Fable-Fiction : Si Marine était élue…

C’est la nuit au service des urgences de l’hôpital central. Les malades sont allongés sur des lits de fortune, en partie dans les couloirs. Mais pour Pierre, le chef de service, le plus préoccupant est de se procurer les médicaments dont il a besoin, quand ils ne sont pas produits en France. Le camion qui vient d’arriver de Suisse aujourd’hui a donné au livreur des instructions précises : pas de crédit à l’hôpital, on ne sait pas dans quelle monnaie on sera remboursé; pas de virement, ça met trop longtemps d’avoir l’autorisation du bureau de contrôle des changes : l’hôpital paie en cash et au cul du camion, ou on remballe. En cash avec des billets signés par Mario Draghi : les livreurs ont appris depuis longtemps à refuser les euros signés de Nicolas Dupont-Aignan, ministre des finances, qui sont produits à Chamalières et ressemblent aux autres, mais ne sont pas acceptés à l’étranger.

C’est difficile de trouver du cash. Depuis la grande panique bancaire des mois de mai/juin, les banques ont rouvert, mais on ne peut pas sortir plus de 50 euros par jour. Plus facile quand le malade a de la famille. Pierre a un bon deal avec un ancien camarade d’école : 60 euros en cash contre 100 envoyés par la banque. Certains malades paient aussi avec leurs bijoux. Il faut dire que les bijoutiers ont fait un chiffre d’affaires historique depuis les événements de mai/juin, quand les particuliers ont compris que leurs comptes bancaires étaient piégés et qu’ils se sont mis à acheter n’importe quoi qui ne perdrait pas trop de valeur.

Pour Pierre, le problème est d’autant plus grave que son service n’arrive plus à faire face. Beaucoup de médecins ont choisi de quitter le pays, victimes de comportements menaçants en raison de leurs patronymes. Les propositions sont venues du monde entier, car la médecine française est réputée. D’Allemagne notamment, qui a besoin de personnels qualifiés pour sa population vieillissante. Ces départs ont aggravé la désertification médicale du pays, renvoyant beaucoup de malades dans les hôpitaux, débordés et manquant de tout.

Pierre est resté, lui. Ses  parents sont âgés et il ne veut pas les abandonner. Ils sont tous les deux dépendants, et depuis la loi sur la « taxation des emplois étrangers et la réimpatriation des immigrés », leurs EPHAD ne trouvent plus de personnel pour les laver, les habiller, les nourrir. Pour éviter des maltraitances, les enfants des résidents viennent aider certains jours de la semaine. Même chose à la crèche du petit dernier : la femme de Pierre, infirmière, a dû arrêter de travailler.

Les grands enfants de Pierre, issus d’un premier mariage, sont eux partis au Canada. L’aîné, Sébastien, s’occupait de responsabilité sociale et environnementale chez Paprec, mais il a été licencié avec tous les « personnels non essentiels » quand l’entreprise s’est aperçue que ses 700 millions de dettes obligataires émises à Dublin allaient rester en euros alors que ses contrats d’enlèvements de déchets avec les collectivités locales, eux, passaient en francs. Le cadet, lui, a profité d’un stage d’études à l’étranger et jure de ne plus revenir.

Contrôle des changes oblige, ce sont les enfants qui viennent visiter les parents à Noël. Ils font attention de ne pas trop utiliser les avions d’Air France, qui sont périodiquement saisis sur les tarmacs d’aéroports étrangers par des créanciers qui contestent la décision du Gouvernement de convertir en francs Le Pen la dette des entreprises publiques. On raconte que la Présidente elle-même ne peut pas utiliser hors de France  son avion du Glam, de peur qu’il soit saisi; ce serait pour cela qu’elle loue un avion à une compagnie étrangère quand elle va faire le tour des pays du Golfe pour demander de prêter à la France les quelques devises pour régler ses importations prioritaires.

Ces histoires-là n’ont pas aidé le tourisme, que le Gouvernement cherche à développer, mais c’est surtout à cause des émeutes urbaines et du terrorisme que les gens ne viennent plus. Depuis qu’on a commencé à appliquer la loi sur la Grande Réimpatriation, les émeutes sont de plus en plus violentes, notamment dans les centres de transit ou on a rassemblé les étrangers en cours d’expulsion, dans l’attente de pouvoir organiser et financer leur voyage de retour.

Le plus dur est de se payer ce qui demande des devises. Les euros bancaires (en cours de conversion en francs Le Pen), on en trouve : la banque de France, depuis le référendum sur la préférence nationale et la supériorité de la loi française, est placée sous tutelle du ministre : elle en crée autant que demande le gouvernement, qui paie les fonctionnaires avec. Mais les prix dans cette monnaie augmentent très vite, et l’argent est bloqué à la banque. Ce n’est pas qu’on soit  déjà sortis de l’euro; l’euro est encore pour quelques temps le nom de la monnaie. Mais les euros dans les banques françaises, on ne peut ni les sortir ni les convertir. Le prix du litre d’essence a triplé au cours de la dernière année, en dépit de l’accord passé avec la Russie qui accorde à la France la clause de la nation la plus favorisée en matière énergétique. Les deux pays ont aussi lancé une coopération dans le domaine nucléaire, des ingénieurs russes venant remplacer leurs homologues français expatriés.

Pierre lit des rapports dans la presse, écrits à demi-mot car l’ordre des journalistes sanctionne les manquements à la déontologie patriotique. Les industries exportatrices, celles qui rapportent des devises, ont l’air d’avoir de grandes difficultés, et licencient parce qu’elles ne trouvent plus de composants importés, ou parce que les pays où elles exportaient répondent aux nouveaux droits de douane français en imposant les leurs. La presse explique que  cela est l’effet d’un complot des forces obscures du capital apatride. Il n’est pas économiste, ni historien, mais tout cela ne présage rien de bon.

