Europa First

« America First ». Obama le pensait, Trump le criait, Biden le fait. Le message est clair : les alliés passeront derrière les intérêts américains. Washington se replie de ses engagements militaires extérieurs pour mieux se concentrer sur sa rivalité avec Pékin. 

Article complet à lire dans Les Echos.

Plaidoyer pour la « bonne relance »

Les mesures d’urgence économique prises au printemps dernier ont créé une ligne de défense efficace, en « gelant » temporairement l’économie tout en préservant le revenu disponible des ménages grâce au chômage partiel, au fonds de solidarité et aux prêts garantis par l’Etat.

En dépit du pessimisme ambiant, les premiers résultats sont là. Si le PIB a baissé de 19 % en France au premier semestre, contre 15 % en zone euro et 12 % en Allemagne, l’activité a fortement repris depuis la sortie du confinement (- 7 % en juillet, contre – 30 % en avril), sous l’effet du rebond de la consommation, qui a aujourd’hui dépassé son niveau d’avant-crise. Un tel retournement n’a qu’un seul précédent historique, celui du troisième trimestre de 1968. Alors que le Gouvernement tablait au début de l’été sur un recul de 11 % du PIB en 2020, les instituts de conjoncture anticipent désormais une baisse de l’ordre de 9 %.

Mais poursuivre dans cette voie défensive ne serait ni soutenable, ni souhaitable. 

La France ne peut se permettre de geler durablement son tissu productif, alors qu’elle a abordé cette crise lourdement endettée et structurellement en déficit, sur le plan budgétaire comme commercial. Rappelons que le Gouvernement s’attend désormais en 2020 à un déficit public de 11,5 % du PIB qui porterait la dette à plus de 120 % du PIB.

Ce serait par ailleurs inefficace économiquement, tant cette crise paraît de nature à accélérer les transformations des modes de consommation, de l’organisation du travail et des équilibres productifs. Si dix ans ont été nécessaires pour porter la part du commerce électronique de produits alimentaires aux Etats-Unis de 6 à 16 %, trois mois ont suffi pour atteindre 26 %. 

La crise entraînera dès lors nécessairement des réallocations qu’il s’agira d’accompagner et non de bloquer : le chiffre de 50 000 salariés touchés par les plans sociaux depuis le début du confinement doit ainsi être mis en regard des 10 000 emplois que l’économie française détruit et crée chaque jour en moyenne.

Le temps de l’offensive par la relance est donc venu. L’objectif, comme nous l’indiquions dès avril, doit être de retrouver en 2022 le PIB de 2019. 

Priorité aux jeunes et à l’investissement 

Churchill disait qu’il fallait voir l’opportunité dans chaque difficulté. Nous y sommes. La contrainte économique nous oblige à être efficace ; la contrainte financière à être sélectif ; la contrainte environnementale à verdir la croissance ; la contrainte technologique à investir dans la numérisation. 

Cette crise, en amplifiant tout par un effet de loupe, met en valeur les forces et les faiblesses de chacun. 

L’Allemagne a pu dépenser sans compter, grâce à un effort de maîtrise de la dépense publique qui lui avait permis de ramener son endettement à 60 % du PIB en 2019, contre 98 % en France.

Si notre pays a su préserver le pouvoir d’achat de l’essentiel des ménages, la situation des jeunes et des indépendants, traditionnellement mal protégés par notre modèle social, apparaît préoccupante. La dégradation du marché du travail au deuxième trimestre a d’abord concerné les jeunes, dont le taux d’emploi a connu une chute sans précédent (- 2,9 pts, à 26,6 %).

Sur le plan productif, si la consommation a fortement rebondi, ce sont les secteurs les plus riches en importations qui en ont été les principaux bénéficiaires. Le commerce extérieur, qui a amputé la croissance de 2,3 points au deuxième trimestre, demeure une source de fragilité. 

A cet égard, le plan de relance doit être l’occasion de remédier à certaines faiblesses des premiers plans de soutien.

Les entreprises ont été moins protégées que les ménages : elles conservent à leur bilan une part substantielle des pertes liées au confinement (24 % selon la Banque de France, 33 % selon l’OFCE). Cela a renforcé leur tendance naturelle à surréagir défensivement en période de crise, en suspendant l’embauche des jeunes et en gelant les investissements. 

Si  le soutien aux entreprises a été moins important, ses modalités ont en outre été marquées par une « préférence pour la dette », via les prêts garantis par l’Etat, au détriment des fonds propres, alors que les leviers sont déjà importants. Il est désormais indispensable de rééquilibrer les bilans, comme nous l’appelions de nos vœux dès le mois d’avril.

A cela s’est ajouté l’inquiétude des dirigeants de PME et ETI face aux risques juridiques, aux problèmes de continuité de certains services publics, aux tentatives d’instrumentalisation du risque sanitaire par certains syndicats et aux contradictions du discours public sur les masques et les tests, qui ont également contribué à la démoralisation nuisible à l’investissement.

En l’état, la crise risque ainsi d’accélérer le déclassement de notre appareil productif : sur l’ensemble de l’année 2020, l’investissement devrait chuter deux fois plus fortement que le PIB (- 20 %) d’après la Banque de France et l’OCDE. L’économie française ne pourra pourtant pas se permettre d’attendre six ans pour que l’investissement industriel retrouve son niveau initial, comme ce fût le cas après la crise financière de 2008.

Ces constats indiquent clairement deux priorités pour la relance : l’emploi des jeunes et l’investissement productif. Car c’est bien des entreprises que viendront les réponses aux questions de l’emploi, de la croissance – a fortiori dans sa composante verte – et du financement des transferts sociaux.

Bon et mauvais plan de relance 

Comme l’a dit Mario Draghi, « La dette créée par la pandémie est sans précédent et devra être remboursée, principalement par les jeunes d’aujourd’hui. Il est donc de notre devoir de leur fournir les moyens d’assurer le service de cette dette ». Il faut donc distinguer la « bonne dette » qui prépare l’avenir en finançant le capital humain, la recherche ou encore l’investissement – de la « mauvaise », qui ne trompera pas indéfiniment les marchés et sera financée à perte par les jeunes générations.

Dans le cas de la France, à quoi ressemblerait un mauvais plan de relance ?

