René Frydman : « Sur la reproduction, on a renforcé la croyance que tout est possible »

Dans son dernier ouvrage, La Tyrannie de la reproduction (Odile Jacob, 208 pages, 21,90 euros), René Frydman, pionnier de la médecine de la reproduction avec la naissance du premier bébé français né par fécondation in vitro en 1982, met en garde contre le risque du bébé à tout prix grâce aux récents progrès de la médecine.

En 1986, votre premier livre évoquait « l’irrésistible désir de naissance ». Le dernier s’intitule « La Tyrannie de la reproduction ». Du désir à la tyrannie, qu’avez-vous observé pendant toutes ces années ?

En quarante ans, la société a changé, les problèmes d’infertilité ne sont plus tout à fait les mêmes. Aujourd’hui, le désir d’enfant est beaucoup plus tardif et certaines techniques se sont développées. Je pense aux traitements de l’infertilité masculine, au dépistage génétique préimplantatoire ou encore à la congélation des ovocytes… Tout cela a d’une certaine manière ouvert le champ des possibles et renforcé la croyance que tout est possible.

Cela conduit parfois à une forme d’acharnement chez certains couples, certaines femmes, je l’ai vu en consultation. D’autant plus que, dans notre pays, les techniques de procréation médicalement assistée [PMA] sont prises en charge par la Sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Et donc on glisse de plus en plus du « je désire un enfant » à « j’y ai droit ».

En parallèle, vous parlez d’un marché de la reproduction en plein essor…

Cette question est très sensible à l’échelle mondiale. Elle l’est un peu moins à l’échelle française, parce que nous avons jugulé le développement des centres de fécondation in vitro [FIV] privés et publics à une centaine. Dans certains pays, il y en a à foison, sans contrôle, et c’est devenu un commerce. Des grands groupes ont pris en main le marché, installé des succursales, des franchises, des objectifs de rentabilité…

Selon vous, qui met en place cette tyrannie de la reproduction ? Ce sont les médecins, les patientes ?

C’est un ensemble. Les médecins ont en face d’eux des couples et des femmes seules limités par leur biologie et qui parfois se perdent, se déséquilibrent dans cette course-poursuite sans fin. Ils doivent apprendre à dire non. Il arrive que je voie en consultation des gens sortir détendus alors que je viens de leur dire qu’il vaudrait mieux tout arrêter. Cela peut provoquer un soulagement. Parfois il faut se battre et de temps en temps le médecin doit dire « on arrête tout parce que c’est voué à l’échec ». Et puis, quelques fois, il y a des miracles et une grossesse survient.

Interview complète à lire dans Le Monde.

Eric de Chassey, historien de l’art : « Les arts et la culture rendent insupportable toute xénophobie »

Le directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art rappelle, dans une tribune au « Monde », au moment où l’hostilité à l’encontre de ceux que l’on juge étrangers croît en France et en Europe, que les arts et la culture offrent un modèle d’ouverture aux autres qui vaut pour l’ensemble de la société.

A l’heure où la xénophobie monte en France et en Europe, les arts et la culture, à travers leur histoire et leur actualité, ne cessent de nous rappeler combien elle est nocive pour le développement de toute société humaine et que, si on la favorise ou qu’on la laisse croître, on finit toujours par en payer le prix. Il ne s’agit pas seulement de convictions, personnelles ou collectives, mais bien d’une incompatibilité de principe, car les arts et la culture sont intrinsèquement xénophiles, c’est-à-dire qu’ils reposent sur l’accueil de l’étranger et s’opposent au rejet de celui-ci ou à la limitation de ses droits.

Se laisser toucher par les œuvres de la culture et des arts, c’est toujours accepter de s’ouvrir au point de vue d’autrui, de voir avec des yeux qui ne sont pas les miens, d’entendre ou de lire des mots qui ne sont pas les miens, d’écouter une musique qui n’est pas la mienne, de vivre des actions, des gestes et des récits qui ne sont pas les miens, d’appréhender des modes de pensée qui ne sont pas les miens – mais qui, si je les accepte, peuvent rejoindre, enrichir, éclairer mes habitudes de regard, de parole, d’écoute, de comportement, de pensée. C’est pour cette raison que la France, plus explicitement que bien d’autres pays, n’a que très rarement, sauf en des périodes malheureuses de son histoire, eu une conception nationaliste de la culture et des arts.

(…)

Tribune complète à lire dans Le Monde.

Colloque Michel Rocard

Le 1er décembre, l’Association Michel Rocard propose un colloque à l’Ecole Normale Supérieure sur le thème « Michel Rocard, une certaine idée de la politique ». Y seront notamment explorés les thèmes de la morale et de la démocratie d’opinion.

