Pour une remise à plat de la fiscalité des biens professionnels

Alors que s’ouvre le débat sur la remise à plat de la fiscalité, il importe de ne pas poursuivre les mêmes chimères que lors de la campagne présidentielle. Les Gracques avaient mis en garde contre l’obsession de l’équité verticale (c’est-à-dire de la progressivité de l’impôt, qui suppose que les riches paient proportionnellement plus d’impôts que les pauvres).

En effet, même si on en parle moins, l’équité fiscale passe aussi par l’équitéhorizontale : « à revenu égal, impôt égal ». A cet égard, le régime d’imposition des ménages fortunés souffre d’un biais majeur : selon qu’elles sont décapitalisées ou laissées dans le bilan de sociétés, les ressources financières de ces ménages sont traitées très différemment. Et cette différence créée un biais tel qu’elle rétroagit sur l’équité verticale en permettant aux hyper-riches d’échapper presqu’entièrement à l’impôt.

Si le débat sur la remise à plat de la fiscalité risque de se concentrer sur le commun des niches fiscales ouvertes aux investisseurs (Scellier et autres), ces niches destinées aux classes moyennes supérieures ne sont pourtant pas le principal enjeu de l’imposition du dernier « millime » de revenus.

Pour cette catégorie de contribuables, le vrai sujet est plutôt celui de la fiscalité des biens professionnels, qui touche autant à l’imposition du patrimoine qu’à celle des revenus. En effet, le taux d’imposition moyen au sein de ce dernier millime est très variable, suivant le degré de capitalisation des ressources financières. Parmi les possesseurs d’entreprises ou de participations, les « moins riches » ont besoin, pour financer leurs dépenses, de se verser des dividendes soumis à prélèvement libératoire. Au sommet de la pyramide, les contribuables les plus aisés peuvent au contraire se permettre de laisser une plus grande part de leurs revenus financiers dans des entités intermédiaires (sociétés diverses, holdings, etc.). Or devenus biens professionnels, les produits du patrimoine financier ne sont soumis ni à l’impôt sur le revenu, ni à l’ISF. C’est essentiellement par ce mécanisme que la contribution fiscale des très grandes fortunes se trouve, injustement, réduite à la portion congrue.

Il serait parfaitement possible de taxer ces biens professionnels au titre du patrimoine à hauteur de 0,2 ou 0,3%. Par l’instauration d’une telle fiscalité, nous amènerions le cercle très restreint des grands actionnaires particuliers à participer plus raisonnablement aux dépenses publiques.

Pour parvenir à une parfaite équité fiscale, cette nouvelle imposition du patrimoine financier pourrait tout simplement remplacer la fiscalité des revenus financiers : décapitalisés ou laissés dans les entités intermédiaires, ces revenus seraient ainsi soumis au même prélèvement.

Voilà comment mettre fin à une vraie injustice de notre système fiscal, de manière simple et difficilement contestable.