Ce serait le soutien indifférencié à la demande, selon l’approche keynésienne classique, qui aurait un effet modeste sur l’activité tout en nourrissant fortement l’épargne – déjà en hausse de 75 milliards d’euros depuis le confinement – et les importations. Nous ne proposons donc pas de baisser la TVA, comme l’a fait l’Allemagne.

Ce serait le financement de dépenses courantes pesant durablement sur la situation structurelle des finances publiques, alors que notre situation budgétaire invite au contraire à privilégier les mesures temporaires et réversibles.

Ce serait retarder l’adaptation des entreprises et des services publics aux standards de productivité mondiaux qui décideront de notre place dans le monde de demain, alors qu’il faut au contraire faire de cette crise un levier de transformation pour adapter notre économie aux mutations engagées en matière de consommation, de robotisation, de numérique, de décarbonisation, etc.

Ce serait la poursuite d’une politique industrielle rhétorique, cherchant des champions nationaux et multipliant les procédures éparses et cloisonnées, au lieu d’aligner par un pilotage central tous les guichets financiers publics sur les priorités de compétitivité et de souveraineté économiques, tout en faisant collaborer l’ensemble des acteurs depuis la recherche jusqu’à l’industrialisation, sur le modèle de l’agence américaine DARPA.

Ce serait risquer de priver la France du plein bénéfice du plan européen dont elle a été le promoteur, faute d’une gestion appropriée sachant privilégier les coopérations d’avenir et les projets de dimension européenne quand ils sont plus efficaces. En la matière, une révision de nos méthodes et procédures administratives s’impose pour conserver notre crédibilité, alors que se profilent des sujets importants comme le renforcement de l’action de la Banque européenne d’investissement en matière climatique, l’implication du Fonds européen d’investissement (FEI) dans les fonds propres ou la mise en place de ressources propres nouvelles.

10 principes pour le Plan de relance 

Face aux discours alarmistes et au pessimisme ambiant, l’enjeu du plan de relance nous semble donc autant de faire des choix pertinents sur le plan technique que d’influencer positivement les anticipations des acteurs économiques pour encourager l’investissement et la consommation, nos deux principaux leviers de croissance. 

Pour cela, nous proposons les quelques principes suivants : 

1. Un plan de taille adéquate pour relancer l’activité : la jauge à 100 Md€ annoncée, très supérieure au plan de 2009 (35 Md€), semble bien dimensionnée, à condition que la part des dépenses budgétaires y soit significative (de l’ordre de 40 Md€, soit le niveau attendu des subventions européennes) ;

2. Un plan ciblé sur les secteurs et les publics les plus fragilisés par la crise, calibré pour limiter les effets de fuite par les importations et l’épargne – à l’image de notre proposition de « chèques-déconfinement » fléchés vers l’hébergement-restauration et la culture, à rebaptiser « chèques-relance » ;

3. Un plan qui sécurise les plus vulnérables – indépendants, personnes dépendantes, etc. – par une couverture publique renforcée de la perte d’autonomie et la mise en œuvre d’une assurance-pandémie ;

4. Un plan en faveur de l’investissement productif combinant un volet financier (apport en fonds propres ou prêts participatifs distribués par des professionnels) et un volet fiscal (diminution des impôts de production, suramortissement) donnant priorité à la croissance par la transition énergétique, au développement du numérique et à l’investissement productif ;   

5. Un plan qui soutient également la composante immobilière de l’investissement, compte tenu de son effet de levier important sur la croissance et l’emploi national. Au-delà de la rénovation énergétique du parc, un soutien à la construction apparaît ainsi indispensable pour réussir la reprise, ce qui pourrait passer par notre proposition de prêts à taux négatifs ;

6. Un plan dont le suivi du volet investissement, au cœur des négociations européennes, serait confié à un Haut Commissariat au Plan fusionné avec le Secrétariat général pour l’investissement, ce qui permettrait d’assurer la cohérence des choix, d’associer les partenaires sociaux et les collectivités locales et d’offrir un interlocuteur spécifique à la Commission européenne sur ce sujet ;

7. Un plan qui sanctuarise les baisses d’impôt pour encourager les entreprises à l’investissement, favoriser la réindustrialisation et inciter les ménages à réinjecter dans l’économie l’épargne accumulée depuis le confinement ;

8. Un plan qui constitue un levier de réforme l’Etat par la décentralisation, la déconcentration, la numérisation et un changement de méthode, notamment en matière industrielle ;  

9. Un plan adossé à une stratégie de redressement de la situation des finances publiques à moyen terme afin de préserver la crédibilité de notre politique budgétaire, s’engageant à faire porter l’effort sur les dépenses et à ne pas différer indéfiniment les réformes structurelles (retraite, assurance chômage) ; 

10. Un plan s’appuyant sur une communication publique équilibrée, incitant à l’activité tout en poursuivant la pédagogie de précaution en matière de santé. Cela doit passer par un accompagnement politique adéquat de la part tant de l’exécutif que de l’opposition, dont on espère qu’elle aura à cœur de jouer un rôle constructif dans la crise que traverse le pays.

Consultez l’article du Point : https://www.lepoint.fr/economie/le-plaidoyer-des-gracques-pour-la-bonne-relance-27-08-2020-2389239_28.php#xtmc=gracques&xtnp=1&xtcr=1

Pour un Groupe International de Scientifiques indépendants sur la Santé

 

Des avertissements ont été lancés quant au risque d’une pandémie mondiale bien avant la crise actuelle. De « grandes voix » se sont notamment exprimées : Georges Bush en 2005 puis Bill Gates en 2015, dans un Ted Talk annonciateur du désastre à venir. Les vidéos de ces avertissements circulent et ont été largement vues par des millions d’internautes. 

 

Dans beaucoup de pays cela n’a pas eu de conséquences sur les décisions prises pour se préparer. En France par exemple, les stocks de masques ont fondu comme si la crise était impossible. 

La question se pose donc : pourquoi les avertissements n’ont-ils pas été entendus ? 

 

L’information sur les risques d’épidémie : un enjeu à la fois national et international

 

S’agissant des épidémies, la prévention, l’identification de l’agent infectieux et la riposte doivent s’organiser à deux niveaux : 

  • Au niveau national, avec la préparation du pays et de son système de santé en amont du déclenchement de l’épidémie (équipements, stocks de matériel, formation des personnels soignants, education à la santé…) ; puis avec la « conduite de la guerre » une fois l’épidémie déclarée.