Le programme et les inscriptions sont accessibles en ligne.

Immigration : une histoire invisible dans les noms de rue | Pascal Blanchard

Comment faire pour que le récit national intègre une plus grande part de diversité des parcours, des récits migratoires et des régions ultramarines ? En s’attachant désormais à l’espace public, aux noms des rues, des places, des bâtiments publics et des lieux de vie (écoles, stades, stations de bus et tramways, médiathèques…). C’est une évidence car ces personnalités issues de l’histoire de France sont encore invisibles dans nos vies et donc dans nos récits et nos mémoires. C’est nécessaire de connaître pour reconnaître ; c’est ainsi que l’espace public sera en écho avec la réalité sociologique de notre pays.

Pascal Blanchard est un historien français, chercheur associé au CRHIM à l’UNIL (Lausanne), codirecteur du Groupe de recherche Achac (Paris), il est spécialiste en histoire contemporaine (immigration, colonialisme, images et imaginaires), et il auteur d’une soixantaine de livre, dont le dernier Colonisation & propagande. Le pouvoir de l’image (Le Cherche Midi). Il est aussi réalisateur de documentaires et commissaire de plusieurs expositions. Il a présidé la mission pour la présidence de la République pour le recueil “Portraits de France” devenu depuis une exposition itinérante en France.

Ce que nous dit le départ de Draghi : “si l’on ne répond pas à l’angoisse démocratique, la voie sera ouverte aux populismes”

Le départ du président du conseil italien Mario Draghi est un nouvel exemple de la fragilité démocratique européenne alors que la guerre en Ukraine, l’inflation, la crise climatique ouvrent un nouveau cycle de note histoire, relève dans une tribune au « Monde » le dirigeant d’entreprise Bernard Spitz.

La démission de Mario Draghi est un coup dur pour les économies de l’Italie, de la France et de l’Union européenne. Chacun le comprend. Mais pas seulement. Dans un monde marqué par les peurs, elle est aussi le révélateur de la reprise en main de l’économie par le politique et de son glissement vers la droite radicale. Comment imaginer, face à tant de remises en cause, que nous allions poursuivre le voyage dans le petit train rassurant de Fukuyama sur « la fin de l’histoire » ?

Un nouveau cycle est ouvert, dont personne ne sait la durée et dont seuls nos enfants connaîtront un jour le nom. Ceux qui ont connu l’entre-deux-guerres ou les « trente glorieuses » n’avaient pas la moindre idée qu’ils vivaient ces époques de l’histoire. Il en va de même pour nous : le basculement s’est produit sous nos yeux, il ouvre une nouvelle période d’incertitude et de fureur.

Nous vivons quatre chocs : le retour de l’inflation qui n’est pas qu’un fait statistique mais un élément majeur des comportements des ménages et des entreprises ; la prise de conscience de l’urgence climatique enfin reconnue comme priorité absolue ; l’impact de la pandémie qui change le rapport au travail, notamment chez les jeunes et souligne notre fragilité face à la maladie ; enfin la guerre aux portes de l’Europe qui nous rappelle la tragédie des temps et la brutale logique des rapports de force…

La radicalité d’un camp entraîne la radicalité de l’autre

Face à ce tumulte, Mario Draghi est arrivé au pouvoir porté par une double évidence : il était le meilleur et le plus crédible aux yeux du monde économique, de la société italienne, du reste du monde ; et il ne venait pas du monde politicien d’avant. Exactement comme Emmanuel Macron. Ce que nous dit son départ, c’est que cela ne suffira plus à l’avenir, que cela ne suffit déjà plus.

En France comme en Italie, le glissement politique s’opère vers la droite dure et populiste, Rassemblement national ici, Ligue et Fratelli d’Italia là-bas. La radicalité d’un camp entraîne la radicalité de l’autre. En France, la Nupes a marqué la prise de pouvoir des « insoumis » sur les écologistes et les sociaux-démocrates.

En Italie, le Mouvement 5 étoiles a explosé en deux, la partie anarchiste et gauchisante s’abandonnant à Giuseppe Conte, devenu le premier adversaire de Draghi et le forçant à la démission. Même observation aux Etats-Unis : l’idéologie radicale d’un Trump a non seulement conquis le pouvoir mais a marqué d’une empreinte durable le Parti républicain au point que sa réélection – ou à défaut l’avènement du gouverneur de Floride sur sa ligne – fait partie des scénarios possibles. Parallèlement, la radicalité fait son chemin aussi chez les démocrates.