À l’école, les programmes font l’objet d’un vaste réexamen, en commençant par l’Histoire. Une révision constitutionnelle est à l’étude pour modifier le fonctionnement du parlement et le mode électoral des députés, comme celui du Président de la république. Le droit de manifester et les textes concernant les syndicats seront quant à eux modifiés par la « loi de rationalisation de l’expression publique » qui vient de passer en Conseil des ministres. Des textes qui ont valu à notre pays d’être en couverture d’un grand magazine européen avec ce titre en français : « Pauvre France ».

Macron en tête au premier tour – présidentielle 2017

En portant en tête dès le premier tour Emmanuel Macron, la France vient de se livrer à l’un de ces coups de théâtre qui jalonnent son histoire et en font une nation à nulle autre semblable.
Que de fois n’avait-on pas dit que l’élection présidentielle ne pouvait se jouer hors le cadre des Partis politiques traditionnels? Ou que la France, pays vieilli et rétif au changement, se réfugierait dans un vote conservateur?

C’est tout le contraire qui s’est produit.

Ils viennent de signifier leur volonté de changement, non seulement dans la conduite des affaires du pays mais aussi dans l’état d’esprit général. Assez de pessimisme et de récriminations. Sauvons l’Europe et redressons le pays, en y faisant repartir la croissance et l’ascenseur social: voici la feuille de route qui attend le futur chef de l’Etat et avec lui, les nouvelles générations qu’il incarne.

Interdiction de décevoir.
Le 7 mai, nous voterons donc, comme ce dimanche, avec l’ardent espoir de remettre la France En Marche.

Les Gracques

Edito J-4 – Les Gracques avec Macron

Il faut appeler un chat un chat.

Marine le Pen n’est pas une patriote ayant de la poigne. C’est une femme autoritaire qui conduirait le pays comme elle a dirigé son parti. En muselant toute opposition, en semant l’intolérance au sein de la société , en nous sortant de l’Union Européenne et en s’ouvrant à l’influence des régimes de l’Est. Son programme est une imposture qui conduirait le pays au chaos et à la misère.

Jean-Luc Mélenchon n’est pas un pittoresque admirateur de l’Amérique latine doté d’une vision romantique de l’économie. C’est un homme politique ivre de sa propre parole, que l’orgueil conduit à insulter la presse libre, ignorer les droits de l’homme dans les dictatures qui flattent son ego et agresser l’Europe. Son programme est une caricature qui ruinerait le pays et ses classes moyennes.

François Fillon n’est pas le réformateur modèle qui s’est fait élire aux primaires de la droite contre Alain Juppé. Il est le candidat obligé d’une droite qui, incapable de s’unir, a laissé ses courants les plus réactionnaires prendre le contrôle de sa campagne. Cette emprise de « Sens commun » sur fond de casseroles l’empêcheront, quoi qu’il arrive, de tenir ses engagements initiaux.

Benoit Hamon est le tardif champion d’une gauche frondeuse qui a confondu revanche au sein du PS avec élection présidentielle. Chacun sait – lui le premier, que nous avions accueilli à notre Université d’été de 2008 – que faute de pouvoir accéder au second tour, les voix portées sur lui accroissent les chances des trois précédents. Il a appelé ses électeurs à opter pour Jean-Luc Mélenchon au second tour, nous les appelons à voter pour Emmanuel Macron dès le premier.

Car oui, à la veille d’un scrutin décisif où chaque voix comptera, les Gracques soutiennent la candidature d’Emmanuel Macron. Parce qu’il est le seul à partager toutes nos valeurs : compétence économique, engagement européen, liberté d’entreprendre, priorité à l’éducation, Solidarité pour les démunis, compréhension de la révolution numérique, apaisement des tensions sociales, conception non-partisane du gouvernement…

Parce qu’il saura rendre confiance aux Français et espoir aux Européens, le 23 avril nous voterons pour Emmanuel Macron.

Edito J-5 – Les Gracques avec Emmanuel Macron

Alors que commence la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, de très nombreux électeurs n’ont pas encore arrêté leur choix, ni même décidé s’ils iront voter ou non, et quatre candidats peuvent encore espérer figurer au second tour. C’est une situation sans précédent.

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon expriment la colère que ressentent de nombreux Français. Des Français qui ont le sentiment d’être dans une situation sans issue et sans espoir pour eux, et pour leurs enfants. Qui se sentent menacés dans leur identité et leur mode de vie par la mondialisation, les migrants, les nouvelles puissances économiques, les mutations technologiques. Abandonnés par l’Etat. Ils savent qu’appliquer les programmes de ces candidats ne résoudrait rien. Mais ils veulent sanctionner les sortants.

Et pourtant : quoi de plus traditionnel, au fond, que les postures de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Promettre ce qu’on sait ne pouvoir tenir sauf à faire le malheur de ceux-là mêmes dont on cherche les voix, ouvriers, employés, retraités… La colère est mauvaise conseillère. Après, il faut vivre cinq ans avec celle ou celui qu’on a élu. La vraie rupture avec la politique traditionnelle, c’est de promettre ce que l’on peut tenir. C’est ce que fait Emmanuel Macron. Il trace une voie où l’école donne à chacun sa chance, où chacun peut reprendre le contrôle de son existence, et où des services publics modernisés protègent ceux qui ont le plus besoin de protection.

François Fillon peine à rassembler son camp : rien d’étonnant à cela. Son image personnelle est atteinte. Surtout, son programme ne peut convaincre. Libéralisme économique sans frein ni contre-pouvoir, réduction mécanique des services publics, conservatisme social d’un autre temps : le vainqueur de la primaire s’est éloigné des valeurs qui inspiraient une large part de la droite classique et modérée.

Des centristes peuvent encore hésiter : un seul programme porte pourtant les valeurs qui sont les leurs, sur le respect de chacun, sur la manière de se conduire et la morale en politique, et veut une Europe qui permette à la France de rayonner dans le monde et de donner son plein potentiel.