  • Au niveau international grâce à un réseau d’alerte épidémiologique présent dans tous les pays, des équipes d’experts disponibles pour se rendre rapidement sur le lieu d’origine de l’épidémie et en faire le bilan et une coordination de l’information. C’est le rôle de l’OMS à Genève.

 

Ce constat se double d’un élément géopolitique évident : l’information sur les pandémies fait partie des stratégies des gouvernements. Se taire, informer, déclencher une alerte dépend de facteurs économiques, stratégiques et politiques majeurs. 

 

Il y a un siècle, les Etats en guerre ont fait le choix de ne rien dire de la grippe espagnole car il fallait envoyer les peuples à la guerre. Le bilan fut terrible. Aujourd’hui l’enjeu est économique. Le parallèle est pourtant évident : les Etats n’ont pas toujours, face aux épidémies, comme seule priorité celle d’alerter l’opinion, d’informer les citoyens et de mettre en place un « cordon sanitaire ». 

 

A l’aune de ce constat, il est crucial que toutes les occasions d’échanges d’informations et de coopération entre les Etats soient désormais mises à profit avant et parfois pendant le déroulement d’une pandémie. Telle est (ou aurait dû être) la raison d’être de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

 

En ce qui concerne le Covid-19, il semble qu’il y ait eu des défaillances dans la prévention de l’émergence de la maladie infectieuse et dans l’envoi des signaux d’alerte à partir de la Chine. Un mois s’est en effet écoulé entre la réception par l’OMS d’une information chinoise concernant l’apparition d’un groupe de cas de pneumologie atypique à Wuhan (31 décembre 2019) et la déclaration de l’urgence sanitaire par le directeur général de l’OMS (30 janvier 2020). Il y a aussi des débats sur l’indépendance nécessaire de l’OMS face à la puissance des Etats. Mais le monde peut-il attendre, confiné, que tout cela change ? 

 

Pour un organisme donneur d’alerte indépendant et légitime 

 

Une autre question se pose donc : peut-on agir plus rapidement dans le domaine de la détection précoce des risques d’épidémie, de l’envoi d’alertes au niveau mondial, et, de façon plus permanente, de l’émission de recommandations à l’adresse des Etats sur les précautions à prendre ?

 

Il faut d’abord que l’information existe ; et pour cela que le monde dispose d’un réseau d’information sur la naissance des épidémies ayant un haut niveau de qualité et de fiabilité. Un tel réseau est déjà en place : chaque jour remontent à l’OMS à Genève des informations en provenance du monde entier sur des événements pouvant faire craindre le départ d’une épidémie. L’OMS dispose pour cela d’un outil de grande qualité créé en 2000 : le Réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémie (GOARN). Lors des dernières épidémies, ce réseau a produit des informations fiables qui ont été utilisées dans le monde entier. 

 

Ce qui a dysfonctionné dans le cas présent concerne l’exploitation de l’information par l’OMS. C’est donc à ce second stade qui faut apporter une amélioration : pour contourner le risque d’enlisement tenant à des raisons politiques, il faudrait qu’il existe une structure scientifique  indépendante qui ait la légitimité pour recueillir les informations sur de possibles risques d’épidémie émanant de différentes sources institutionnelles (dont le GOARN) ou de lanceurs d’alertes indépendants.

 

Ce groupe scientifique devrait – et c’est décisif –  pouvoir s’exprimer publiquement sur tous les média, sans être soumis, de la part d’Etats ou d’organisations internationales, à une censure ou un filtrage susceptibles de retarder ou de modifier son message. 

 

Ce groupe scientifique pourrait aussi, de façon plus permanente et sans connexion avec un danger imminent, faire des recommandations aux Etats sur les meilleures politiques de préparation à d’éventuelles pandémies. Ses avis, ayant l’autorité liée à sa composition scientifique, constitueraient un point d’appui solide pour que dans chaque pays l’opinion publique puisse interpeller les gouvernements. 

 

Nous pensons, à l’aune de la crise mondiale que nous traversons aujourd’hui, que cette question devrait être considérée comme urgente et avoir la priorité sur l’analyse rétrospective nécessairement longue qui sera conduite dans chaque pays et internationalement sur l’ensemble de ce qui est lié à la pandémie Coronavirus, ainsi que sur les éventuelles propositions de réforme de l’OMS. Chaque pandémie nous apprend sur le monde qui nous entoure. Faisons en sorte que cette crise nous permette de mettre en place un dispositif international qui contribuera à mieux contrôler les pandémies de demain. 

Tribune parue dans le Journal du Dimanche 5 juillet 2020

Coordination : Philippe Lagayette

Premiers signataires : Gilles Babinet, Pascal Blanchard, Roland Cayrol, Philippe Crouzet, Diane Derat-Carrière, Thierry Drilhon, Mirna Dzamonja, René Frydman, Florian Giraud, Frédéric Jenny, Muriel Haim, Philippe Lagayette, Patrick Matray, Claire Mounier-Vehier, Jean-Daniel Rainhorn, Grégory Renard, Bernard Spitz. 

Pour signer cette tribune, merci de nous contacter par mail : lesgracquesbs@gmail.com

Vaincre la défiance, Lever les goulots d’étranglement

L’agenda de sortie de crise se dessine maintenant clairement en trois étapes: urgence, reprise, relance. Trois temps distincts qui se succèdent dans une séquence décisive pour notre pays. Avec un objectif : revenir aussi vite que possible à la dynamique de croissance d’avant le Covid. 

La phase d’urgence des deux derniers mois avait pour priorité d’éviter l’effondrement de notre économie et la suppression de centaines de milliers d’emplois: elle a globalement réussi. Le déconfinement actuel lance la seconde phase, celle de la reprise, avec un redémarrage de la production et de la consommation. Viendra plus tard le moment de la relance, qui devra aborder les sujets structurels, dont la question des relocalisations industrielles, et celle du partage de l’effort. 

N’en doutons pas: le temps de la  relance sera le moment d’un nouvel impératif industriel. Les Etats européens, au moment où ils interviennent de façon massive dans l’économie, disposent d’une opportunité unique pour redéfinir leurs orientations de politique industrielle, avec un enjeu majeur de coordination au niveau de l’Union. Telle est la perspective dans laquelle Les Gracques s’engagent et présenteront bientôt leurs propositions. La phase de relance nécessite en effet  une préparation approfondie et concertée – approfondie parce que concertée – ainsi que des modifications du cadre réglementaire et fiscal tant français qu’européen. Elle implique aussi une réorganisation de l’Etat pour lui redonner les moyens de faire ou de “faire faire” à d’autres avec plus d’efficacité. D’ici là, donnons-nous toutes les chances de réussir la reprise.