Plus que jamais un besoin d’espoir et d’un projet collectif

L’Allemagne est l’exception puisque la coalition actuelle est issue d’élections ayant marqué un net recul des extrêmes. Mais pour combien de temps, alors que l’hiver s’annonce difficile en raison de la crise énergétique et que l’inflation – mot maudit depuis la république de Weimar – réapparaît ?

En quelques semaines à peine : démission de Mario Draghi et de Boris Johnson, contestation de Joe Biden et d’Emmanuel Macron, assassinat de l’ancien premier ministre Shinzo Abe : cinq des sept membres du G7, cinq démocraties parlementaires ainsi affaiblies au moment où les démocratures russe, chinoise et turque plastronnent, indifférentes aux sanctions des tigres de papier occidentaux.

En ces temps de basculement et de menaces de tous ordres, les citoyens ont plus que jamais besoin d’espoir et d’un projet collectif qui les rassure. Hélas ce message n’est toujours pas incarné politiquement par l’Europe. Et il n’est plus porté par les partis dits « de gouvernement » de nos démocraties.

Être compétent, intelligent, honnête ne suffit plus. L’« en même temps » non plus. La force de l’utopie et le sens du progrès ont été abandonnés aux extrêmes. Même les jeunes, dans un sondage récent, disent qu’ils s’accommoderaient d’un despotisme éclairé. Ce que nous dit la démission forcée de Draghi, c’est que si l’on ne répond pas mieux à l’angoisse démocratique, la voie sera ouverte aux populismes.

Tribune à retrouver dans Le Monde

Pacte du pouvoir de vivre

Avec ses 90 propositions, la CFDT entend donner du sens à la campagne présidentielle.

Celles-ci portent sur de nombreux thèmes, dont le travail, l’éducation, les transports et la biodiversité – entre autres.

Nous vous proposons les consulter ici.

How coronavirus is reshaping Europe in dangerous ways

Nous ne sommes qu’au début du chapitre qu’ouvre le COVID-19. Pourtant, il est déjà possible de distinguer six tendances susceptibles de restructurer l’Europe – de la remise en question des politiques écologiques au renforcement des contrôles aux frontières, en passant par des tensions Nord-Sud et Est-Ouest ravivées. La suite à lire sur The Guardian.

« Covid-19 : fin de partie ? »

« Telle était la tonitruante affirmation proférée le 26 février dernier par le meilleur infectiologue au monde (selon le classement expertscape), accueillie pourtant avec scepticisme et même sarcasmes par la communauté scientifique. Trois semaines plus tard, la réalité est en train de lui donner raison. Révélant au passage que nous aurions à peu près tout faux face au virus. Ce qui est en fait une excellente nouvelle ! »

La suite sur le blog de Jean-Dominique Michel.

« Que ferons-nous de cette épreuve ? »

 » Sylvain Tesson, revenu en France juste avant la fermeture des frontières pour être près de sa famille, observe avec acuité le monde des flux basculer dans celui du «Restez chez vous». Il analyse la fragilité de nos sociétés interconnectées profondément ébranlées par un minuscule virus. L’auteur de La Panthère des neiges (Gallimard) rend un bel hommage aux «soignants et infirmiers qui se pressent aux postillons comme les pompiers aux flammes». »

« Il veut croire que cette traversée du temps retrouvé, grâce notamment aux pouvoirs de la littérature, de la philosophie et de la poésie, permettra le réveil de la sensibilité, de la contemplation, de la vie intérieure. «S’il épargne l’intégrité de notre organisme, écrit Sylvain Tesson du coronavirus, il révélera la solidité de notre âme.»« 

Un entretien à lire sur : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/sylvain-tesson-que-ferons-nous-de-cette-epreuve-20200319

Printemps de l’Economie – Edition 2020

A l’heure où, plus que jamais, rien n’est plus simple que de diffuser des fake news, il y a une véritable urgence démocratique à rapprocher la recherche scientifique en économie des citoyens, à expliquer inlassablement encore et encore quels sont les grands enjeux tout en sachant ne pas rester sourd à leur ressenti.

P.P. Boulanger – Président – fondateur du Printemps de l’Economie

Les Gracques sont heureux de soutenir le Printemps de l’Economie qui se tiendra du 24 au 27 mars 2020. Créé en 2013 avec le soutien de Michel Rocard, cet évènement annuel contribue activement à rendre la connaissance économique accessible à tous.

Consultez le programme dès maintenant et inscrivez-vous à partir du 24 février 2020.