Le Parti socialiste s’est choisi un frondeur pour candidat. Loin de chercher à rassembler, il s’est tourné vers la gauche radicale, qui l’a éconduit. Vers qui se tourner lorsqu’on a participé de la culture de gouvernement qui a été celle du Parti socialiste d’Epinay, du parti de Lionel Jospin et Michel Rocard, si ce n’est vers Emmanuel Macron ?

Dimanche soir prochain, il sera trop tard. Pour tous ceux qui croient que la France peut faire beaucoup mieux, et être plus juste, qu’elle peut retrouver confiance en elle-même, qu’elle peut protéger et défendre les plus démunis et donner à chacun les meilleures chances de réussir, avec un programme de transformation profonde et réaliste, il est possible d’exprimer leur choix en votant pour Emmanuel Macron. C’est ce que nous ferons.

Les Gracques

Les Gracques en marche !

J-3

Pour le long terme, cette réforme fournira également l’occasion de réfléchir à un système de retraites à points, offrant la souplesse et la transparence d’un régime par capitalisation tout en préservant un financement par répartition. En remplacement des très illisibles « trimestres » actuels, les cotisations de chacun serviraient, dans ce système à financer l’acquisition de points de retraite. La valeur point serait négociée en fonction des impératifs d’équilibre financier du régime, ce qui permettrait à chacun d’en connaître immédiatement l’impact sur ses droits. Enfin, ce système permettrait de valoriser facilement, par des points supplémentaires, des travaux utiles à la collectivité. Contrairement à ce que soutiennent ses adversaires, le régime à points constituerait donc une avancée démocratique : plus clair et plus facile à manœuvrer, il permettrait aux politiques de rendre des grands arbitrages de façon compréhensible par l’ensemble des citoyens. Et il permettrait à chacun, selon son parcours professionnel et sa situation personnelle, de déterminer le moment de prendre sa retraite, sans que le couperet des 60 ou 62 ans vienne s’abattre sur lui, quitte à travailler bien plus longtemps, comme l’amélioration de l’espérance de vie le permettra à tous ceux qui continuent à s’épanouir dans leur métier. On améliorera aussi la situation des seniors, dont le fort taux de chômage dans notre pays est corrélé directement à la barrière des 60 ans qui décourageait l’employeur d’embaucher des salariés ayant passés le cap des 55 ans. Plus tardif est l’âge moyen de la cessation d’activité, plus faible est le chômage des 55 à 65 ans : c’est une réalité qui se vérifie dans le monde entier. A long terme également, il nous faudra réfléchir au moyen d’aborder intelligemment la pénibilité du travail, c’est-à-dire d’en traiter les causes plutôt que les effets. Les pays nordiques ont très largement résolu ce problème par la mobilité des carrières : si un ouvrier ne passe que quelques années à un poste pénible et évolue vers des emplois de bureau moins durs pour une seconde partie  de vie professionnelle, la question de la cessation prématurée de son activité ne se pose pas. Il y gagne personnellement. L’entreprise y gagne en productivité et en relations sociales, grâce à une relation contractuelle enrichie avec son personnel. Et la collectivité y gagne aussi puisque la durée du travail est prolongée, la croissance alimentée, le pouvoir d’achat soutenu, et la cohésion sociale renforcée. Tout le monde est gagnant. Priver notre société d’un tel progrès en s’inclinant devant tous les conservatismes patronaux, syndicaux ou administratifs : voilà aussi ce qui ne peut plus durer ! 

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-4

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-5

La décentralisation doit prendre tout son sens en permettant d’adapter la situation de chaque lycée et, de chaque collège aux circonstances locales, et en donnant aux responsables de ces établissements les marges de manœuvre qu’ils n’ont pas aujourd’hui vis-à-vis de l’organisation des cours ou de la gestion des enseignants. Une telle orientation suppose du temps pour que l’ensemble des acteurs se l’approprient et pour qu’une communauté d’intérêts au service des élèves se mette en place, en fait et en droit, autour d’un projet d’établissement spécifique, auquel chacun aura été associé.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-6

Refuser que les hauts revenus écrasent les classes moyennes, c’est de même nature qu’empêcher la loi du plus fort – celle de la jungle urbaine – d’envahir nos villes et nos cités. La montée de l’insécurité comme de l’incivilité, c’est la croissance des vols, des cambriolages, bref de la petite délinquance. La droite se trompe en pensant que seule la répression va régler la question. L’extrême-droite trompe chacun lorsqu’elle fait l’amalgame avec l’immigration. Il faut s’attaquer aux causes profondes du mal, en particulier les exclusions, et donc augmenter les moyens  de la prévention à l’école et dans les quartiers. Surtout, il faut faire respecter la loi sur chaque mètre carré de la République : des exactions du milieu corse aux zones de non-droit des cités : chaque fois que la police hésite, c’est la démocratie qui recule. Repenser le volet « répressif », c’est chercher plus d’efficacité. Comment ? Par une présence dissuasive, permanente et familière de la police dans les zones urbaines sensibles. Une police centralisée doit poursuivre le crime organisé, combattre la délinquance grave et assurer le maintien de l’ordre. Parallèlement à celle-ci, une « police de proximité » doit être rétablie. Elle sera composée d’agents de la police nationale assignés à des territoires réduits et, qui, par un travail mêlant prévention et répression, assureront la sécurité de nos concitoyens au quotidien. Il est anormal que ce soient aujourd’hui des brigades de CRS venant de Decazeville ou Bergerac, qui interviennent dans des banlieues sensibles en région parisienne, alors qu’elles n’ont aucune connaissance de la topographie des lieux ni des bandes en présence. Dans ces conditions, les bavures se multiplient et le dialogue ne peut s’instaurer avec des habitants qui ne sont plus habitués qu’à voir des policiers dans un rôle répressif.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-7