Nous avons, dans une précédente note, souligné l’urgence des mesures à prendre pour réussir la reprise. Les mesures de soutien aux secteurs économique les plus touchés ne peuvent attendre le paramétrage fin d’un plan de relance à l’automne, sauf à voir une partie de leurs acteurs disparaître entre temps. Le Gouvernement a fait un premier pas en faveur du tourisme et de l’automobile. Mais d’autres activités comme la restauration ou les centres commerciaux restent dans l’incertitude quant aux dates de réouverture; et la pente de la reprise reste une incertitude majeure dans tous les secteurs. 

D’une façon générale,  la dimension psychologique et les anticipations des acteurs économiques sont un élément clé de la  reprise. Il est bien sûr impossible d’avoir des certitudes macroéconomiques à ce stade. Au moins peut-on s’attacher aux conditions de la reprise au niveau microéconomique, et identifier ce qui peut contribuer à créer une dynamique de confiance chez tous les acteurs économiques: consommateurs, salariés, chefs d’entreprise, investisseurs. Qu’ils disposent d’une visibilité suffisante, qu’ils obtiennent rapidement du soutien financier nécessaire, qu’ils aient confiance dans leur avenir à court et moyen terme, et la consommation, la production et enfin l’investissement repartiront. Sans confiance à l’inverse, il serait vain de déverser des milliards en aides, prêts ou subventions : l’attentisme deviendra la règle et l’absence de dynamique nous fera tout juste passer de l’atonie à une croissance molle, faussement flatteuse dans un premier temps, mais finalement incapable de digérer le choc d’activité autrement que par des mesures d’économie, des coupes dans les investissements et des plans sociaux, au risque d’une profonde déstabilisation économique et sociale. 

C’est ce qui nous a conduit à nous interroger sur les facteurs qui peuvent aujourd’hui freiner la construction de la confiance, ou même créer de la défiance.

La défiance part de haut : à peine le déconfinement lancé, plusieurs ministres faisaient déjà l’objet de dizaines de poursuites pénales devant la Cour de Justice de la République, des associations s’étant constituées à cette seule fin. Que la France soit le pays d’Europe le plus exposé à subir ce phénomène devrait interroger les consciences. Il est évident que cette démarche punitive est délétère sur l’esprit public et ne peut, en inhibant les décideurs, que nuire au bon exercice de leurs responsabilités. Une partie du corps social fonctionne comme un groupe  de supporters qui préfèrent perdre le match pour le seul plaisir de lyncher l’entraîneur, plutôt que de se mobiliser pour gagner la partie. 

Dans la sphère économique, les premiers jours du déconfinement, et les semaines qui l’ont précédé ont montré une dynamique positive dans notre pays. Il existe une volonté réelle de travailler et de repartir de l’avant. Mais nous constatons aussi qu’elle se heurte – plus qu’ailleurs – à des obstacles qui peuvent déprimer les anticipations des acteurs économiques et faire perdre des opportunités. 

L’objet de cette note est d’identifier un certain nombre de leviers pour créer de la confiance, et de proposer des mesures pour lever des obstacles à la reprise, afin d’aborder dans les meilleures conditions possibles la phase suivante de la relance. 

Téléchargez ci-dessous l’intégralité de la note : Gracqindus_Vaincre_la_DéfianceTélécharger

Réussir la Reprise dès le Troisième Trimestre

Le compte à rebours de la reprise a commencé…

Le confinement aura été du point de vue économique le plus grand choc connu par le pays en temps de paix. La perte d’activité instantanée s’élève à un tiers et atteint même 50 % sur le champ marchand. Sur l’ensemble de l’année, le FMI et le Gouvernement anticipent désormais un recul du PIB de près de 8 % en 2020, contre 2,9 % en 2009 pendant la crise financière.

Transférer durablement à l’État le financement d’une économie à l’arrêt n’est ni souhaitable, ni possible. Chaque jour de confinement coûte environ 2 milliards d’euros à l’économie française. Deux mois de confinement représentent déjà une perte de 6 points de PIB annuel, dont environ deux tiers à la charge des administrations publiques, du fait des « stabilisateurs automatiques » et des mesures de soutien mises en œuvre. La situation est d’autant plus critique que la France est entrée dans cette crise sans avoir reconstitué de marges de manœuvres au plan budgétaire : notre endettement excède de 40 points de PIB celui de l’Allemagne, alors qu’ils étaient encore comparables en 2010. Si nous disposons d’un « capital-confiance » précieux sur les marchés, il n’est pas illimité. En l’état, le déficit et la dette atteindraient respectivement 9 % et 115,2 % du PIB fin 2020, sans même que les prévisions gouvernementales n’incluent le coût du futur plan de relance. 

Au moment où se profile la fin du confinement, la question clé est donc d’en réussir la sortieet de la réussir aussi vite que possible : d’abord sanitairement bien sûr, faute de quoi les sacrifices consentis auraient été inutiles et la protection de nos concitoyens resterait non assurée ; budgétairement ensuite, pour limiter le creusement des déficits, insupportable dans la durée, et retrouver la croissance indispensable à la production, l’investissement et l’emploi de la septième puissance mondiale ; économiquement enfin : faute d’un redémarrage rapide de la demande, de nombreuses entreprises risquent de ne pas passer l’été malgré les aides à la trésorerie et n’auront donc pas le temps de mettre en place les financements durables, en fonds propres, ainsi que nous l’avons recommandé dans notre note « Pour une stratégie de fonds propres ».

Il faudrait y ajouter une dimension politique, au sens le plus noble du terme. La crise appelle en effet à ouvrir des perspectives nouvelles, nationalement et internationalement – dont l’aggiornamento européen – qui auront toute leur place pour mobiliser le corps social.

Notre propos ici n’est pas de discuter les conditions sanitaires ou politiques de cette sortie mais de nous concentrer sur les conditions nécessaires à sa réussite au plan économique, une fois définies les règles du déconfinement. Notre analyse est qu’en dépit de toutes les incertitudes actuelles, plus tôt seront prises les mesures de soutien, plus tôt l’activité productive viendra supplanter l’indemnisation du chômage partiel, meilleures seront les anticipations des ménages comme celles des entreprises et mieux nous réussirons la reprise sur l’ensemble des territoires. 

