«Après la présidentielle, cent jours pour des réformes de fond»

Le temps perdu au début d’un quinquennat ne se rattrape jamais, plaident les Gracques, groupe de réflexion social-libéral, qui compte de nombreux hauts fonctionnaires.

Le quinquennat qui s’achève, comme ceux qui l’ont précédé, aura rappelé la puissance du «triptyque de la réforme» qui s’impose à tout élu à la présidence de la République.

Règle n° 1: ce qui est difficile et qui ne se fait pas au début de la mandature, quand on peut s’appuyer sur la légitimité du suffrage et la dynamique de campagne, ne se fait plus.

Règle n° 2: pour que la réforme prospère – faute de quoi l’occasion perdue ne se retrouve pas -, elle doit avoir été parfaitement préparée avant, plutôt qu’élaborée ensuite au fil de l’eau.

Règle n° 3: la légitimité et la préparation ne sont rien sans une bonne exécution confiée à des responsables capables de commander, d’accompagner, d’expliquer, d’entraîner et finalement d’atteindre l’objectif qui leur a été fixé.

Article complet à lire dans le Figaro.

Notre agenda en 1 minute

Une minute: c’est le temps qu’il vous faudra pour regarder cette vidéo et découvrir notre programme des 100 jours. 

Des midterms à la française, un gouvernement resserré format équipe de foot, un service civique environnemental pour les jeunes…
Un programme de réforme clé en main et un calendrier d’exécution clair à retrouver plus en détail dans notre Manifeste de la dernière chance.

Jean Daniel , disparition d’un passeur

La disparition de Jean Daniel est aussi celle de l’un des derniers passeurs de notre temps. Passeur des idées progressistes qu’il aura incarnées tout au long de sa vie. Passeur de tolérance et de respect de la parole de l’autre. Passeur de paix, à chaque fois que celle ci était menacée. Passeur au sein de la gauche comme dans sa rédaction, passeur littéraire , passeur politique.
Passeur bienveillant entre générations.
Il a été l’un des premiers à soutenir la démarche des Gracques dans cet éditorial du Nouvel Observateur que nous republions ici avec émotion, gratitude et respect.

Voici le texte rédigé en septembre 2007 par Jean Daniel à l’occasion de la première université d’été des Gracques à laquelle participaient notamment Michel Rocard , François Chèrèque, Walter Veltroni, Anthony Giddens, Jorge Semprun, Erik Orsenna,  Jacques Juilliard, Olivier Ferrand, et beaucoup d’autres…
Un texte d’une grande hauteur de vue, à l’image de son auteur : lucide, tolérant, ancré dans l’histoire des idées, à la recherche d’un point d’équilibre entre efficacité économique et accompagnement d’un corps social fragile et fragmenté.

Message pour l’université d’été des Gracques – Jean Daniel

“Chers amis, 

J’ai déjà dit aux organisateurs de cette journée du 26 août à Paris combien était vif mon regret de ne pas être avec vous à ce moment-là, mais aussi combien j’étais heureux que vous nous ayez choisis comme partenaires et souhaités comme parrains. 

Ce n’est pas que, personnellement, je me sois trouvé d’accord avec toutes les analyses et avec toutes les attitudes de ce que j’appellerais votre  «groupe de réflexion et de pression» . Pourtant, dès l’émergence, non du calendrier de vos initiatives électorales mais de la définition de vos objectifs, je me suis senti en familiarité sinon en symbiose.

La longévité m’a permis d’assister à la naissance du Club Jean-Moulin, de la Fondation Saint-Simon et des clubs qui, dans le prolongement de la deuxième gauche et avec l’attentive caution de Pierre Mendès France, se déployaient entre Michel Rocard et Jacques Delors, comme entre Michel Crozier et Michel Albert. L’idée principale était d’épouser de manière vigilante et critique l’évolution de l’Europe, d’envisager l’éventualité de la fin du capitalisme rhénan et de s’interroger sur tous les signes d’une mondialisation en marche : en somme de mettre en route la réconciliation d’une large frange de la gauche avec la modernité. 