‘Le poisson pourrit par la tête’, disait Mao. La société que nous voulons exige que les dirigeants respectent le peuple, mais aussi que les Français puissent respecter leurs élites. Leur exemplarité est donc la première exigence du redressement. (…) Une classe de privilégiés donne désormais le sentiment de passer à la trappe l’intérêt général pour défendre leurs positions ou/et leurs intérêts : des financiers internationaux qui n’ont rien fait – euphémisme – pour empêcher la crise de 2008, aux VIP de la société française bardés de leurs diplômes, certitudes et avantages acquis ; des  hauts fonctionnaires avec leurs emplois garantis à vie aux parlementaires ou chefs d’entreprises assis sur leurs systèmes assurantiels ou de retraites privilégiés et leurs gains en nature ; des privilèges de la Banque de France à la prodigalité de palais et de personnels dévolus aux responsables nationaux et régionaux ; sans oublier les invitations, pistons, passe-droits, coupe-files auxquels chacun, jusqu’à nos plus brillants intellectuels, est si sensible, les archaïsmes ont la vie dure. (…) Ceux qui ont failli s’en sortent toujours. Parfois avec les honneurs, toujours avec de solides indemnités financières. La caissière de supermarché qui s’est trompée dans ses comptes ou l’ouvrier mis à pied parce qu’il est arrivé en retard n’ont pas cette chance. (…) A la classe politique, nous disons que le temps est venu d’en finir avec le cumul des mandats et de renforcer les règles pour éviter les conflits d’intérêts. Aux dirigeants d’entreprise, nous disons que la pratique des parachutes dorés doit être plafonnée, que les rémunérations des dirigeants doivent être encadrées  et que les banquiers d’affaires devront être responsabilisés sur leurs biens personnels. Aux hauts fonctionnaires, nous disons que leur promotion doit s’inscrire dans une procédure plus transparente, que leur engagement durable en politique doit s’accompagner de leur démission de la fonction publique, et que les plus hauts fonctionnaires doivent renoncer au principe de l’emploi garanti à vie.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-8

Toute l’évolution de la société moderne met en valeur la performance des femmes. Les études récentes montrent que l’échec scolaire en France est à 90% un sujet masculin. Et le phénomène est très net dans les populations d’origine immigrée, ce qui confirme ce que les sociologues savent bien : l’acculturation se fait par les femmes. (…) Il est tristement ironique de constater le médiocre taux de représentativité des femmes au sein du Parlement comme de la direction des entreprises françaises ; ou de vérifier  qu’un secteur se féminise d’autant plus vite qu’il est en perte de vitesse ou d’influence symbolique et économique. (…) Nous préconisons donc une palette de mesures. (…) Un seuil minimal de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, comme dans les pays nordiques ; un bonus/malus sur l’impôt sur les sociétés en fonction du nombre de femmes parmi les cadres dirigeants d’une entreprise… (…) Quant à la féminisation du parlement, il faut passer à la vitesse supérieure. La loi sur la parité n’a pas conduit aux avancées espérées, à aucun échelon local ni national. Les femmes ne représentant par exemple que… 12% des députés. Comme indiqué plus haut, nous proposons de quadrupler les pénalités infligées en cas de manquement à la règle de parité, et de plafonner le versement des indemnités prévues aux partis dont la représentation effective serait trop déséquilibrée entre hommes et femmes. 

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-9

De même, la gauche moderne est décentralisatrice, mais une décentralisation qui s’accompagne d’une simplification des échelons de collectivités, d’un frein aux dépenses publiques locales et d’une fiscalité cohérente des territoires. 

Manifeste pour une gauche moderne, Tribune des Gracques dans Le Monde le 14 septembre 2007

L’idéal ? Ce serait à la fois de supprimer les départements, en rattachant leurs attributions à la Région, et de réunir les communes pour l’exercice de l’essentiel de leurs missions. (…) Les compétences doivent être clarifiées pour que les citoyens sachent qui est responsable de quoi : une même compétence ne doit être exercée que par une catégorie de collectivité et une seule. Les lois Defferre de 1982 l’avaient fait de manière assez limpide pour l’éducation : aux communes l’enseignement primaire et maternel, aux départements les collèges, aux régions les lycées, à l’Etat l’enseignement supérieur. Depuis vingt ans, l’Etat a introduit de la confusion dans cette répartition en demandant aux régions de financer les universités, comme il a demandé aux régions, départements et intercommunalités de financer les lignes ferroviaires à grande vitesse. Il faut revenir à des règles simples : aux régions et aux intercommunalités tout ce qui concerne le développement économique et l’aménagement du territoire (y compris les transports, l’emploi, l’urbanisme et le logement) ; aux départements la solidarité et les infrastructures, aux communes les services de proximité.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-10

Mieux vaut prévenir (et maigrir) que guérir. Le complément naturel du bouclier sanitaire est la prévention. On parle ici d’abord de l’intérêt des populations : […] dans des systèmes de santé où les affections de longue durée représentent l’essentiel des dépenses, la prévention peut diminuer de façon considérable les victimes du diabète comme celles du tabac et de l’alcool. Ce n’est donc pas seulement pour des raisons économiques qu’il faut faire de la prévention, notamment contre l’obésité. C’est parce que la prévention réduit  les inégalités sociales devant  la maladie, comme le montre le succès du dépistage organisé du cancer du sein. Elle doit se développer là où sont les gens, notamment au travail, pour faire face à la croissance des pathologies professionnelles et l’allongement nécessaire de la durée de vie active. La politique de prévention doit être conçue et conduite avec pertinence et sélectivité, en privilégiant les démarches à succès établies par l’évaluation de pratiques étrangères ou les expérimentations françaises. Elle doit adapter les messages et les modalités aux caractéristiques particulières des populations dont on cherche à influencer les comportements en se rappelant qu’à l’ère d’internet, des réseaux sociaux et des sites médicaux, les messages venus du sommet ne suffisent plus à emporter la conviction du grand public. Elle doit donc s’accompagner d’un professionnalisme dont la campagne pour la vaccination contre la grippe aviaire – dite H1N1 – fut le contre-exemple parfait avec au total, une désorganisation générale et un surcoût pour les finances publiques. La prévention commence dès le plus jeune âge, y compris pour lutter contre certaines maladies graves, notamment les maladies cardiovasculaires ou les cancers. Elle doit prémunir les enfants et adolescents contre les fléaux tels que les addictions  et aussi l’obésité, l’un des candidats au titre de « mal du siècle ».