Même si le retour à une situation normale nécessitera un effort de long terme, dès le 11 mai, c’est bien un sprint économique qui est lancé pour rattraper le temps et la croissance perdus.

Téléchargez ci-dessous l’intégralité de la note :


Pour une stratégie de fonds propres

Proposition de plan de relance post COVID pour préserver l’outil de production et sauvegarder l’emploi en France

Le choc économique exogène massif provoqué par la crise du Coronavirus ne ressemble à aucune des crises précédentes : il ne passe ni par l’industrie financière, ni par des effets de cycles industriels. L’effondrement de la demande provoqué par le confinement affecte en premier lieu le secteur des services, et impacte directement un très grand nombre de TPE, PME et ETI, dont il menace la survie. L’enjeu en termes d’emploi est considérable, sans précédent. Sauvegarder les entreprises pour sauvegarder l’emploi: tel est le défi. Il pose un problème particulier à l’action publique, qui n’a pas l’expérience de venir au secours des entreprises avec une telle granularité. 

La première priorité des pouvoirs publics a été de sécuriser la liquidité du système économique, qui paraît assurée, par les reports d’échéances fiscale et sociales et des prêts garantis par l’Etat,  sous réserve que les délais de paiement interentreprises ne viennent pas menacer les sous-traitant les plus fragiles. Nous proposons des mesures de surveillance particulières sur ce point. 

Toutefois, le choc ne pourra être absorbé seulement par des mesures de trésorerie et des prêts, même garantis. Sauf à ce que le tissu de PME ressorte de cette épreuve immobilisé par le surendettement, les entreprises auront besoin, au delà du chômage partiel,  de fonds pour absorber leurs pertes, c’est à dire de capital. L’une des principales différences entre les plans allemand et français de sortie de la crise est que le premier prévoit 150 milliards d’euros d’infusion de capitaux publics dans les entreprises. Cette approche nous semble pertinente, et cette note propose une stratégie de fonds propres, permettant d’accompagner les entreprises, le temps qu’elles se relèvent. 

Pour les entreprises cotées, nous proposons que les collectivités publiques  se dotent d’une enveloppe significative, de plusieurs dizaines de milliards d’euros,  pour réaliser des infusions de capital permettant de maintenir l’indépendance des grandes entreprises françaises. Ces “nationalisations partielles” seront réalisées en recourant à des outils simples, actions avec droits de vote, qui assurent que le contribuable bénéficiera du retour à meilleure fortune dans les mêmes conditions que les actionnaires privés.

Dans le secteur du non coté, nous constatons que les fonds de LBO disposent pour l’heure d’une grande réserve de liquidités pour défendre et étendre leurs investissements dans de grandes et moyennes entreprises, et nous pensons qu’un effort particulier doit être engagé pour développer une industrie du capital-investissement capable d’apporter du capital et du quasi capital à destination des PME. Nous proposons des instruments en ce sens, qui associeraient la Caisse des Dépôts, la BPI, les régions et les capacités existantes du secteur de l’investissement.

Pour les TPE et le secteur de l’artisanat, ainsi que pour certains secteurs particulièrement affectés, les subventions sont la manière la plus expédiente de compenser les pertes ; il y a sur ce segment un écart très significatif entre le plan français et le plan allemand, dont il nous paraît important de réduire une partie.

Enfin, dans l’optique de la préparation de la reprise, la note aborde les ajustements temporaires à effectuer sur la réglementation prudentielle des acteurs financiers, les dispositions particulières à prendre pour le secteur de la construction et de la rénovation écologique, et la question d’une incitation temporaire à l’investissement et au renouvellement des emplois temporaires.

L’ensemble de ces mesures ne visent qu’à maintenir en état l’appareil productif, les emplois et les compétences.  La note ne prend pas position à ce stade sur la question complexe de la relance de la consommation, qui est actuellement bloquée par le confinement, et dont on ne sait pas encore mesurer l’ampleur. Toutefois, les toutes premières indications font apparaître le risque d’un effet récessif plus important que prévu initialement du fait d’une remontée lente de la demande. Il faudra les affiner en fonction de différents éléments, notamment les hypothèses de déconfinement en France et chez nos principaux partenaires.  A ce stade encore préliminaire, notre recommandation est d’accompagner le maintien en état de l’appareil de production de mesures ciblées sur les personnes les plus en difficultés et les ménages modestes. Le risque à prévenir est  celui de la combinaison d’un comportement de surépargne de la part de ceux qui en ont la capacité et de sous-consommation pour les plus démunis.   

Téléchargez ci-dessous l’intégralité de la note rédigée par le groupe GracFin :

VIVE LES SARDINES !

Vive les sardines ! 

Il s’est passé un événement exceptionnel samedi dernier : plus de 100 000 personnes rassemblées dans la rue pour protester !

Ce n’était pas à Paris mais à Rome. Et elles ne protestaient pas pour réclamer, elles protestaient pour défendre l’intérêt général. L’ennemi désigné n’était pas seulement la Ligue et ses alliés d’extrême droite, elles se dressaient contre la mauvaise foi, les fake news, la démagogie, la pratique systématique de l’invective et de l’insulte dans le débat politique. Et elles ont choisi pour emblème les sardines

Pour qui roulent-elles ? Pour personne. Leurs mots d’ordre sont : respect, règle de droit, bienveillance, reconnaissance de la complexité du politique, compétence dans la gestion des affaires.

Nées spontanément de l’initiative de quelques jeunes, soutenues par une avocate engagée dans les mouvements contre les discriminations, elles ont réuni en quelques jours sur les réseaux sociaux des milliers de supporters au point d’humilier à Bologne le meeting de la Ligue qui se tenait au même moment. À Rome samedi, sur une place immense, la démonstration fut encore plus éclatante.

Le choix de la sardine est un symbole d’humilité. De petits poissons qui circulent en nombre et se serrent les uns contre les autres. Leurs meetings se terminent par une chanson connue de tous : ciao bella ciao, une sorte de chant des partisans sur un rythme enlevé qui se termine par l’éloge de la liberté

Les sardines offrent à la société civile l’occasion de s’engager pour des valeurs positives et pour l’intérêt général. C’est la raison pour laquelle nous les avons rencontrées à Rome cette semaine, que nous soutenons leur initiative et espérons les aider à l’élargir au delà des frontières italiennes, pour diffuser leur message positif d’universalité.

