Les Gracques persistent

La nature, même politique, a horreur du vide… et même parfois du trop-plein. C’est ce qui explique la percée de François Bayrou au premier tour de l’élection présidentielle et ses bonnes opinions dans les sondages. Pillé depuis dans ses soutiens par l’UMP, dépossédé du message d’ouverture par Nicolas Sarkozy, le MODEM a néanmoins réussi à exister et à se lancer, même si – comme le montrent les résultats de l’élection législative partielle de Sarcelles ce dimanche – les suffrages restent chers à gagner.

L’entreprise de François Bayrou a l’attrait de la nouveauté. Pourtant, l’existence d’un courant d’inspiration démocrate-chrétienne, est une constante de l’histoire politique française : de l’abbé Lemire au Sillon de Marc Sangnier, de l’Aube de Francisque Gay au MRP de la Libération, le christianisme social a eu ses lettres de noblesse. Depuis 1969 et le ralliement de Jean Lecanuet à Georges Pompidou, l’UDF des notables avait étouffé le centrisme des militants. Le positionnement de François Bayrou depuis le printemps 2007 vient d’inverser le balancier. Pour autant, cette rémanence historique ne permet pas au MODEM d’esquiver la réalité des institutions de la Vème République, qui fait qu’il y a une majorité et une opposition, qu’il faut choisir et que c’est bien ainsi.

Aujourd’hui, sa capacité d’attraction se nourrit des faiblesses du Parti socialiste. L’incapacité de ce dernier à assumer une ligne social-démocrate, moderne et réformiste est pain… béni pour le MODEM. La propension à ériger le messianisme révolutionnaire, hier celui du PC, aujourd’hui celui d’Olivier Besancenot et de José Bové, en mètre-étalon de la pensée de gauche, perpétue la détestable habitude consistant à dire, dans l’opposition, le contraire de ce qu’il fait au pouvoir. Faute de leadership, le PS cherche un intermittent du premier secrétariat qui saura s’effacer le moment venu. Faute de ligne politique, la question des alliances est esquivée, dans le meilleur des cas sous forme d’hommage au Parti démocrate italien, alors que celui-ci a fait le choix inverse : une ligne politique clairement dégagée du pôle gauchiste, une alliance mûrement pensée et un leadership.

Le MODEM comme le Parti socialiste doivent d’abord mettre au clair leur projet, leur vision de la société française, leurs réponses aux défis de la mondialisation, leur réforme de l’Etat, pour remettre en route l’ascenseur social et réduire les inégalités sociales et territoriales. Bref  pour restaurer la crédibilité de la politique… Alors seulement, le temps sera venu de mesurer s’il y a suffisamment de convergences pour construire une alternance. Sur tous ces sujets de fond, les Gracques feront connaître leurs propositions.

Nous nous étions exprimés publiquement pour la première fois en posant la question du rapprochement du Parti socialiste et du centre avant le premier tour de l’élection présidentielle. Cette franchise a déplu à quelques-uns. Aujourd’hui encore, il nous paraît plus honnête, plus efficace et plus porteur d’avenir de poser les termes d’une éventuelle alliance, ouvertement, devant les électeurs, que d’aller, entre les deux tours, négocier un poste de premier ministre dans la clandestinité nocturne. Les Gracques persistent et signent.