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-11

Les sociaux-démocrates n’ont donc maintenant qu’une seule issue : appeler à l’alliance avec François Bayrou. Pour voter utile parce qu’une coalition avec la gauche pourrait engager un projet de modernisation négociée du pays, nous mettre sur la voie d’une économie sociale de marché modernisée. François Bayrou vient de la droite ? Peut-être… François Mitterrand aussi. Mais il a osé rompre avec ses amis. Rompons avec nos préjugés ! (…) Ni les centristes ni les socialistes ne pourront gouverner seuls ; et du reste, le pays ne veut plus d’une conception clanique du pouvoir. Le prochain gouvernement devra être non plus une cohabitation – cette union forcée des contraires – mais une coalition : une alliance voulue entre partenaires. François Mitterrand avait compris jadis que la majorité se gagnerait avec les communistes ou ne se gagnerait pas. C’est la même situation aujourd’hui entre centristes et socialistes. S’allier avec Bayrou, pour voter en faveur d’une coalition de la gauche, des écologistes et du centre, (…) pour déplacer les lignes du clivage gauche-droite, (…) pour dire non au populisme et à la démagogie. (…) S’allier à François Bayrou, enfin, pour dire oui à l’Europe et installer un gouvernement français ouvert sur le monde, au moment où l’Union du traité de Rome est en crise et où la mondialisation précipite la nécessité de notre adaptation.

« Merci, François ! », Tribune des Gracques dans Le Point le 22 mars 2007

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J-12

 Il y a la question des savoirs fondamentaux. Arrêtons la prolifération des matières et des options ; nos programmes doivent correspondre aux besoins d’acquisition de compétences fondamentales pour le plus grand nombre, et non à l’idéal que se font les enseignants du bagage pluridisciplinaire que devraient atteindre les meilleurs élèves des classes prépa. L’école est là pour permettre à une génération entière d’acquérir les compétences fondamentales de la vie en société, c’est-à-dire de  la vie tout court. Les compétences qu’il faut pour qu’un peuple ne soit pas analphabète. Et ces compétences évoluent. Il y a celles qui sont les mêmes qu’au temps de la Troisième République : lire, écrire, compter. Et puis, il y les nouvelles, qui sont devenues également essentielles : parler couramment l’anglais et savoir se servir d’un ordinateur. La maîtrise de ces savoirs fondamentaux est le seul critère de réussite d’une éducation de masse.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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J-13

La France, par sa position centrale en Europe, la qualité de ses équipements collectifs, sa culture, sa qualité de vie, la qualité de son système de soins, est un pôle d’attraction naturel des élites qui peuvent accepter d’y être un peu plus taxées qu’ailleurs. Encore faut-il que le système fiscal, un peu plus coûteux qu’ailleurs, y soit juste, simple, lisible, et surtout prévisible. Car ce qui fait fuir les meilleurs n’est pas seulement le niveau de la fiscalité ; c’est aussi la complexité du système, qui valorise trop les montages sophistiqués et les arguties juridico-financières, et le fait qu’il soit en permanence amendé, interdisant  tout projet personnel. (…) Un bon système d’imposition des revenus et des patrimoines élevés est donc d’abord un système simple et stable, qui leur applique cette seule forme de justice que leur doit la société, qui est la neutralité fiscale. Une fiscalité neutre, c’est une fiscalité qui ne fait pas la différence entre les formes de revenus. Il n’y a pas de  bons et de mauvais riches, il n’y a que des richesses légales et illégales. Les illégales sont du ressort de la justice et non de Bercy, et  les autres doivent contribuer à proportion de leurs moyens, et de façon progressive, aux charges publiques.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Jamais les enjeux n’ont été aussi grands dans une élection depuis des décennies. Le choix des Gracques est clair. Parce qu’il porte nos priorités et notre foi en l’avenir du pays, parce qu’il tient les seuls meetings où flottent côte à côte les drapeaux français et européen, parce qu’il s’est engagé à honorer le crédit de la France, Emmanuel Macron a notre soutien.

Extrait de la tribune des Gracques publiée dans Le Point du 16 mars 2017

Photo publiée dans M le magazine du Monde Le magazine du Monde le 4 mars 2017

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Sommet européen des réformistes – Lyon, les 23 et 24 septembre 2016

Le 24 septembre, se tiendra à Lyon au Musée des confluences le sommet européen des réformistes sur le thème : reprendre confiance.

Cette manifestation exceptionnelle réunira une centaines de personnalités européennes et internationales à l’invitation de think tanks français, allemand, anglais et italien : politiques, chefs d’entreprises,  maires de grandes villes, représentants du monde syndical et de la société civile, économistes et intellectuels, toutes générations confondues, débattront lors de trois ateliers et se saisiront de problématiques majeures pour l’avenir de nos sociétés.

Alors que le Brexit fait peser le risque d’une dislocation de l’Union Européenne, le premier atelier intitulé « open societies » interrogera l’identité européenne, qui semble aujourd’hui attaquée de toute part : comment assurer à tous une protection sociale de haut niveau dans un monde mondialisé et multiforme, comment défendre le continent face au terrorisme et à l’émergence de nouvelles radicalités, comment faire face à la crise migratoire.

Un second atelier  – « open economics » – tentera de comprendre pourquoi l’Europe est aujourd’hui l’une des zones du monde où la croissance est la plus faible et comment des politiques macroéconomiques mais aussi de soutien à l’innovation peuvent y remédier.

Au cours d’un  troisième atelier l’après-midi, sera évoquée la question démocratique – « open politics » –, avec la nécessité d’inventer de nouvelles alliances et des formes inédites d’expression des citoyens pour faire face à la montée des populismes.