Politiquement, cela se traduisait non pas par des stratégies de rapprochement avec le centre – ce qui n’eût été qu’électoral -, mais par la suppression théorique comme élément de pensée du concept du centre tel que Valéry Giscard d’Estaing puis François Bayrou l’ont défini. Il s’agissait d’aborder de front, un par un, tous les problèmes dans leur singularité nouvelle, sans préjugés idéologiques et sans s’inquiéter à l’avance du fait que les éventuelles audaces révisionnistes puissent être considérées comme des reniements. 

Dans sa philosophie, cette démarche, si elle est bien la vôtre, est devenue aussi la mienne – ou la nôtre. Elle consiste, à mes yeux en tout cas, non pas à formuler une millième condamnation de la schizophrénie des socialistes, de l’incapacité où ils se sont trouvés et où ils se trouvent encore très souvent de s’adapter aux prodigieuses mutations du monde, ni de voir dans la social-démocratie – déjà dépassée aujourd’hui il est vrai – autre chose qu’une trahison libérale et un abandon des grands principes. Il s’agit de recenser – pour les vaincre ! – les motivations essentielles de l’immobilisme doctrinal et de constituer une force de propositions, et non de s’enfermer dans un statut d’opposition. 

Pourquoi les socialistes français sont-ils les seuls à avoir reculé devant la nécessité partout adoptée de faire leur aggiornamento dans le sillage du congrès de Bad Godesberg ? Pourquoi le mot de «réformisme» est-il si longtemps apparu comme une obscénité ? Pourquoi François Mitterrand, ayant à commenter le socialisme nordique, au lieu d’admirer que la Suède fût à la fois une réussite industrielle sans précédent (avec six grands groupes internationaux) et le pays au monde où la sécurité sociale était la plus attentive, efficace et omniprésente, oui, pourquoi le président socialiste français a-t-il cru nécessaire de dénoncer les compromissions des Suédois avec le capitalisme international ? Encore François Mitterrand formulait-il ce jugement mezza voce et avec un rien d’ironie. 

La question a été posée par mon ami Jacques Julliard de savoir si les socialistes français croyaient encore à leurs mythes. De même que le grand historien Paul Veyne avait prouvé que les Grecs n’y croyaient pas. Ma réponse personnelle à cette question, c’est que les gens ne sont jamais tout à fait détachés de leurs mythes, et que les légendes peuvent être tout à fait identitaires. Voltaire s’alarmait à l’idée que, prenant exemple sur lui-même, le peuple pût vivre sans religion. C’était, à son sens, lui retirer l’existence. 

Les mythes socialistes peuvent être des rites, mais ils sont très importants. On veut garder les mêmes ennemis, et la Maison du Peuple ne saurait frayer ni avec le Château ni avec l’Eglise. En tout cas, c’est ainsi qu’on a cru vivre pendant plusieurs générations, sans se rendre compte que les mythes devenaient de moins en moins identitaires, et en particulier que les classes populaires abandonnaient progressivement, un à un, tous les partis de la gauche. 

Nicolas Sarkozy a été élu par 46% d’employés et 42% d’ouvriers. Il n’a pas encore dépassé sa rivale mais, sur ce point précis, l’avantage de la droite est énorme. Comme l’écrit Christophe Guilluy à propos de la nouvelle géographie sociale et des vieilles oppositions héritées de la révolution industrielle :  «La France des ouvriers, des petits salariés du secteur privé, des revenus modestes, des précaires est aujourd’hui une France périphérique, dispersée, périurbaine et rurale. Ce ne sont plus les anciennes banlieues ouvrières qui structurent les nouvelles fractures sociales.» 

Cela est d’autant plus nouveau et grave que la démocratie française souffre d’un handicap insurmontable. Le syndicalisme y est désastreusement faible, et ne peut donc contribuer à rénover à gauche le concept de responsabilité. 

En tout cas, le jour est arrivé où la fidélité des socialistes à leurs mythes ne s’est plus révélée payante dans les consultations électorales. Tony Blair en a été conscient, avec sa transformation du Labour, mais il n’a pas été le premier. Ce sont les socialistes allemands qui ont été les plus révolutionnaires avec la pratique de la cogestion. Elle n’était possible qu’avec des syndicats très forts et tout à fait en mesure de contrôler leurs partenaires capitalistes. 

Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que les longues cures d’opposition de la gauche (1958-1981 !) ont plutôt fait d’elle une institution où la vigilance était néomarxiste, tandis que l’on pouvait déceler dans le langage une signifiante évolution. Les «ouvriers» avaient remplacé le «prolétariat», qui lui-même avait remplacé les «travailleurs»; quant aux «patrons», ils étaient anoblis du titre de «chefs d’entreprise». Pour ce qui est des thèmes de la sécurité et de l’immigration, ils étaient traités d’une façon qui relevait d’un manichéisme idéologique et moraliste. Ce qui permet à Didier Peyrat d’affirmer que  «l’anti-sécuritarisme est un vecteur de la déprolétarisation de la gauche et que Ségolène en a fait les frais» . On a oublié, dit-il, qu’un acte révoltant n’est pas forcément un acte de révolte et que  «ce n’est pas le peuple qui est idiot en portant plainte contre l’insécurité, c’est l’idéologie négationniste qui est complètement stupide» 

C’est un grave problème qui sépare bien des experts de bonne volonté. J’ai moi-même été critiqué par mes amis quand j’ai affirmé depuis très longtemps, et je ne cesse de le faire, que la France précarisée et qui demande à être mise en mesure d’accueillir l’immigration comme à être protégée de la mondialisation n’était pas une France raciste. Permettez-moi de vous dire qu’ayant prévu et guetté depuis très, très longtemps les réactions des couches populaires sur ces thèmes, je n’ai aucunement été surpris par ce qu’on appelle la «droitisation». En un mot, je continue de penser que ce n’est pas la France qui se droitise, c’est le réel qui ne répond plus aux critères de jugement de la gauche traditionnelle. 

Le crime de Le Pen n’a pas été de soulever un débat mais de l’avoir bel et bien empoisonné. Car délivrés de leur insupportable caractère pétainiste et de leurs accents antisémites et chauvins, les discours de Le Pen rappelaient quasiment les mêmes questions que Mitterrand lorsqu’il évoquait le  «seuil de tolérance» , Giscard  «l’invasion» , Chirac  «les mauvaises odeurs dans l’escalier» , Rocard  «on ne peut accueillir toute la misère du monde mais on doit prendre notre part pour y remédier» , Balladur  «la préférence nationale n’est aucunement immorale» , sans parler de ce que Fabius avait dit le premier, au début :  «Le Pen formule de bonnes questions mais de très mauvaises réponses.» 

La droite ne s’est pas lepénisée, elle a  «défascisé» le problème, et si elle l’aborde mal, notamment avec son ministère de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, c’est plus précisément parce que nous n’avons rien fait et que nous avons laissé à la droite, ce qui m’enrage, l’initiative de confier à des femmes issues de l’immigration des responsabilités ministérielles importantes. Et je ne pense pas, au contraire, que nous ayions tiré toutes les leçons de notre insuffisance lorsque je lis les commentaires sur les malheureux discours africains de Sarkozy. Après un procès irrécusable et sans nuances de la colonisation, il a eu l’agressif mérite de proposer un débat sur l’Afrique. Je suis en désaccord avec lui mais je trouve avantage à ce que les tabous soient levés, à ce que le problème soit posé. Il mérite qu’on ne lui réponde pas avec des seules indignations incantatoires. 

Je vous préviens que dire tout cela n’est pas encore devenu innocent. Le rassemblement des antisécuritaires a créé, à l’intérieur de la gauche, une véritable hégémonie intellectuelle et sectaire. D’ailleurs, sur tous ces problèmes, la compassion relève d’une cruelle irresponsabilité dont les premières victimes sont évidemment les immigrés eux-mêmes. J’ai toujours professé qu’il était plus fraternel de se soucier du sort fait aux immigrés que de les accueillir et de les abandonner. 

Maintenant, je n’ai pas l’intention de vous infliger une analyse des nouvelles données économiques, surtout dans une période où la financiarisation du capital montre que l’argent n’a plus rien à voir avec la production des richesses ni avec la création d’emplois. Vous êtes bien trop experts en ces matières, et je me contente de vous lire. D’ailleurs, le fait que vous vous opposiez souvent les uns les autres me console de mon incompétence, sans m’empêcher d’en tirer profit ! 

