France is back !

Tribune de Bernard Spitz publiée dans Les Echos au lendemain du 1er tour de l’élection présidentielle, le 24 avril 2017

 

C’était impossible, il l’a fait. En deux ans, un jeune ministre inconnu de la majorité des Français atteint, en tête, le second tour de l’élection présidentielle, face à la représentante de l’extrême droite. C’est la défaite en rase campagne des partis traditionnels et pour le pays, deux options opposées de renouvellement de sa classe dirigeante comme de ses choix économiques et sociaux. L’aspiration à une France offensive dans une Europe rénovée ou le mur identitaire dressé contre l’Union européenne.

Les écoles de sciences politiques et de communication étudieront la combinaison de talent, d’intuition et de chance qu’il a fallu àEmmanuel Macronpour en arriver là, cette chance en forme d’alignement des planètes que Napoléon estimait indispensable pour ses généraux. Comme elles analyseront le succès des candidats extrêmes en marqueur des pulsions « dégagistes » qui traversent le pays. Pour l’heure, observons que cette élection marque à la fois la fin d’un cycle et le début d’une nouvelle ère pour la France.

La fin d’un triple cycle

La fin d’un triple cycle d’abord, générationnel, politique et institutionnel. Générationnel, parce que beaucoup d’occupants des palais républicains et du Parlement depuis des décennies vont passer la main. De nouveaux élus venus de tout bord – des extrêmes, du Modem, de la société civile – vont les remplacer.

Politique, parce que l’échec de la droite à bénéficier de l’alternance comme l’effondrement du PS ouvrent la voie à une recomposition du paysage, avec l’affirmation d’une force réformiste centrale et l’opposition de mouvements extrêmes.

Institutionnel enfin, avec des hypothèses inédites : gouvernement de coalition, Parlement rajeuni et plus représentatif, etc. Après le second tour, la séquence des élections législatives dessinera les contours de la future majorité présidentielle. La Ve République entamera ainsi, quoi qu’il arrive au soir du 7 mai, un nouveau chapitre de son histoire.

Puissante onde positive

Fin d’un cycle donc, mais aussi début d’une nouvelle ère. Dans un mélange d’intérêt et d’inquiétude, le monde extérieur, des gouvernements aux investisseurs, voit la France, après le Brexitet l’élection de Donald Trump, en ligne de front face à la vague populiste et protectionniste. Une sorte de digue qui, si elle cédait, pourrait – sauf résultat contraire aux législatives – déstabiliser l’Italie puis le reste de l’Europe. Avec des risques évidents pour l’économie et à terme, pour la paix.

A l’inverse, l’élection d’Emmanuel Macron pourrait déclencher une puissante onde positive. Un président jeune, connaissant l’entreprise, parlant l’anglais, maîtrisant les nouvelles technologies, incarnerait l’antithèse de ceux qui l’ont précédé. Succès international garanti, qui ne manquerait pas de nous renvoyer une image positive de nous-mêmes.

« France is back » pourrait tweeter Donald Trump. Une France se voyant belle dans le miroir. Plus fort que le terrorisme et les tensions internationales, un courant d’optimisme pourrait gagner un pays qui a besoin de retrouver confiance dans la vision et l’autorité de ses dirigeants.

De quoi conférer une énergie nouvelle aux entrepreneurs mais aussi redonner espoir à tous ceux qui ont exprimé leur colère et leur attente d’une vie meilleure : jeunes, chômeurs, paysans, artisans, ouvriers, classes moyennes. L’Allemagne reprendrait confiance en notre capacité de reconstruire ensemble l’Europe et une diagonale de leaders quadras avec Trudeau et Renzi pourrait émerger. Les marchés regarderaient autrement un pays enfin tourné vers l’avenir, ayant renversé la table de la plus belle des façons, c’est-à-dire en donnant le pouvoir à sa jeunesse.

La France est face à son destin. Il ne tient qu’à elle de vivre un grand moment de fierté et d’optimisme comme pour la victoire en Coupe du monde 1998, avec la dynamique de croissance qui accompagne toujours le succès. « Yes we can » : Obama, en appelant Emmanuel Macron, l’avait laissé entendre. Rendez-vous dans deux semaines.