La 78ème proposition du comité Balladur
Parmi les 77 propositions – hommage inattendu à Tintin – qu’il recense, le rapport du comité Balladur sur les institutions comporte des mesures d’intérêt inégal. La proposition anecdotique de permettre au président de la République de s’exprimer devant le Parlement y fait office de sparadrap du capitaine Haddock : la gauche s’insurge, revendiquant par là même – amusant pied de nez historique – l’intangibilité de la loi de Broglie du 13 mars 1873, votée par une assemblée monarchiste contre les républicains ! Quant à celle présumée clarifier les rôles respectifs du Président de la République et du Premier Ministre, soit elle est de l’ordre des « paroles verbales », soit elle poserait de sérieux problèmes en cas de cohabitation. Nous y reviendrons.
Mais pour les Gracques, le plus significatif dans ce rapport n’est pas tant ce qui y figure que ce qui en est absent : rien, absolument rien sur l’organisation territoriale de la République. Nous voterons pourtant au printemps prochain pour élire 36 783 maires et 2 000 conseillers généraux (sur plus de 4.000), en attendant de renouveler deux ans plus tard les quelque 1 900 conseillers régionaux. Comme les trois mousquetaires, les échelons territoriaux sont en réalité quatre, puisque les structures intercommunales occupent désormais une part déterminante, à la fois en termes de compétences et de fiscalité : aujourd’hui, 54 millions de Français (contre à peine 34 millions il y a dix ans) relèvent d’une intercommunalité à fiscalité propre, dont les responsables ne sont pas élus au suffrage universel direct.
Le rapport Balladur est la plus parfaite expression d’une culture jacobine à l’heure d’un Etat tellement centralisé que tous les pouvoirs ne sont plus seulement concentrés à Paris : ils le sont à l’Elysée, quelque part entre Neuilly et la mairie du XVème arrondissement chère à l’ancien Premier ministre.
Quel citoyen peut aujourd’hui véritablement dire « qui fait quoi » parmi les collectivités locales, comparer les impôts qu’il paie à ceux d’un contribuable d’une commune ou d’un département voisin et savoir comment ces impôts sont utilisés ? Empilement des structures, entrelacs des compétences, émiettement des responsabilités, opacité des choix, tout ceci accroît la distance des Français à l’égard de la vie publique. S’il y a bien une rupture à assumer c’est en ce domaine : on attendait du comité Balladur sa 78ème proposition visant à supprimer le département, à clarifier la répartition des compétences, à interdire tout cumul de mandats et à rendre plus équitables l’assiette et les règles de la fiscalité locale. Les Gracques, eux, ont bien l’intention de porter ce débat.