Vous observerez quand même, parce qu’il me semble que ça n’est pas relevé, que la politique économique et financière de Nicolas Sarkozy ne paraît pas bénéficier de l’adhésion des grands parrains qui l’ont sans cesse aidé. Il m’est revenu que MM. Pinault, Arnault, Bolloré, Lagardère et Bernheim ne croyaient pas du tout que l’on puisse agir sur la croissance par la consommation. Ce qui fait que Sarkozy est moins dépendant du grand capital que nous ne le pensions. Et j’aimerais bien que nous nous penchions sur ce problème. C’est d’autant plus important que chaque fois qu’une manifestation de l’opposition sur tel ou tel thème n’est pas accompagnée d’une proposition constructive, alors elle fait totalement le jeu de la droite. Or, si la gauche s’oppose, elle se répète. Si la droite réforme, elle se renouvelle. Nous devrions nous interdire de faire une critique sans la faire suivre d’une proposition réaliste, crédible et populaire. 

Mais je voudrais terminer par où d’autres commencent. A savoir le sens de la mobilisation civique qui a abouti à 84% de participation électorale à l’élection présidentielle. Les meetings des trois principaux leaders étaient archicomplets, et  «l’ambiance» , comme disent avec vulgarité les organisateurs, était partout la même, c’est-à-dire «électrique», j’en suis témoin. Les trois leaders ont senti et finalement compris l’intensité du besoin de rupture avec le passé. Mais aussi un besoin de croire, parce que le peuple français a senti qu’il était en danger, que le pays perdait ses moyens et la nation, son âme. 

Les trois leaders ont intégré tout cela. Ils ont dit  «ensemble tout est possible» , ou ils ont parlé du  «désir d’avenir» . Les analyses de Ségolène Royal étaient sans doute insuffisantes mais pas fausses. Elle a compris, au moins au départ, qu’elle pouvait tout dire, qu’elle aurait pu tout dire. Sur les 35 heures, la retraite à 60 ans, le service minimum, etc. Elle a vu s’opposer à elle cette coalition des rivaux, dont tous les sondages montrent que la majorité des électeurs la considèrent comme la principale responsable de la défaite de la gauche. Ségolène avait fait les mêmes analyses que Sarkozy. Mais il lui a manqué d’être préparée avec la patience stratégique, l’imagination bondissante et la détermination grâce auxquelles, pendant cinq ans, Nicolas Sarkozy a forgé sa victoire. 

Tout cela doit être présent dans nos échanges, avec une seule formule : si pessimiste que l’on puisse être, si désenchanté que l’on soit devenu, si sceptiques que nous nous abandonnions à l’être, nous ne pouvons plus nous contenter d’accuser le peuple français, en nous abritant derrière la dénonciation de ses singularités, ou plutôt comme l’on dit désormais de ses «modèles».”

Première Université d’été des Gracques

Voir aussi : “En rendant hommage au journaliste Jean Daniel, le chef de l’Etat envoie un signal à l’électorat qui l’a porté en 2017.”

https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/27/emmanuel-macron-tente-de-renouer-avec-la-deuxieme-gauche_6031019_823448.html

VIVE LES SARDINES !

Vive les sardines ! 

Il s’est passé un événement exceptionnel samedi dernier : plus de 100 000 personnes rassemblées dans la rue pour protester !

Ce n’était pas à Paris mais à Rome. Et elles ne protestaient pas pour réclamer, elles protestaient pour défendre l’intérêt général. L’ennemi désigné n’était pas seulement la Ligue et ses alliés d’extrême droite, elles se dressaient contre la mauvaise foi, les fake news, la démagogie, la pratique systématique de l’invective et de l’insulte dans le débat politique. Et elles ont choisi pour emblème les sardines

Pour qui roulent-elles ? Pour personne. Leurs mots d’ordre sont : respect, règle de droit, bienveillance, reconnaissance de la complexité du politique, compétence dans la gestion des affaires.

Nées spontanément de l’initiative de quelques jeunes, soutenues par une avocate engagée dans les mouvements contre les discriminations, elles ont réuni en quelques jours sur les réseaux sociaux des milliers de supporters au point d’humilier à Bologne le meeting de la Ligue qui se tenait au même moment. À Rome samedi, sur une place immense, la démonstration fut encore plus éclatante.