Les Gracques



Les Gracques aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence

Comme chaque année, les acteurs économiques se retrouvent aux Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence organisées par le Cercle des économistes et de nombreux Gracques seront présents.

Comme l’an dernier, les Rencontres commencent par les débats des Voix de l’Economie avec des représentants de différents think tanks : Les Gracques, bien sûr, mais aussi l’Institut Montaigne, l’Institut de l’Entreprise, la Fondation Concorde, la Fondation Jean-Jaurès, la Fabrique de l’Industrie, l’OFCE, Coe-Rexecode, GénérationLibre et le Cercle des économistes.

Un premier débat portera sur le thème « Travailler et produire en France » et se tiendra le vendredi 7 juillet de 15h à 16h30 dans l’amphi Peiresc. Il réunira Paul Illibert (Institut de l’Entreprise), Olivier Babeau (Fondation Concorde),  Sandrine Duchêne (Fondation Jean-Jaurès), Denis Ranque (Fabrique de l’Industrie), Xavier Ragot (OFCE) et sera animé par Antoine Reverchon (Le Monde).

Le second débat, organisé par Les Gracques et Coe-Rexecode, portera sur la relance du projet européen et se déroulera le vendredi 7 juin de 16h30 à 18h en amphi Peiresc. Lors de ce débat animé par Vincent Giret (Franceinfo), interviendront Bernard Spitz pour Les Gracques, Denis Ferrand (Coe-Rexecode), Hélène Rey (Cercle des économistes), Laurent Bigorgne (Institut Montaigne) et Delphine Garnier (GénérationLibre).

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Il y a quelques mois encore, on donnait l’Europe pour morte. Le Brexit laissait planer le risque d’un effet domino bientôt visible outre-Atlantique. Le populisme et l’isolationnisme rampant menaçaient de s’imposer au fil des scrutins. C’était il y a six mois, c’était il y a un siècle… depuis, les Pays-Bas ont repoussé la vague populiste qui les menaçait et France a élu le seul candidat qui laissait fièrement flotter les drapeaux européen dans ses meetings, jusqu’à lui confier une large majorité parlementaire.

L’Europe a retrouvé espoir mais demeure fragile. Elle a besoin d’un nouvel élan, d’autant que la volonté de renouvellement ne doit pas masquer le désamour à son égard. Certes, la relance du projet européen passe par des actions que nous appelons de nos vœux depuis des années : convergence fiscale, coordination des politiques économiques ou renforcement de la gouvernance de la zone euro. Mais l’approche purement économique est ne suffit plus. « On ne tombe pas amoureux d’un grand marché » disait déjà Delors, or c’est bien d’amour dont l’Europe a besoin aujourd’hui. Sceptiques, voire hostiles à ce dispositif communautaire trop abstrait, trop technocratique, parfois jugé « hors-sol », les citoyens européens ne veulent plus de cette Europe (seulement) économique, froide et sans visage.

Les pères fondateurs pensaient que l’Europe économique était notre voie, l’Europe politique notre but – les faits montrent que c’est justement l’inverse ! Il faut donc trouver de nouveaux espaces de collaboration et surtout mener des actions concrètes, symboliques, fédératrices. Bâtir cette communauté de destin implique de mettre en avant des ambitions claires, notamment sur deux sujets essentiels : la protection de notre continent (défense) et la protection de notre planète (écologie). Au-delà des déclarations d’intention et des initiatives abstraites, modestes et inaudibles, faisons résonner dans la vie et dans les cœurs des européens des projets qui les touchent. Puisque la conscience européenne ne se bâtira pas sur des chiffres, usons de symboles forts et d’actions concrètes : ERASMUS de la culture, FBI européen ou pourquoi pas même conquête de spatiale sur Mars !

Ce réveil du projet européen doit aussi être démocratique tant il est clair que l’Union européenne pâtit d’un réel déficit en la matière. Paradoxalement, le clivage pro/anti-européen façonne les scrutins nationaux tandis que les élections européennes sont polluées par des considérations locales. Longtemps symbole dépressif, exutoire des diverses frustrations des peuples, avec des taux d’abstention records et un vote contestataire croissant, les élections européennes de 2019 devront marquer ce réveil par leur différence. D’autant que l’Europe y sera prête : en 2017 et 2018, gageons qu’elle aura dit non à toute forme de populisme, sur les pas des Pays-Bas, de la France, et demain, espérons, de l’Allemagne et de l’Italie. Elle sera prête pour un nouveau départ et le Parlement européen doit en être le porteur et le symbole.

Or aujourd’hui, il n’existe pas de véritable formation politique transnationale ou de programmes intégrés. Pour ces élections dites « européennes », les dispositions électorales ne sont même pas partout les mêmes – scrutin tantôt libre ou obligatoire, régional ou national… En revanche, s’il y a bien une chose qui partout prévaut, ce sont les préoccupations intérieures qui monopolisent les débats et guident les électeurs. Il est donc temps de renouveler cette élection et de pouvoir voter pour des listes européennes, comme l’ont déjà proposé un certain nombre de responsables politiques. L’idée serait que les électeurs votent pour leur liste traditionnelle, mais également pour une liste transeuropéenne. Les candidats ne représenteraient alors pas un pays mais une vision et les masques tomberaient : soit ils défendraient le projet européen progressiste, soit ils voudraient le casser. Bien sûr, il serait prématuré d’élire tout le parlement de la sorte. Mais profitons des sièges laissés vides par les anglais pour élire ces députés transnationaux et recentrer le débat sur l’objet de l’élection : le projet européen.

Toute la part devra être faite à ceux qui ont œuvrés pour la construction de cette Europe. Dans la foulée du Sommet des réformistes européens à Lyon en 2016, à Berlin cette année, les think tanks progressistes européennes seront aux avant-postes.

Le départ du Royaume-Uni aura permis à l’Europe de se réveiller, son départ du parlement de parachever sa construction démocratique.

Les Gracques

 

Europe is back

En quelques jours, l’Europe s’est exprimée plus qu’en quelques années sur les deux sujets essentiels : la défense de notre continent et la défense de notre planète.

