Schröder est avec nous !

Article paru dans Le Point le 28 août 2014. 

 

Quand une économie est en croissance, un gouvernement de gauche sait ce qu’il a à faire : c’est d’en répartir les fruits le plus justement possible. Comment? Par une redistribution qui vient en aide aux plus modestes, finance les services publics et assure l’égalité des chances pour la jeunesse. Il y a donc à la fois justice horizontale entre catégories sociales et verticale entre générations.

Quand une économie est en panne de croissance, que faire? La voie de la facilité est de faire indéfiniment « comme si ». De continuer la subvention et le soutien qu’on accordait hier à telle association ou catégorie sociale, voire à d’autres pas moins méritantes, ou à tel projet qu’on lance sans savoir comment on le financera. Alors, on redistribue une richesse que l’on n’a pas. L’adaptation de l’économie tarde. La justice horizontale est à crédit et l’injustice verticale frappe les jeunes qui devront régler les déficits de leurs aînés.

La gauche s’est divisée dans ce débat, réduisant d’autant sa capacité de pouvoir dire haut et fort à l’Europe et aux Allemands : « vous vous trompez de politique économique ». Et à la droite qu’elle est disqualifiée par sa gestion pour longtemps. Elle a été inhibée parce qu’une bonne partie de ses cadres – et de son électorat- pense sincèrement que la distribution est l’ordre naturel des choses, que c’est la demande seule qui stimule l’économie, que l’offre et la production en sont les relais et non les moteurs. C’est le cas des « frondeurs ».

Ces derniers posent une question embarrassante : La gauche française ne saurait-elle gouverner qu’en période de croissance? A la droite reviendrait le soin d’assurer la prospérité, à la gauche celui d’en assurer le partage. C’est ce qu’ils laissent entendre, quand ils disent qu’on se fiche de la dette, des déficits et de nos engagements européens, que la finance est un mal non nécessaire, l’Etat le seul bon décideur, et qu’il suffit de distribuer de l’argent public pour relancer la machine…

Les vrais réformistes dans le sillage de Manuel Valls ne pensent pas cela. Ils mesurent la difficulté de notre situation: pas de croissance, un risque de déflation, les faillites, le chômage, les recettes fiscales atones, l’investissement qui se tarit,les déficits qui s’empilent. Le tout, sans disposer de leviers d’actions conjoncturels, budgétaires ou monétaires. Faut-il pour autant baisser les bras? Non. Trancher politiquement en faveur du réformisme, remanier en conséquence, c’est au contraire redonner vie à ce que disait Pierre Mendès-France « : il n’y a pas de politique sans risques, il n’y a que des politiques sans chances ».

Saisir ces chances nécessitera au nouveau gouvernement du courage : s’attaquer aux rentes privées, mais pas seulement. Améliorer la productivité de l’administration, en jouant sur la mobilité, les effectifs, le temps de travail. Et réduire les dépenses de l’Etat : car comme il a pu être dit de la finance, il y a aussi la bonne et la mauvaise dépense publique.

Nous devons dans le même temps retrouver de la croissance et « moderniser notre économie », comme le dit François Hollande – comme l’avait fait Gerhard Schröder -, « en améliorant la compétitivité et en soutenant l’investissement ». Car il faut donner l’envie aux entreprises, particulièrement aux PME et ETI, d’investir. C’est un principe simple à respecter : chaque mesure devrait inciter un employeur à avoir un salarié de plus, un investisseur à mobiliser un euro de plus. Le pacte de responsabilité est le socle fondateur de ce choix réformiste. Il est à peine lancé. Pour transformer l’essai, il faut mettre fin aux annonces contradictoires, aux votes de nouvelles taxes et à la dramaturgie entre partenaires sociaux sur le thème des « cadeaux et des contreparties » néfaste pour tout le monde, car créatrice de défiance. Le moment est venu de s’impliquer tous, pour recréer une dynamique gagnante pour tous.
Pour cela il faut du simple et du concret : pour la croissance, donc l’investissement et l’emploi ; pour la réduction rationalisée des dépenses publiques ; et pour l’avenir, donc notamment en faveur de la jeunesse et de la transition énergétique. L’opinion doit comprendre d’emblée ce que cela change pour chacun, pour son entreprise, pour ses enfants, et être en mesure d’apprécier que cela est juste et nécessaire.

A titre d’exemples, trancher positivement sur le travail le dimanche, la modification des seuils sociaux et… la suppression de la taxe à 75% puisqu’établie à titre provisoire, seraient des signes clairs. Comme la baisse des impôts et la refonte des minimas sociaux au soutien de la consommation. Comme le choc foncier et sur le droit de l’urbanisme, accompagné d’un assouplissement fiscal sur la propriété, pour relancer la construction sinistrée. Restent les réformes de structure de la sphère publique à mener sur l’éducation nationale, la sécurité sociale, l’Etat…

Voilà ce qui sera utile à notre pays. Comme sera utile l’émergence d’un bloc réformiste fort qui soutienne cet élan, crée la confiance et permette des majorités d’idées au nom de l’intérêt général. Bref, l’avènement majoritaire d’une gauche réformiste, moderne et européenne.

Les Gracques