Le choix de la sardine est un symbole d’humilité. De petits poissons qui circulent en nombre et se serrent les uns contre les autres. Leurs meetings se terminent par une chanson connue de tous : ciao bella ciao, une sorte de chant des partisans sur un rythme enlevé qui se termine par l’éloge de la liberté

Les sardines offrent à la société civile l’occasion de s’engager pour des valeurs positives et pour l’intérêt général. C’est la raison pour laquelle nous les avons rencontrées à Rome cette semaine, que nous soutenons leur initiative et espérons les aider à l’élargir au delà des frontières italiennes, pour diffuser leur message positif d’universalité.

Les Gracques



Italie et France au service d’une Europe ambitieuse

La fondation Astrid et les Gracques ouvrent une réflexion sur le rôle que peuvent jouer l’Italie et la France dans le projet européen. 

A l’occasion d’un premier séminaire dédié, les think tanks ont invité des personnalités françaises et italiennes pour en débattre. 

Parmi elles : Christophe Castaner, Agnès Pannier Runacher , Stéphane Séjourné , Pierre Person, Paolo Gentiloni, PierCarlo Padoan, Linda Lanzillotta,  Piero Fassino…. 

Franco Bassanini et Bernard Spitz dirigeaient les débats. Cette réflexion est amenée à se poursuivre en France et en Italie. 

Bernard Spitz, Franco Bassanini, Christophe Castaner, Paolo Gentiloni et Stéphane Séjourné, le 26 octobre 2019
Bernard Spitz, Franco Bassanini et Agnès Pannier-Runacher le 26 octobre 2019

Le secret de la gauche portugaise

Lettre politique de Laurent Joffrin, parue dans Libération le 8 octobre 2019.

La gauche vient de l’emporter nettement au Portugal, avec un Parti socialiste en progression d’un scrutin sur l’autre après quatre années de pouvoir. On peut considérer qu’il s’agit là d’une exception aberrante, d’un cas exotique et incompréhensible, que le Portugal vit pour ainsi dire sur une autre planète que le reste de l’Europe, où l’on prononce partout ou presque, souvent avec une joie sans mélange, la mort de la gauche de gouvernement. On peut aussi risquer une comparaison avec la gauche française, peut-être plus éclairante.

La gauche portugaise a mené au pouvoir une politique sociale à la fois réelle et raisonnable, tout en redressant les finances du pays. Beaucoup dans la gauche française pensent que ces deux objectifs sont incompatibles.

La gauche portugaise a conduit cette politique tout en respectant scrupuleusement les directives européennes. Beaucoup dans la gauche française pensent qu’il est impossible de faire les deux à la fois.

La gauche portugaise a mené une politique d’immigration claire, qui consiste à reconnaître l’utilité des nouveaux arrivants – le Premier ministre António Costa a même déclaré que le pays avait besoin de plus d’immigrants – tout en proportionnant ces arrivées aux capacités d’accueil du pays. A gauche, en France, le plus souvent, on se garde prudemment de tout éloge de l’immigration, mais on estime que la régulation des flux d’arrivants en fonction des capacités d’accueil est une idée de droite.

Les partis situés à la gauche du PS portugais ont leur propre agenda et demandent des mesures plus audacieuses. Mais ils se gardent de crier à la trahison dès que le gouvernement opte pour des compromis en la matière. En France, les partis équivalents passent leur temps à faire le procès des expériences de gouvernement passées.

La gauche de la gauche portugaise préfère un gouvernement progressiste imparfait à un gouvernement de droite. En France, on a souvent le sentiment que les mêmes se sentent beaucoup plus à l’aise dans l’opposition qu’au pouvoir, ce qui revient à laisser la droite gouverner.

La gauche portugaise, dans son ensemble, préfère l’unité à la cacophonie. La gauche française préfère se diviser dans l’invective et l’amertume.

La gauche française perd les élections. La gauche portugaise les gagne.

La politique de la faillite – Tribune publiée dans le Point

Tribune des Gracques publiée dans Le Point le 16 mars 2017

Alerte. Benoît Hamon envisage de renégocier la dette française. Un désastre annoncé, selon le collectif de réformistes de gauche.

Rembourser ou pas ? Le candidat socialiste, Benoît Hamon, à la Maison de l’Europe le 10 mars.