Deux discours historiques ont été prononcés ces derniers jours. Celui d’Angela Merkel lors d’un meeting à Munich, qui marque le début d’une nouvelle ère : « l’époque où nous pouvions entièrement compter les uns sur les autres est quasiment révolue ». Et la réponse d’Emmanuel Macron à Donald Trump, suite au retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, qui s’adresse directement aux Américains :

Now, let me say a few words to our American friends. Climate change is one of the major issues of our time. It is already changing our daily lives but it is global. Everyone is impacted. And if we do nothing, our children will know a world of uncontrolled migrations, of wars, of shortages. A dangerous world.
It is not the future we want for ourselves. It is not the future we want for our children. It is not the future we want for our world.
Today, the President of the United States, Donald Trump, announced his decision to withdraw the United States from the Paris agreement. I do respect his decision, but I do think it is an actual mistake both for the US and for our planet.
I just said president Trump in a few words a few minutes ago this assessment.
Tonight I wish to tell the United States, France believes in you. The world believes in you. I know that you are a great nation. I know your history, our common history.
To all scientists, engineers, entrepreneurs, responsible citizens who were disappointed by the decision of the President of the United States, I want to say that they will find in France a second homeland.
I call on them: come and work here with us, to work together on concrete solutions for our climate, our environment. I can assure you, France will not give up the fight.
I reaffirm clearly that the Paris agreement remains irreversible and will be implemented, not just by France but by all the other nations.
Over the coming hours, I will have the opportunity to speak with our main partners to define a common strategy and to launch new initiatives. I already know that I can count on them.
I call on you to remain confident. We will succeed, because we are fully committed. Because wherever we live, whoever we are, we all share the same responsibility: Make Our Planet Great Again.
Thank you

 

Mes chers compatriotes,
J’ai souhaité m’exprimer devant vous, quelques heures à peine après la déclaration du Président des Etats-Unis d’Amérique, parce que l’heure est grave.
Je prends note de la décision du Président américain de se désengager de l’Accord de Paris sur le climat. Je respecte cette décision souveraine. Mais je la regrette. Je considère qu’il commet là une erreur pour les intérêts de son pays et de son peuple et une faute pour l’avenir de notre planète.
Je viens à l’instant d’échanger avec le Président TRUMP et j’ai eu l’occasion de lui en faire part.
Le changement climatique est l’un des grands défis de notre temps. Ce qui paraissait encore pouvoir être discuté il y quelques années, s’impose désormais à nous tous, avec une grande évidence. La biodiversité est menacée, le dérèglement climatique affame plusieurs continents, dévaste certaines régions, chasse des habitants de leur patrie. En France même, nous observons chaque année les conséquences de ce dérèglement.
Si nous ne faisons rien, nos enfants connaitront un monde fait de migrations, de guerres, de pénuries, de disparitions d’archipels et de villes côtières, causées par ces évolutions. Cela a déjà commencé.
Ce n’est pas l’avenir que nous voulons pour nous. Ce n’est pas l’avenir que nous voulons pour nos enfants. Ce n’est pas l’avenir que nous voulons pour le monde.
La vocation de la France est de mener ces combats qui impliquent l’Humanité tout entière. C’est pourquoi la France s’est placée à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Elle s’est engagée résolument dans toutes les négociations internationales. En décembre 2015, la France a réussi ce tour de force de faire signer 195 pays, de leur faire signer un engagement commun, l’Accord de Paris pour le climat.
Alors, oui, je vous le dis ce soir avec beaucoup de force : Nous ne renégocierons pas un accord moins ambitieux. En aucun cas.
La France ce soir appelle l’ensemble des pays signataires à demeurer dans le cadre de l’Accord de Paris, à rester à la hauteur des responsabilités qui sont les nôtres et à ne rien céder.
Je veux ce soir dire aux Etats-Unis : La France croit en vous. Le monde croit en vous. Je sais que vous êtes une très grande Nation. Que les Etats-Unis ont été fondés pour faire triompher la liberté, la vérité, la raison, partout contre l’ignorance et l’obscurité. Mais ne vous trompez pas. Sur le climat, il n’y a pas de plan B. Car, il n’y a pas de planète B.
Alors, oui, nous continuerons.
A tous les scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, citoyens engagés, que la décision du Président des Etats-Unis a déçus, je veux dire ceci : Vous trouverez dans la France une seconde patrie. Je vous lance un appel : Venez travailler ici, avec nous, travailler sur des solutions concrètes pour le climat.
Ce soir, les Etats-Unis ont tourné le dos au monde. Mais la France ne tournera pas le dos aux Américains. Je vous assure, mes chers compatriotes et vous qui m’écoutez où que vous soyez dans le monde, la France n’abandonnera pas le combat.
Bien entendu, nous aurions préféré livrer cette bataille aux côtés des Etats-Unis d’Amérique. Car, ce sont nos alliés et ils resteront nos alliés, en matière de lutte contre le terrorisme, sur nombre de sujets de défense, de sécurité, sur nombre de sujets industriels et économiques. Mais il en est ainsi.
La porte n’est pas fermée, elle ne le sera jamais à cette Nation à laquelle nous devons tant. Mais nous sommes encore nombreux à conserver notre détermination.
La France jouera donc son rôle dans le monde car c’est ce qui est attendu d’elle. Dès ce soir, avec l’Allemagne et l’Italie, nous avons tenu à réaffirmer notre engagement pour l’Accord de Paris. Je me suis entretenu, il y a quelques instants, avec la Chancelière d’Allemagne, nous prendrons ensemble, dans les prochains jours, des initiatives fortes allant en ce sens. Samedi, je verrai le Premier ministre indien à Paris et m’entretiendrai sur ce sujet avec lui. Dans les prochains jours, je parlerai aux principaux décideurs pour m’assurer de leur engagement.
Enfin, la France proposera un plan d’action concret, afin d’accroître son attractivité pour les chercheurs et les entreprises de la transition écologique et prendra des initiatives concrètes, notamment en Europe et en Afrique sur ce sujet. J’ai demandé au Gouvernement d’y travailler activement et le réunirai à cet effet la semaine prochaine.
Nous ne tiendrons pas seulement nos engagements passés. Dès ce soir, la France se doit d’être plus ambitieuse encore pour l’avenir, pour notre avenir.
Vive la République ! Vive la France !

