René Frydman : « Un médecin doit pouvoir dire non »
Dans « La Tyrannie de la reproduction », le gynécologue star dénonce un « droit à l’enfant » délétère et en promeut un autre, celui du bien-naître.
l est, avec le biologiste Jacques Testart, le « père » du premier bébé français conçu par fécondation in vitro (FIV) : Amandine, née en 1982. Il a depuis aidé à concevoir des milliers d’autres enfants, et, chose plus rare pour une star de la médecine de la procréation, n’a jamais cessé, durant toutes ces années, de réaliser des accouchements. Or René Frydman, qui consulte encore, tire aujourd’hui un signal d’alarme. Parce que la fécondation hors du corps humain a ouvert depuis quarante ans des possibilités sans fin – gestation pour autrui, accouchement de femmes ménopausées, conception d’enfants après la mort du père ou dotés de trois mères… –dont il juge certaines, surtout lorsqu’elles sont commercialisées, inhumaines. Et parce que le désir d’enfant qu’il a vu augmenter peu à peu dans son cabinet, impérieux et venu de toutes les couches de la société, se change d’après lui en un « droit à l’enfant » délétère. Optimiste, jamais dogmatique, son nouveau livre, La Tyrannie de la reproduction*, en appelle à la sagesse des politiques et au sursaut, urgent, des médecins.
Le Point : Vos patients ont-ils changé ?
René Frydman : La mondialisation et la commercialisation de la procréation médicalement assistée [PMA], la médiatisation surtout de cas de grossesses extrêmes ou de gestations pour autrui présentées comme idylliques leur donnent hélas l’illusion que tout est possible. Leur désir d’enfant s’est mué en « droit », et une pression formidable s’exerce sur les médecins. Or un médecin doit pouvoir dire non, faire entendre que tout n’est pas possible… Et rappeler la réalité : 50 % des patients qui entreprennent un parcours de FIV, y compris avec donneurs, n’auront pas d’enfant.
Vous est-il arrivé de refuser des demandes qui étaient pourtant dans le cadre de la loi ?
Bien sûr. Nous exerçons une médecine complexe, car c’est une médecine du désir. Tous les centres de PMA ont eu au moins un cas de patiente qui, tombée enceinte après plusieurs FIV, demandait finalement une IVG : c’est dire si le désir d’enfant est parfois ambivalent. La facilité, en tant que médecin, est de ne se poser aucune question. Pourtant, notre devoir est d’exprimer nos doutes ou d’imposer un temps de réflexion lorsque nous décelons des situations de fragilité, des conditions délétères pour l’enfant à naître ou une forme d’acharnement. Il faut aussi parfois aider les patients à renoncer. J’ai souvent entendu des soupirs de soulagement quand, dans mon cabinet, je suggérais à des couples, usés par les tentatives infructueuses, de s’arrêter…
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Article complet à lire dans Le Point.