Etats-Unis: Les enseignements d’une élection historique
Reste-t-il, après le déluge de commentaires et de superlatifs auquel a donné lieu l’élection de Barack Obama, des éléments nouveaux et des analyses qui n’auraient pas été faites ? Et surtout, que restera-t-il, d’ici quelques semaines, de l’écrasante charge d’espérance qui pèse sur les épaules du président élu ?
L’élection d’un homme, qui se trouve être noir, à la présidence des Etats-Unis marque assurément, pour ce pays qui a à peine plus de deux siècles, le franchissement d’une nouvelle frontière. L’écho planétaire de cet événement replace les Etats-Unis, que l’on disait distancés par des pays émergents comme l’Inde ou la Chine, au premier rang des acteurs de la mondialisation : leur nouveau président incarne le métissage et la confluence des cultures américaine, africaine, asiatique… L’Amérique retrouve ce statut de terre d’opportunités, accueillante aux réussites, qui a accompagné, tout au long du XIX° siècle, l’affirmation de sa suprématie.
L’élection de Barack Obama est aussi une réconfortante victoire de l’intelligence et de la rationalité contre le populisme. Que ne disait-on pas pendant la campagne ? Il parlait trop bien, de façon trop intellectuelle pour que les Américains de la rue puissent s’identifier à lui. Les publicités négatives de la campagne républicaine comme les discours de Sarah Palin martelaient ce message : il n’est pas comme nous.
Mais, confronté à l’épreuve des déclarations racistes anti-blanches du pasteur de son église de Chicago, Jeremiah Wright, Barack Obama s’en sort en élevant le débat. Il prononce le 18 mars à Philadelphie, à l’endroit même où s’étaient réunis les Pères Fondateurs, un discours qui fera date sur l’évolution des relations interraciales aux Etats-Unis, dans lequel il fait, à sa manière, prévaloir les réponses sociales, communes aux Blancs pauvres et à ceux de la classe moyenne comme aux Noirs et aux Latinos, sur les réponses ethniques, « pour que mes rêves ne se réalisent pas au détriment de vos rêves ».
Que l’on puisse l’emporter à partir de cet éloge de l’unité et de la complexité d’une société multiforme est aussi, pour la société américaine, une preuve de maturité. Malgré leur réputation de francs-tireurs, McCain et sa colistière ont joué la carte traditionnelle de l’establishment républicain, celui du discours anti-expert qui s’en remet à la « sagesse » de Main Street, c’est-à-dire, en français, à la philosophie des brèves de comptoir. Obama, lui, a su montrer à la fois qu’il était entouré des meilleurs experts (ce qui faisait contrepoids à l’accusation d’inexpérience) et qu’il n’en était pas l’otage.
Enfin, selon les critères américains, cette élection a été un vrai choix droite – gauche. Ce choix se traduit toujours, in fine, par savoir où l’on place le curseur entre l’individuel et le collectif, entre la liberté et la responsabilité, entre la loi de la force et celle de la solidarité. Les propositions d’Obama en matière d’éducation, de sécurité sociale, d’environnement le situent clairement à gauche. Il ne reste plus qu’à lui souhaiter de pouvoir trouver, au Congrès, même dominé par les démocrates, une majorité pour les mettre en œuvre.