 

 

Fable-Fiction : Si Marine était élue…

C’est la nuit au service des urgences de l’hôpital central. Les malades sont allongés sur des lits de fortune, en partie dans les couloirs. Mais pour Pierre, le chef de service, le plus préoccupant est de se procurer les médicaments dont il a besoin, quand ils ne sont pas produits en France. Le camion qui vient d’arriver de Suisse aujourd’hui a donné au livreur des instructions précises : pas de crédit à l’hôpital, on ne sait pas dans quelle monnaie on sera remboursé; pas de virement, ça met trop longtemps d’avoir l’autorisation du bureau de contrôle des changes : l’hôpital paie en cash et au cul du camion, ou on remballe. En cash avec des billets signés par Mario Draghi : les livreurs ont appris depuis longtemps à refuser les euros signés de Nicolas Dupont-Aignan, ministre des finances, qui sont produits à Chamalières et ressemblent aux autres, mais ne sont pas acceptés à l’étranger.

C’est difficile de trouver du cash. Depuis la grande panique bancaire des mois de mai/juin, les banques ont rouvert, mais on ne peut pas sortir plus de 50 euros par jour. Plus facile quand le malade a de la famille. Pierre a un bon deal avec un ancien camarade d’école : 60 euros en cash contre 100 envoyés par la banque. Certains malades paient aussi avec leurs bijoux. Il faut dire que les bijoutiers ont fait un chiffre d’affaires historique depuis les événements de mai/juin, quand les particuliers ont compris que leurs comptes bancaires étaient piégés et qu’ils se sont mis à acheter n’importe quoi qui ne perdrait pas trop de valeur.

Pour Pierre, le problème est d’autant plus grave que son service n’arrive plus à faire face. Beaucoup de médecins ont choisi de quitter le pays, victimes de comportements menaçants en raison de leurs patronymes. Les propositions sont venues du monde entier, car la médecine française est réputée. D’Allemagne notamment, qui a besoin de personnels qualifiés pour sa population vieillissante. Ces départs ont aggravé la désertification médicale du pays, renvoyant beaucoup de malades dans les hôpitaux, débordés et manquant de tout.

Pierre est resté, lui. Ses  parents sont âgés et il ne veut pas les abandonner. Ils sont tous les deux dépendants, et depuis la loi sur la « taxation des emplois étrangers et la réimpatriation des immigrés », leurs EPHAD ne trouvent plus de personnel pour les laver, les habiller, les nourrir. Pour éviter des maltraitances, les enfants des résidents viennent aider certains jours de la semaine. Même chose à la crèche du petit dernier : la femme de Pierre, infirmière, a dû arrêter de travailler.

Les grands enfants de Pierre, issus d’un premier mariage, sont eux partis au Canada. L’aîné, Sébastien, s’occupait de responsabilité sociale et environnementale chez Paprec, mais il a été licencié avec tous les « personnels non essentiels » quand l’entreprise s’est aperçue que ses 700 millions de dettes obligataires émises à Dublin allaient rester en euros alors que ses contrats d’enlèvements de déchets avec les collectivités locales, eux, passaient en francs. Le cadet, lui, a profité d’un stage d’études à l’étranger et jure de ne plus revenir.

Contrôle des changes oblige, ce sont les enfants qui viennent visiter les parents à Noël. Ils font attention de ne pas trop utiliser les avions d’Air France, qui sont périodiquement saisis sur les tarmacs d’aéroports étrangers par des créanciers qui contestent la décision du Gouvernement de convertir en francs Le Pen la dette des entreprises publiques. On raconte que la Présidente elle-même ne peut pas utiliser hors de France  son avion du Glam, de peur qu’il soit saisi; ce serait pour cela qu’elle loue un avion à une compagnie étrangère quand elle va faire le tour des pays du Golfe pour demander de prêter à la France les quelques devises pour régler ses importations prioritaires.

Ces histoires-là n’ont pas aidé le tourisme, que le Gouvernement cherche à développer, mais c’est surtout à cause des émeutes urbaines et du terrorisme que les gens ne viennent plus. Depuis qu’on a commencé à appliquer la loi sur la Grande Réimpatriation, les émeutes sont de plus en plus violentes, notamment dans les centres de transit ou on a rassemblé les étrangers en cours d’expulsion, dans l’attente de pouvoir organiser et financer leur voyage de retour.

Le plus dur est de se payer ce qui demande des devises. Les euros bancaires (en cours de conversion en francs Le Pen), on en trouve : la banque de France, depuis le référendum sur la préférence nationale et la supériorité de la loi française, est placée sous tutelle du ministre : elle en crée autant que demande le gouvernement, qui paie les fonctionnaires avec. Mais les prix dans cette monnaie augmentent très vite, et l’argent est bloqué à la banque. Ce n’est pas qu’on soit  déjà sortis de l’euro; l’euro est encore pour quelques temps le nom de la monnaie. Mais les euros dans les banques françaises, on ne peut ni les sortir ni les convertir. Le prix du litre d’essence a triplé au cours de la dernière année, en dépit de l’accord passé avec la Russie qui accorde à la France la clause de la nation la plus favorisée en matière énergétique. Les deux pays ont aussi lancé une coopération dans le domaine nucléaire, des ingénieurs russes venant remplacer leurs homologues français expatriés.

Pierre lit des rapports dans la presse, écrits à demi-mot car l’ordre des journalistes sanctionne les manquements à la déontologie patriotique. Les industries exportatrices, celles qui rapportent des devises, ont l’air d’avoir de grandes difficultés, et licencient parce qu’elles ne trouvent plus de composants importés, ou parce que les pays où elles exportaient répondent aux nouveaux droits de douane français en imposant les leurs. La presse explique que  cela est l’effet d’un complot des forces obscures du capital apatride. Il n’est pas économiste, ni historien, mais tout cela ne présage rien de bon.

À l’école, les programmes font l’objet d’un vaste réexamen, en commençant par l’Histoire. Une révision constitutionnelle est à l’étude pour modifier le fonctionnement du parlement et le mode électoral des députés, comme celui du Président de la république. Le droit de manifester et les textes concernant les syndicats seront quant à eux modifiés par la « loi de rationalisation de l’expression publique » qui vient de passer en Conseil des ministres. Des textes qui ont valu à notre pays d’être en couverture d’un grand magazine européen avec ce titre en français : « Pauvre France ».