Vivement Dimanche !

Tribune publiée dans Le Point.

Arrêtons le délire. La frontière entre la gauche et la droite ne passe pas au huitième dimanche travaillé. Ni au treizième.

La gauche, c’est autre chose. C’est la volonté de justice sociale, de solidarité, d’égalité des chances. C’est la protection des faibles et la résistance face aux forts. C’est l’intérêt général, la défense des droits de l’homme, la laïcité, et la défense farouche de toutes les libertés, y compris celles d’entreprendre et de travailler. Si cela venait à être menacé dans notre pays, alors oui, des voix pourraient et devraient s’élever pour appeler à un choix de société ou de civilisation.

Mais le travail le dimanche ! …..

Le drame de la vieille gauche, c’est quand elle ne s’exprime plus que par la voix des professionnels d’appareils partisans qui n’on souvent aucune expérience personnelle de la vie de l’entreprise, ni de la vie tout court. Ils sont les rentiers d’une grande histoire, mais ne partagent plus rien de ce qui a rassemblé des générations autour des plus nobles rêves du monde. Ils pensent l’économie et conçoivent les lois comme on parle entre copains de football ou de météo ; et déclinent leur répertoire de postures, au micro des chaînes d’info ou sur leur blog.

Cette gauche-là défend tous les acquis, jusqu’à ceux des huissiers de justice. Contre tous ceux qui veulent se battre, travailler, créer ; et d’abord contre les jeunes. Ce qu’elle défend au fond, c’est sa vision autocentrée du monde et ses réflexes interventionnistes. Dès que quelque chose bouge, elle le taxe. Si cela bouge encore, elle le régule. Et quand ça ne bouge plus, elle est prête à le subventionner. Rien de plus logique que sa marraine politique retrouve là la continuité de son parcours, de la réduction bureaucratique de la durée du travail à la révolte contre la loi Macron.

Aux armes citoyens, contre… l’ouverture des magasins le dimanche ? A force d’outrances, le débat gauche-droite, hier structurant, a fini par sombrer dans le néant. Le voilà désormais évincé par celui entre la France du bas et celles d’élites qui ont abandonné le peuple. Le peuple le leur fera payer. Le peuple des chômeurs, des jeunes, de tous ceux que l’on prive d’avenir.

Car la France, malgré sa richesse, ses talents, son histoire, son Etat, ses prix Nobel, sa culture, ses immenses atouts, est en train de basculer en deuxième division. Et de mettre en danger l’Europe, projet magnifique mais hors de portée si le couple franco-allemand n’est plus en état de le faire avancer.

La France aujourd’hui fait peur à nos voisins, par sa résistance aux réformes, pourtant plus douces que celles qu’ont réussies les pays du Sud, et par la montée des tentations démagogiques chez les extrémistes ou au sein même des deux partis de gouvernement. Italiens, Anglais, Espagnols, Allemands plus encore, tous nous regardent atterrés, persuadés que le risque de chaos est réel, entre effondrement de l’Euro et déferlante populiste.

Et pendant ce temps-là, la France se demande combien de dimanches….

Pourquoi ce débat sur la loi Macron occupe-t-il tout l’espace public? Parce que les frondeurs y ont vu un marqueur simple pour s’offrir le beau rôle, tout en attaquant l’axe Valls/Fabius/Macron/Rebsamen, c’est à dire la ligne de force et de cohérence de l’exécutif. Parce que les syndicats préfèrent mettre à bas, avant qu’il ne soit voté, un texte qui les renverrait à leur responsabilité en subordonnant l’ouverture dominicale, que de nombreux salariés réclament, à la conclusion d’un accord entre partenaires sociaux. De son côté, l’opposition préfère marquer un point politicien en s’opposant à des réformes qu’elle sait nécessaires, simplement parce qu’elle sont proposées par la gauche.

Mais tout indique, et d’abord les sondages, que les Français ne sont pas dupes. Notre peuple veut qu’on le laisse travailler, consommer et vivre comme il l’entend. Nos étudiants veulent pouvoir accéder à des petits jobs. Nos salariés veulent pouvoir augmenter leurs revenus. Nos concitoyens veulent être libres de faire ce qui leur plaît quand ils en ont envie. Voilà pourquoi le texte que défend Emmanuel Macron est décisif. Il fait rempart entre notre pays et le principe d’irréalité que des gens qui se prétendent de gauche veulent nous asséner. Quitte à provoquer la faillite économique, la destruction de notre protection sociale et le discrédit général. Cette gauche-là est le plus sûr agent électoral de l’extrême droite.

Pour l’exécutif, l’occasion est belle de prouver au monde que la France peut se réformer. Que gouverner ne se réduit pas toujours à des compromis sur tout ; ni la démocratie au blocage de toutes les décisions par l’addition d’oppositions stériles. C’est avant tout à cela que servira la loi Macron : montrer que l’on peut faire bouger les lignes.

La Constitution a prévu une telle situation. Cela s’appelle l’article 49/3: les frondeurs se taisent ; ou ils votent la censure avec la droite, ce qu’ils ne feront pas.

Alors le texte passera. Le pays sera rassuré. L’Europe respirera de savoir qu’indifférent aux aboiements, notre gouvernement est résolu à faire avancer la caravane France. Et que le chaos n’est pas fatal.

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