayant retrouvé un emploi au bout de sept ans. La principale raison en est la faiblesse du dispositif d’accompagnement mis en place dans les services sociaux et au sein de Pôle Emploi, qui ne sont pas armés pour prendre en charge des personnes parfois très éloignées de l’emploi. 

Les deux mesures proposées par Emmanuel Macron ne sont donc pas philosophiquement incompatibles : l’une, l’automatisation du versement des aides, vise à améliorer l’efficacité du RSA contre la pauvreté ; l’autre, le conditionnement à l’exercice d’une activité d’insertion, s’inscrit dans la logique tremplin vers l’emploi.  

144 allocataires par agent en Seine-Saint-Denis

Mais c’est dans la pratique que les choses se compliquent sérieusement. 

Disons-le franchement : les services d’insertion seraient aujourd’hui bien incapables, de trouver et proposer à tous les bénéficiaires du RSA des contrats d’activité de quinze heures par semaine. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, chaque agent des services d’insertion professionnelle gère en moyenne 144 allocataires… Il serait injuste de durcir les conditions de bénéfice du RSA sans améliorer très significativement les moyens de l’accompagnement : on mettrait alors en péril l’efficacité des minima sociaux contre la pauvreté ! 

De l’autre côté du spectre, le versement automatique des minima sociaux représente un gigantesque chantier de transformation numérique. Le partage de données entre administrations fiscales ou sociales est une nécessité absolue pour améliorer l’efficacité publique, notamment pour automatiser la gestion des droits sociaux. Cela demande du temps, de l’argent et de la volonté politique, mais c’est indispensable quand on réalise que la France n’est classée que 22ème sur 27 pays de l’Union par la Commission européenne en matière d’automatisation de l’utilisation des données par les administrations. 

Les pays mieux classés que nous, à commencer par le plus avancé, l’Estonie, ont totalement repensé leurs services publics grâce, par et pour le digital, allant jusqu’à simplifier la loi pour la rendre applicable par la machine. Il ne s’agit en effet pas seulement de numériser des démarches administratives telles qu’elles existent aujourd’hui, mais bien de les adapter à la gestion automatisée (ce qui est loin d’être le cas pour le RSA). Or la France n’a pas commencé ce travail, qui se fera dans la douleur : qui expliquera aux parlementaires qu’ils ne doivent voter que des textes assez clairs pour être « codables » ? 

Il ne faut donc pas sous-estimer l’effort que représente l’automatisation du RSA et des aides sociales, mais le jeu en vaut la chandelle sur tous les tableaux : justice sociale, lutte contre la fraude, mais aussi économies de fonctionnement. La gestion de ces allocations occupe aujourd’hui des centaines d’emplois publics, qu’il sera possible de redéployer… dans l’insertion professionnelle des allocataires ou dans l’accompagnement numérique des personnes isolées. 

Autrement dit, les deux mesures proposées par Emmanuel Macron sont liées. A condition de mettre en place un Etat plateforme avec des procédures numérisées qui permettront au A du RSA de signifier l' »automaticité » de la gestion des droits et de redéployer les ressources vers l’accompagnement des allocataires vers l’emploi. Même si l’on peut douter qu’un quinquennat y suffise, cette démarche est vertueuse et peut s’appliquer à beaucoup de services publics à condition de respecter l’ordre des facteurs : adapter la loi au numérique, automatiser le versement, redéployer les ressources vers l’accompagnement, et enfin seulement se montrer plus exigeant vis-à-vis des usagers. 

Une tribune à retrouver dans L’Express.

Tous pour l’Ukraine: Meeting de solidarité mardi à Paris, en présence de Valérie Pécresse et d’Anne Hidalgo

Le philosophe Bernard-Henri Lévy tient mardi 1er mars à 17h « un meeting de solidarité » au Théâtre Antoine à Paris, en soutien au peuple ukrainien et à son président, Volodymyr Zelensky. Côté responsables politiques, François Hollande, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse et Christophe Castaner sont attendus.

Article complet à lire dans le JDD.