Réforme de la carte judiciaire : discours de la méthode

Notre carte judiciaire date de 1958. Michel Debré l’avait arrêtée en quelques semaines et promulguée par ordonnance. Le pays avait la tête ailleurs. Depuis, l’essai le plus abouti pour la réformer est du à Henri Nallet, au début des années 90. Malgré une démarche exemplaire notamment par l’ampleur de la concertation, le ministre, handicapé par une fin de législature calamiteuse, baissa pavillon devant la coalition des conservatismes. Mme Rachida Dati vient d’achever son tour de France pour annoncer son propre projet. Le bilan que l’on peut en tirer conduit à rappeler qu’il ne suffit pas qu’une réforme soit nécessaire pour qu’elle soit acceptée et comprise, notamment de l’opinion publique. Il faut aussi qu’elle réponde à quatre critères incontournables :  » Notre carte judiciaire date de 1958. Michel Debré l’avait arrêtée en quelques semaines et promulguée par ordonnance. Le pays avait la tête ailleurs. Depuis, l’essai le plus abouti pour la réformer est du à Henri Nallet, au début des années 90. Malgré une démarche exemplaire notamment par l’ampleur de la concertation, le ministre, handicapé par une fin de législature calamiteuse, baissa pavillon devant la coalition des conservatismes.   Mme Rachida Dati vient d’achever son tour de France pour annoncer son propre projet. Le bilan que l’on peut en tirer conduit à rappeler qu’il ne suffit pas qu’une réforme soit nécessaire pour qu’elle soit acceptée et comprise, notamment de l’opinion publique. Il faut aussi qu’elle réponde à quatre critères incontournables :

1°) des objectifs clairs et des critères pertinents : le programme de l’UMP pour les élections présidentielles ne maintenait qu’un tribunal de grande instance par département. L’objectif était rustique et discutable, il avait le mérite de la clarté. La garde des sceaux s’en est écarté, sans proposer de critère ou d’indicateur justifiant ses choix. Du coup, la réduction du nombre de tribunaux est devenue à la fois l’objectif et le critère. Aucun lecteur de bonne foi de la presse régionale n’est en mesure aujourd’hui, de dire quels sont les arguments de la ministre pour justifier que tel TGI a été conservé et tel autre supprimé.

2°) une détermination sans faille des responsables politiques : la détermination ne manque pas à Mme Dati, non plus qu’un certain panache. Mais quand la clarté des objectifs fait défaut, la distance n’est pas grande qui distingue la détermination de l’entêtement.

3°) un calendrier préalable et une concertation ciblée : un calendrier avait été annoncé, le début de législature était une période propice, mais les finalités de la concertation étaient loin d’être claires. Aux syndicats de cheminots, on a clairement indiqué que la négociation pourrait porter sur les modalités de la réforme mais pas sur ses objectifs. Aux professions judiciaires, on n’a pas tenu le même discours, laissant le terrain aux intérêts corporatistes.

4°) des marges de manœuvre réelles pour des mesures de compensation : le principe de compensation n’a été annoncé qu’in extremis, pour calmer la fronde de députés UMP qui avaient mal lu le programme de leur parti. Rien de comparable avec ce qu’avait su mettre en œuvre Alain Richard en 1997, lors d’un exercice tout aussi délicat, celui du plan Armées 2000.

Et voilà pourquoi, Madame la Ministre, votre fille est non pas muette, mais bruyante et singulièrement agitée.