À 16h, une restitution publique des travaux sera organisée. Après une introduction de Gérard Collomb, Maire de Lyon, puis une intervention des représentants des thinks tanks, les présidents d’ateliers – Enrico Letta, ancien président du conseil italien, Lionel Zinsou, ancien Premier Ministre du Bénin et Pascal Lamy, ancien directeur de l’OMC – viendront présenter les conclusions des débats. Cet échange sera clôturé par les prises de parole de Sylvie Goulard, députée européenne, Jean-Louis Borloo, Président Fondateur de l’UDI, Président de la Fondation énergies pour l’Afrique, Ana Palacio, ancienne ministre des affaires étrangères espagnole, Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Economie, Président d’En Marche, et Claudio de Vincenti, Secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil des Ministres italien.

Sommet des réformistes européens

Inscrivez-vous à la session publique de restitution des débats >>

Réinventer l’Europe, c’est notre responsabilité à tous !

Alors que Merkel, Hollande et Renzi se réunissent pour un sommet post-Brexit, un peu de politique-fiction pour sauver l’Europe.

Imaginons un instant. Nous sommes en 2026, les élèves de terminale du lycée de Shanghaï étudient le chapitre intitulé « L’effondrement de l’Europe » de leur manuel d’histoire contemporaine, dont voici un ­extrait :

« Inconscients de leur bonheur de vivre à l’abri d’un projet qui leur avait assuré pendant cinquante ans paix, démocratie, sécurité sociale et égalité des chances, les Européens se sont laissé gagner peu à peu par leurs vieux démons. La classe dirigeante a considéré la construction européenne comme un acquis. La preuve en fut l’indigence de beaucoup d’élus et de ministres, la médiocrité de l’exécutif européen, la bureaucratisation étouffante de la Commission. Au XXe siècle, un secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, avait plaisanté en demandant : “L’Europe ? A qui dois-je téléphoner ?” Au XXIe siècle, aucun secrétaire d’Etat ne s’est plus jamais posé la question.

Le continent européen a connu des difficultés au début du XXIe siècle, alors qu’il lançait l’euro, sa monnaie commune. Les écarts de niveau économique entre les pays et l’incapacité de beaucoup d’entre eux à procéder aux réformes nécessaires n’ont pas permis d’atteindre un ensemble cohérent. Les asymétries de performance entre membres de l’Union ont créé une situation faisant de l’Allemagne, réunifiée depuis 1990, la puissance dominante, accumulant les excédents de balance des paiements.

Déséquilibrée économiquement, l’Union le fut aussi politiquement en intégrant trop vite, et sans consulter les peuples, un trop grand nombre de pays, qui diluèrent le projet européen : 28 membres par rapport aux 6 fondateurs, et une zone euro ne concernant qu’une partie d’entre eux. Là encore, les logiques d’influences nationales prirent le pas sur l’intérêt général.

En 2008, la mondialisation et les dérèglements financiers nés aux Etats-Unis précipitèrent une crise dont l’Union ne sortit qu’au prix d’une création monétaire qui, agissant comme une drogue, créa un phénomène d’accoutumance. En parallèle, des gouvernements sans vision firent de l’Europe un bouc émissaire, se faisant élire non pas pour la renforcer mais pour se protéger d’elle. Il est frappant de constater que seuls d’anciens leaders nés dans la première moitié du XXe siècle comme MM. Giscard d’Estain, Schmidt, Rocard, Fischer, Delors, Napolitano ou Cohn-Bendit, tentèrent – en vain – d’éveiller les consciences. L’échec de la Constitution européenne en 2005 en France et le succès croissant des partis populistes nationalistes furent autant d’avertissements. Tout se déclencha finalement il y a juste dix ans, avec la manœuvre politicienne d’un premier ministre britannique, M. Cameron, qui, pour faire taire les opposants de son parti, promit, s’il était réélu, un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union.

Il gagna les élections et perdit le référendum de 2016, à la surprise des bookmakers et de la City. Dès lors, l’Europe fut entraînée dans un engrenage fatal. Les Britanniques temporisèrent. Les élections américaines furent suivies d’une crise au sein de l’OTAN, les Etats-Unis refusant d’assumer leur part de la défense de l’Europe tandis qu’un nouvel axe entre la Turquie et la Russie affaiblissait l’organisation.

Partout des gouvernements fragiles furent déstabilisés par des partis protestataires. Des conflits sociaux de plus en plus violents, des confrontations communautaires exacerbées, la multiplication d’attentats terroristes, des faillites entraînant la ruine d’épargnants, créèrent un climat de peur et de colère qui rappela aux plus âgés celui des années 1930. S’en suivit une émigration massive des élites, à commencer par les jeunes générations, par- ties dans des proportions sans précédent poursuivre leurs études et mener leur vie sur d’autres continents.

L’explosion de la zone euro fut la conséquence logique de cette désagrégation, bientôt suivie par la sortie de l’Union des pays de l’Europe du Nord. L’accord commercial passé en 2025 entre la Chine et l’Amérique imposa ses nouveaux standards aux pays européens à leur détriment. Au moment où la Russie avance ses pions au Proche-Orient et dans les Balkans, qu’un accord de coopération scelle la rencontre entre M. Poutine et Mme LePen, tandis que l’Allemagne presse la France de lui céder sa place au Conseil de sécurité de l’ONU, on peut dire qu’un cycle s’achève et que l’Union européenne, comme toutes les grandes civilisations, était bien mortelle. »

PAS DE FATALITÉ

Fin de l’extrait prospectif. Il n’y a pas de fatalité à ce que nos enfants apprennent en 2026 leur cours d’histoire en ces termes. Mais ne nous plaignons pas de ce qui arrivera si nous ne prenons pas nos responsabilités. L’Europe, qui nous a offert paix et prospérité, se délite à cause de notre indifférence. C’est elle qu’il faut préserver, à n’importe quel prix. Le Brexit est un nouveau signal d’alarme. Cela signifie qu’entreprises comme citoyens, nous devons nous concentrer sur ce qui peut être fait pour la sauver. Réinventer l’Europe, quitte à rompre avec les égarements qui l’ont conduite à la situation actuelle. Retrouver un axe de confiance économique et politique prioritaire avec l’Allemagne et l’Italie, pour commencer. Et élire lors des prochaines échéances celles et ceux qui paraîtront le mieux à même de porter, au nom de la France et des fondateurs de l’Union, cette mission historique.

