Pouvoir d’achat : des annonces aux réalités
En se présentant comme « le Président du pouvoir d’achat » et en martelant son « travailler plus pour gagner plus », Nicolas Sarkozy a, durant sa campagne présidentielle, alimenté lui-même la très forte attente des Français en matière de revalorisation de leurs rémunérations. Plus de pouvoir d’achat, plus de consommation devaient nourrir le « choc de confiance » permettant de relancer la croissance.
Le quinquennat a commencé par un signal contraire : le paquet fiscal, outre qu’il a dilapidé toutes les marges de manœuvre disponibles, ne peut guère soutenir la consommation, sauf pour le dispositif d’exonération des charges fiscales et sociales des heures supplémentaires. Or celui-ci se heurte au principe de réalité : il ne peut fonctionner que pour autant que le carnet de commandes des entreprises permette de répondre aux attentes des salariés en matière d’heures supplémentaires. Personne ne sait encore s’il aura un impact réel : le gouvernement, en tout cas, n’a pas provisionné dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 un montant supérieur à celui de 2007, en ce qui concerne le remboursement des exonérations de cotisations aux régimes de sécurité sociale…
Les annonces faites le 29 novembre par le chef de l’Etat se situent dans la même contradiction. Le bien-fondé de certaines mesures est incontestable : l’amélioration de la situation déplorable des infrastructures universitaires, par exemple (vendre 3% d’EDF pour la financer n’est pas condamnable) ou encore l’indexation des loyers sur la hausse des prix, la limitation des dépôts de garantie et la suppression des cautions locatives.
Le principe d’aligner le régime des heures supplémentaires des fonctionnaires sur celui du privé est séduisant. Mais Nicolas Sarkozy serait plus crédible si, en tant que ministre de l’Intérieur, il n’avait pas, pendant cinq ans, laissé s’accumuler pour plus de 5 millions d’€ d’heures supplémentaires impayées dans la police.
Quant à la proposition de déblocage des fonds de participation et des plans d’épargne salariaux, ce sont des mesures qui ont déjà été utilisées sans succès dans le passé : rien ne nous est dit sur les raisons pour lesquelles ces recettes fonctionneraient mieux aujourd’hui.
Les syndicats avaient demandé des mesures permettant de soulager les dépenses des salariés en matière de transport. Le « chèque transport », décidé fin 2006 par le gouvernement Villepin, n’a connu aucun début de mise en œuvre, parce que la volonté d’aller vite, pour des raisons de communication, l’avait emporté sur le souci de négocier un dispositif adapté, avec les partenaires sociaux.
La mesure phare du dispositif annoncé est cependant la proposition tendant au rachat des jours de RTT. Or elle laisse perplexe. On continuera en effet à distribuer des jours de RTT, puis on permettra – le cas échéant – aux salariés de les racheter, voire d’effectuer au-delà des heures supplémentaires défiscalisées… Usine à gaz étrange, qui vide la loi sur les 35 heures de sa substance sans oser le dire. Les limites de l’extrême pragmatisme de Nicolas Sarkozy apparaissent ici : vouloir tout réformer tout en craignant de bousculer tous les acquis généraux (les acquis catégoriels, eux, ne sont plus tabous, on l’a vu avec les régimes spéciaux) conduit à des solutions baroques, mais surtout injustes et illisibles.
Or la lisibilité de l’action entreprise était indispensable au fameux « choc de confiance » censé permettre le retour à la croissance. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on attend encore l’une et l’autre.