Dans un débat présidentiel confus où certains candidats ne savent plus quelle énormité proférer pour attirer l’attention médiatique, une déclaration très inquiétante de Benoît Hamon sur France Inter, le 27 février, est presque passée inaperçue : « Il faudra regarder ce qu’on pourra rembourser ou ne pas rembourser… Il y a une dette vis-à-vis des banquiers que nous pouvons tout à fait renégocier. » Son conseiller Thomas Piketty avait précisé : « Cela peut passer par un bras de fer avec l’Allemagne. Si celle-ci dit non à la démocratisation, ce sera de facto la fin de l’euro » (1). Hamon rejoignait ainsi le parti de la faillite avant de requalifier son propos en parlant de « moratoire », ce qui revient peu ou prou au même, puis de se prononcer pour une renégociation de l’ensemble des dettes européennes.

Assez de circonlocutions ! Ne pas rembourser une dette au terme prévu ou rembourser dans une monnaie différente, cela signifie faire défaut sur la dette française. En d’autres termes, assumer la faillite. Rien de moins. La France n’a pas fait défaut depuis plus de deux cents ans. C’est pour cela qu’elle peut s’endetter à des taux presque nuls aujourd’hui. Remettre en question deux siècles de crédit public est tout à fait autre chose que débattre de la règle des 3 % de déficit. C’est irresponsable. Aucun socialiste n’était jamais allé sur ce terrain. En reprenant le coeur des propositions économiques de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, il les banalisait. Pire, il les cautionnait.

La politique de la faillite n’a pour argument que l’énormité de sa menace. Le défaut argentin portait sur 100 milliards de dollars, le défaut grec sur 200 milliards d’euros. Le défaut français, en dépassant 2 000 milliards d’euros, menacerait l’économie mondiale. Le parti du défaut espère donc que cette menace fera payer et plier nos voisins. Pure illusion. Qui paiera alors pour subventionner les besoins courants de la France ? Personne. Et la planche à billets n’est pas une solution : il n’y a pas de baguette magique dans la vraie vie.

Marine Le Pen, elle, va plus loin et veut sortir de l’euro. En changeant la monnaie de sa dette, même si le Parlement français l’autorise, l’Etat français serait en défaut pour tous ses créanciers. Il en ira de même pour les entreprises publiques et privées qui rembourseraient en francs dévalués. Les uns et les autres seront coupés pour longtemps de tout accès aux marchés des capitaux : qui ne paie pas ses dettes ne peut plus espérer emprunter. Les riches auront transféré leurs fortune à l’étranger, en monnaies fortes, avant la fermeture des banques. L’épargne des plus modestes et des classes moyennes, elle, aura perdu de sa valeur. Les Français seront payés en francs dévalués, et leur consommation d’importations devenues plus coûteuses réduira leur pouvoir d’achat. On n’aura rien fait d’autre que dévaluer l’épargne et les revenus des Français, tout en provoquant une nouvelle crise financière.

Ensuite, il faudra bien, en l’absence de crédit, retrouver un équilibre : non pas l’équilibre budgétaire, mais celui de la balance des paiements. Même si la banque centrale crée autant de francs que le lui demande le gouvernement, il faudra que la France dans son ensemble trouve assez de devises pour payer les importations dont le prix aura augmenté, plus les remboursements de la dette extérieure restante, tout cela sur fond de fuite des capitaux et des cerveaux. Elle devra le faire au prix d’une austérité brutale. L’exemple de la Grèce, en pire.

Alors qu’une autre voie existe. La voie qui mise sur les forces de la France, pour qu’elle puisse rayonner en Europe et dans le monde plutôt que se recroqueviller sur elle-même.

Jamais les enjeux n’ont été aussi grands dans une élection depuis des décennies. Le choix des Gracques est clair. Parce qu’il porte nos priorités et notre foi en l’avenir du pays, parce qu’il tient les seuls meetings où flottent côte à côte les drapeaux français et européen, parce qu’il s’est engagé à honorer le crédit de la France, Emmanuel Macron a notre soutien.

(1) Les Echos du 27 février.

Loi Travail: non, Martine ! – Tribune publiée dans le Point

Tribune publiée par les Gracques dans le Point du 3 mars 2016: Loi Travail – Les Gracques : non, Martine !

Le collectif de réformistes de gauche démonte les arguments défendus par la tribune frondeuse publiée le 25 février dans « Le Monde ».Non, Martine ! « Trop, c’est trop », disent-ils. Trop quoi ?