Article écrit par Bernard Spitz (président du pôle international et Europe du Medef), publié dans le Monde le 23 août 2016.

Article également publié dans le Corriere della Sera le 22 août 2016 – Reinventare l’Europa per impedire che crolli

Orphelins de Michel Rocard

Le plus bel hommage que la France pourrait rendre à Michel Rocard serait de s’inspirer un peu, rien qu’un peu, de sa « méthode ».

Qu’était-elle ? D’abord, des valeurs fortes et des objectifs clairs. Une connaissance profonde de l’histoire, des représentations, des intérêts, des organisations. Une écoute attentive des parties prenantes, un dialogue approfondi, une organisation du débat, de ses enceintes, de son calendrier, qui donne les meilleures chances à la réussite. Un consensus, si possible ; à défaut, une identification nette des points d’accord et de désaccord. Une décision nette. Lorsque cela se peut, une expérimentation. Une mise en œuvre rapide et ferme. Une évaluation rigoureuse de sa mise en œuvre. Des corrections de tir si nécessaire.

A lire en intégralité dans le Point du 7 juillet 2016.

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Europe: reprendre le contrôle de l’hélicoptère

L’école de psychanalyse de Palo Alto a étudié comment les familles de schizophrènes élèvent leurs enfants. Ils les soumettent à des « injonctions paradoxales », construites pour qu’on ne puisse obéir à une partie de l’astreinte sans enfreindre l’autre. Une mère peut faire cela en deux mots (« Sois spontané ! »), ou en opposant le geste à la parole («fais moi un câlin », en repoussant l’enfant). Evidemment, les enfants deviennent fous.

Les européens aussi, particulièrement les petits blancs, qui expriment à chaque scrutin leurs envies noires. Il ne suffit pas de les punir en rappelant, aux anglais comme aux grecs, que les actions ont des conséquences. Il faut aussi se demander si on ne les a pas soumis à trop d’injonctions paradoxales en économie. Par exemple  rembourser ses dettes par l’austérité, qui réduit la croissance et la capacité à dégager des excédents. Ou imiter l’Allemagne pour retrouver la croissance : si toute la zone euro avait 8% d’excédents courants, elle s’effondrerait dans une spirale déflationniste. Tout cela est difficile à faire admettre à nos parents allemands qui parlent une langue où il n’y a qu’un seul mot (Schuld) pour désigner la dette et la faute.

Reprenons l’histoire de l’euro par ce qu’il nous a fait négliger : les balances de paiements courants. Au départ, elles étaient à l’équilibre, et la France compétitive. La divergence ultérieure vient du succès de l’Allemagne, mais aussi du dérapage des pays du Sud, France inclus, où les transferts de capitaux financent l’inflation salariale des secteurs protégés, ce qui détruit la compétitivité de ces pays.

La  crise force à un ajustement, mais il est doublement asymétrique : il privilégie au Sud la contraction de la demande sur les réformes structurelles ; et il réduit brutalement les déficits du Sud (sauf la France, qui s’ajuste doucement), alors que les excédents du Nord s’aggravent.  Le résultat est que tout le monde termine en excédent (sauf la France pour un faible déficit en 2015), et que le solde global, qui était équilibré jusqu’en 2012, monte à +3,2% du PIB, soit plus que les chinois.

Cet excédent n’est pas soutenable. Il traduit, au niveau de la zone euro, un excès d’épargne et une insuffisance de la demande, alors même que la France et les pays du Sud doivent poursuivre pour leur part une politique de l’offre, ce qui rend le débat européen illisible et schizophrène. Il ajoute une composante spécifiquement européenne au contexte de déflation. 

La Banque Centrale Européenne le comprend bien quand elle constate les limites de sa politique de QE. Ses dirigeants évoquent comme une idée « intéressante » l’hypothèse de la « monnaie hélicoptère ». 

Cette déclaration est un bouleversement complet pour les européens de notre génération, et elle doit susciter un examen de conscience : avons-nous raté ce que nous voulions atteindre, ou trop bien réussi? Toute la construction de l’UE est fondée sur l’idée que les élus ont tendance à trop distribuer, et à se réfugier dans les facilités de l’inflation ou de l’endettement. C’est pour cela qu’on a mis en place des règles sur les budgets et qu’on a confié la politique monétaire à une instance indépendante. Et maintenant, voilà que cette instance indépendante veut faire pleuvoir les billets ! Mais comment va-t-elle les répartir, les billets ? Car tout de meme, depuis la Magna Carta et les Parlements, ce sont les représentants du Peuple qui consentent aux impôts et aux dépenses publiques.

Il faut que les élus européens prennent le contrôle de l’hélicoptère. Il faut espérer que le défi du Brexit, la montée des populismes et la menace de Mario Draghi vont convaincre nos amis allemands qu’ils doivent faire deux choses avec leurs excédents : les réduire, et les investir. Les réduire, c’est permettre aux allemands de vivre mieux. Les investir, c’est financer le déficit provenant d’un budget de dépenses exceptionnelles, conjoncturelles et provisoires, porté par une zone euro globalement saine: dépenses d’investissement et d’infrastructure, dépenses d’acceuil des réfugiés, incitations à l’investissement privé, mais aussi dépenses de restructurations couvrant les besoins de formation et de plan social accompagnant la nécessaire réorientation des effectifs et des dépenses publics dans les Etats du Sud. 

Ce budget-là devra être politiquement orienté, là où se trouve le centre de gravité, social et libéral, de la politique européenne. Il sera approuvé par le Parlement de la zone Euro, et exécuté par son ministre des finances. Il ne cofinancera que les efforts  des pays qui voudront s’engager dans des réformes structurelles, et avoir des moyens de le faire sans effondrer la demande. Les billets vont pleuvoir, mais seulement là où ils permettront des récoltes quand il s’arrêtera de pleuvoir. 

