Réduire la dépense publique, c’est possible
La question est maintenant de savoir comment réaliser les 60 milliards d’euros d’économies annoncées d’ici la fin du quinquennat. 60 milliards d’euros, c’est inimaginable à l’échelle d’un individu, mais peu rapporté à l’ensemble des dépenses publiques : ce qui est visé, c’est réduire la dépense globale d’environ 1% par an, pendant 5 ans.
Dans le secteur privé, les exemples abondent d’entreprises placées dans une situation tendue qui ont su préserver la qualité de leur offre tout en absorbant un effort de cet ampleur : on comprime les effectifs en commençant par ne pas remplacer tous les départs, on rationalise les dépenses en supprimant les doublons, on ne produit pas soi-même ce qui peut être acheté moins cher à l’extérieur…
Rien d’extraordinaire donc, mais cela suppose tout de même un talent : la capacité à faire des choix. « Gouverner, c’est choisir » disait Pierre Mendès-France, et il avait raison. Ce qui manque à nos Gouvernants, depuis 35 ans, c’est d’avoir osé faire des choix clairs. Comme pour tout organisme vivant, au fil du temps des missions gagnent en importance ; et d’autres peuvent être abandonnées.
L’Etat doit, dans ce qui relève de ses attributions directes (Etat central et régimes de protection sociale), indiquer ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. C’est malheureusement ce qu’il ne sait plus faire depuis un trop long moment, faute de courage politique.
Illustrons. La contribution des Administrations publiques au bonheur de vivre en France, c’est – ce devrait être – avant tout : une éducation publique de qualité ; des hôpitaux publics où se trouvent d’excellents médecins, accessibles à tous pour un tarif modique ; la sécurité publique, des personnes et des biens. C’est le modèle républicain dans lequel j’ai grandi, dont j’ai bénéficié, dont j’espère que mes enfants pourront profiter mais dont je vois bien qu’il est fragilisé de toutes parts et qu’il dépend de plus en plus de la zone géographique où l’on réside.
Pour sauver ces missions-là, on en déduit que tout le reste n’est pas prioritaire. Prenons quelques exemples concrets : il n’est pas nécessaire que la France ait le troisième réseau diplomatique au Monde (j’ai déjà dit dans une chronique précédente que j’appelle à la création d’Ambassades européennes, ce qui m’a valu quelques courriers de mes amis diplomates) ; puissance moyenne, la France n’a plus la vocation de mener seule ou presque des actions militaires lourdes loin de nos bases (nos actions n’ont de sens que dans le cadre d’une action de l’OTAN sur mandat donné par l’ONU) ; il est des régimes sociaux absurdement généreux (les intermittents du spectacle) ; il existe des doublons administratifs (protection du consommateur) ; les subventions accordées à nombre d’Associations se font dans l’opacité quant à l’usage effectif des fonds…
Ce qui ne veut pas dire que les secteurs sanctuarisés ne doivent pas faire d’efforts importants : si nous payons des impôts, nous en voulons pour notre argent. Or malgré les sommes investis dans notre Education nationale (premier budget de l’Etat) nous avons vu récemment que les performances moyennes en lecture des enfants de 10 ans sont sous la moyenne européenne. Notre système de santé est encore de qualité, mais il peut gagner en productivité : si la France ramenait sa dépense publique de santé par habitant au niveau allemand, cela représenterait une économie de 7,2 milliards d’euros par an…
Mais tout commence par la capacité à faire des choix.
A partir du moment où les priorités sont clairement dites, tout devient plus facile. On n’est plus dans le « coup de rabot » où l’on demande le même effort à tous, ce qui ne fait que des mécontents car effectivement toutes les Administrations sont alors appauvries. Et on applique les principes raisonnables appliqués partout ailleurs aux secteurs non prioritaires : non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, redéploiements, chasse aux doublons…
Alors bien sûr, cette méthode suppose du courage, celui de désigner clairement les secteurs estimés essentiels pour préparer l’avenir du pays ou maintenir sa cohésion sociale, et ceux qui dans les temps actuels sont un luxe dont nous n’avons plus les moyens. Bien sûr, tous les intérêts particuliers de ces derniers se déchaîneront pour défendre leurs rentes de situation, et c’est ce qui a fait reculer les Gouvernements depuis les années 1970.
Mais dans la situation actuelle du pays (croissance zéro depuis 5 ans ; chômage en forte progression ; ratio dette / PIB approchant les 90%), nous ne pouvons plus reculer. Il serait irresponsable de ne pas avoir ce courage.
Voilà la tâche difficile qui attend le Gouvernement dans sa sphère de compétence. Dans une seconde partie, je décrirai que d’autres réformes structurelles sont nécessaires : d’une part du côté des collectivités locales : le millefeuille administratif (communes, inter-communalités, départements, régions, Etat) est devenu un vrai fardeau pour notre économie, chaque strate administrative prélevant sa dime et plus personne ne comprenant qui fait quoi ; d’autre part, du côté de nos élus, car trop de proximité peut nuire à la bonne perception de l’intérêt général.
Par Arnaud Chneiweiss