Trop lent ? Ils ont raison ! On aura attendu quatre ans pour réaliser qu’embaucher n’est pas, pour un employeur, un geste politique, mais une question de croissance et un acte de confiance en l’environnement réglementaire et fiscal.
Trop tard ? Ils ont raison ! On aura attendu vingt ans pour corriger l’aberration des 35 heures, cette idée que le monde entier a choisi d’ignorer. Alors qu’il était urgent de réformer le droit du travail comme tous nos voisins européens l’ont fait.

Lire la suite de la tribune publiée dans le Point >>

 

Mais nous savons que ce n’est pas cela qu’ont voulu dire les auteurs de la tribune du Monde. Leur motivation: afficher la rupture. Leur cible: l’avant-projet de loi El Khomri. Au passage, ils ratissent large, des migrants au terrorisme: mécontents de tous sujets, unissez-vous! La ficelle est grosse: même nous, Gracques, signerions volontiers le passage consacré à la déchéance de nationalité. Mais c’est du texte sur le code du travail dont nous voulons parler. Pour dire bravo et saluer le courage de l’exécutif. 

Martine Aubry et ses amis expliquent qu’il est urgent de persévérer dans l’erreur, sur  la voie singulière qu’a choisie la France: avec pour résultat un taux de chômage double de celui de l’Angleterre, et pour les jeunes, entre triple et quadruple de celui de l’Allemagne. « Pas ça, pas nous, pas la gauche » dit-elle. Ce qui signifie : n’apprenons rien de nos échecs, tant notre identité et notre projet sont trop fragiles pour qu’on y touche.   
 
Non, on n’a pas offert 41 milliards d’Euros aux entreprises: on a juste réduit les trop lourdes charges qu’elles supportent, plus que partout ailleurs. Non, les politiques ne savent pas mieux que les employeurs ce qu’il faut faire : ce n’est pas à l’administration de décider à la place de ceux qui travaillent dans les services, l’industrie, l’agriculture. Cela ne marche pas, et marchera encore moins demain, dans un monde où les techniques, les attentes des consommateurs, les marchés bougent à toute allure.
 
La tribune frondeuse ne formule pas une proposition concrète de réforme! Pas la moindre idée positive! Ce qui la porte, c’est le vieux logiciel d’une classe politique qui veut dépenser toujours plus d’argent public, et se méfie de l’intelligence collective qui se déploie, sur le terrain, là où l’emploi se crée. D’où l’attaque contre l’idée de favoriser les accords en entreprise. C’est pourtant en construisant de tels accords que les syndicats retrouveront la confiance des salariés, et pourront enrayer l’érosion de leur base.
 
Le texte est perfectible, mais il va dans le bon sens. Il ne remet en cause aucune des protections fondamentales dont bénéficient les salariés. Il ouvre de nouveaux espaces à la négociation. Il permet aux entreprises de mieux s’adapter à la conjoncture, dans un cadre juridique moins aléatoire. Il ouvre un espoir à ces millions d’outsiders, jeunes, non qualifiés, seniors, qui se fracassent sur les rigidités de notre marché du travail. Il est logique qu’il soit débattu, amélioré. Mais de là à en demander le retrait pur et simple, par dogmatisme ou opportunisme politique : non, Martine Aubry! 
 
La France a tout pour réussir au XXIème siècle: les femmes et les hommes, les institutions, les infrastructures, les entreprises. Mais elle n’en tirera parti qu’en se réformant, et vite. Toute année perdue l’est d’abord pour les chômeurs, les jeunes cantonnés aux marges du système, les talents gâchés. Ne pas conduire le pays en regardant dans le rétroviseur, mais réformer patiemment et continûment. C’est ce dont la France a besoin et c’est pourquoi cette réforme doit être soutenue. 
 
Une partie de la gauche dit le contraire? Bonne nouvelle pour Manuel Valls, Emmanuel Macron, Myriam El Khomri et le camp réformiste avec eux : le moment de la clarification est venu.

Les Gracques

Primaire à gauche: Cohn-Bendit à l’Université des Gracques

Daniel Cohn-Bendit s’exprime sur l’intérêt d’une primaire à gauche pour les présidentielles de 2017, dans le cadre de la 5ème Université des Gracques.