Cela n’épuisera pas les critiques contre l’Europe. Certains s’offusqueront de la conditionnalité. Il y aura des accidents, qui devront être traités comme l’a été la crise grecque-assez bien au fond puisque les populistes ont pu toucher du doigt le chaos et décider finalement de ne pas y entrer. Mais au moins il y aura un discours qui ne soit pas que comptable, et des injonctions qui ne soient pas que paradoxales.

Guillaume Hannezo, Les Gracques 

 

Une réforme destinée à donner enfin un avenir à la jeunesse

Editorial de Bernard Spitz publié dans le Monde du 9 mars 2016

Si le projet n’est pas adopté, des centaines de milliers d’emplois potentiels pour nos jeunes seront perdus au profit des mêmes, les champions de l’immobilisme.

La jeunesse française a des raisons d’être en colère. Les chiffres en disent plus que de longs discours : un quart de nos actifs de moins de 25 ans sont au chômage, trois fois plus qu’en Allemagne ; la moitié de ceux qui travaillent ont un contrat précaire ; 1 million vivent sous le seuil de pauvreté ; ils consacrent un tiers de leur revenu à se loger ; 150 000 jeunes sortent par an du système scolaire sans qualification, avec 50 % d’échec en première année à l’université, un sur cinq n’a pas de complémentaire santé, etc.
Constat glaçant. Notre jeunesse est maltraitée depuis des décennies, et récemment par la gauche alors même que François Hollande en avait fait sa promesse de campagne électorale : « Je ne veux être jugé que sur un seul objectif (…) est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ? »

Alors oui, entre la résignation, l’exil ou la protestation, tant mieux si les jeunes manifestent. C’est signe de vitalité, d’énergie, de volonté de prendre leur destin en main, du moins aussi longtemps que ces manifestations défendent leurs intérêts. Mais ce n’est pas du tout ce qui est prévu le 9 mars : ce jour-là, les jeunes dans la rue vont marquer un but contre leur camp.
De la peur qu’ils éprouvent devant l’avenir, les jeunes tirent de mauvaises conclusions. Ils croient que les prétendues protections actuelles les aident, alors qu’elles leur nuisent. Eux qui auraient tant de revendications utiles à formuler, se trompent quand ils protestent contre une réforme dont l’objectif est de leur faciliter l’accès au marché du travail.

La vieille approche, qui fait de la fonction publique un modèle idéal vers lequel il faudrait tendre, ne fait pourtant plus recette dans des générations qui aspirent à inventer leur propre chemin. Ni ici ni ailleurs. Ce qu’il s’agit d’offrir à travers le projet de loi de Myriam El Khomri, c’est cette prévisibilité qui manque cruellement à notre droit social et qui seule donne aux employeurs l’envie de prendre le risque d’embaucher.

Chez tous nous voisins, cette évolution s’est produite et elle a permis de créer des emplois. Elle a offert partout à des jeunes, y compris à de jeunes Français partis à Londres ou Barcelone quand ce n’est pas au Canada ou en Australie, de démarrer une vie active, d’acquérir de l’expérience et d’être autonomes financièrement. Elle correspond pleinement à une nouvelle organisation souple du travails, dans un monde en mobilité où les nouvelles technologies transforment formation, gestion du temps, hiérarchie et carrières.

Sauf chez nous. Peu de sociétés développées sont aussi injustes que la France. La ligne de partage n’est pas tant entre la gauche et la droite, ni entre les syndicats et les employeurs: la fracture principale y est entre les insiders, ceux qui sont protégés, et les outsiders, ceux qui veulent entrer sur le marché de l’emploi et se heurtent aux barricades érigées par les premiers. Le 9 mars, les représentants des insiders seront dans la rue, à commencer par les syndicats de fonctionnaires et les entreprises publiques. Ils inciteront à défendre non pas l’emploi des jeunes mais la sécurité de l’emploi des autres. Cependant, la palme du cynisme revient aux leaders étudiants qui entraîneront dans la protestation ceux-là mêmes qui seraient les principaux bénéficiaires de la loi contestée.

HOLD-UP
Ce n’est du reste pas la première fois. Jadis, les leaders étudiants – devenus depuis insiders et frondeurs – avaient mis les jeunes dans la rue pour soutenir la seule retraite par répartition. Le résultat en a été dramatique pour notre jeunesse, qui doit aujourd’hui payer sa retraite et éponger la dette des générations qui l’auront précédée: chaque étudiant né dans notre pays hérite en guise de doudou de 30 000 euros à rembourser. Cela a été le premier hold-up du siècle: commis avec l’aide des jeunes et à leur frais.
Le second hold-up se déroule sous nos yeux. Si la réforme du travail n’est pas adoptée, si nous restons figés dans un système qui ne correspond plus en rien au monde du travail ni aux aspirations réelles de la jeunesse, des centaines de milliers d’emplois potentiels pour nos jeunes seront définitivement perdus. En revanche, quelques-uns seront gagnés: ce seront ceux qui récompenseront des leaders étudiants dont le cursus de carrière passe par leur capacité à bétonner le statu quo. Ces champions de l’immobilisme sont ensuite récompensés par des postes d’assistants parlementaires, des places dans les mutuelles étudiantes, voire des investitures à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen.
La jeunesse n’est pas le problème de la société française, elle est la solution. Notre responsabilité générationnelle est de créer les conditions qui lui permettront de s’épanouir et de disposer de toutes les chances que ses aînés ont eues autrefois. Au-delà du projet de loi sur le travail, il y aurait beaucoup à dire sur la méthode ainsi que sur les réformes nécessaires en termes de formation, de protection ou de citoyenneté, que l’on attend depuis trop longtemps. Mais les jeunes qui seront dans la rue le 9 mars doivent le savoir: leurs seuls jobs qu’ils défendront sont ceux de leurs leaders d’aujourd’hui, les insiders-frondeurs de demain.

Bernard Spitz