J-3
Pour le long terme, cette réforme fournira également l’occasion de réfléchir à un système de retraites à points, offrant la souplesse et la transparence d’un régime par capitalisation tout en préservant un financement par répartition. En remplacement des très illisibles « trimestres » actuels, les cotisations de chacun serviraient, dans ce système à financer l’acquisition de points de retraite. La valeur point serait négociée en fonction des impératifs d’équilibre financier du régime, ce qui permettrait à chacun d’en connaître immédiatement l’impact sur ses droits. Enfin, ce système permettrait de valoriser facilement, par des points supplémentaires, des travaux utiles à la collectivité. Contrairement à ce que soutiennent ses adversaires, le régime à points constituerait donc une avancée démocratique : plus clair et plus facile à manœuvrer, il permettrait aux politiques de rendre des grands arbitrages de façon compréhensible par l’ensemble des citoyens. Et il permettrait à chacun, selon son parcours professionnel et sa situation personnelle, de déterminer le moment de prendre sa retraite, sans que le couperet des 60 ou 62 ans vienne s’abattre sur lui, quitte à travailler bien plus longtemps, comme l’amélioration de l’espérance de vie le permettra à tous ceux qui continuent à s’épanouir dans leur métier. On améliorera aussi la situation des seniors, dont le fort taux de chômage dans notre pays est corrélé directement à la barrière des 60 ans qui décourageait l’employeur d’embaucher des salariés ayant passés le cap des 55 ans. Plus tardif est l’âge moyen de la cessation d’activité, plus faible est le chômage des 55 à 65 ans : c’est une réalité qui se vérifie dans le monde entier. A long terme également, il nous faudra réfléchir au moyen d’aborder intelligemment la pénibilité du travail, c’est-à-dire d’en traiter les causes plutôt que les effets. Les pays nordiques ont très largement résolu ce problème par la mobilité des carrières : si un ouvrier ne passe que quelques années à un poste pénible et évolue vers des emplois de bureau moins durs pour une seconde partie de vie professionnelle, la question de la cessation prématurée de son activité ne se pose pas. Il y gagne personnellement. L’entreprise y gagne en productivité et en relations sociales, grâce à une relation contractuelle enrichie avec son personnel. Et la collectivité y gagne aussi puisque la durée du travail est prolongée, la croissance alimentée, le pouvoir d’achat soutenu, et la cohésion sociale renforcée. Tout le monde est gagnant. Priver notre société d’un tel progrès en s’inclinant devant tous les conservatismes patronaux, syndicaux ou administratifs : voilà aussi ce qui ne peut plus durer !
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-4
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-5
La décentralisation doit prendre tout son sens en permettant d’adapter la situation de chaque lycée et, de chaque collège aux circonstances locales, et en donnant aux responsables de ces établissements les marges de manœuvre qu’ils n’ont pas aujourd’hui vis-à-vis de l’organisation des cours ou de la gestion des enseignants. Une telle orientation suppose du temps pour que l’ensemble des acteurs se l’approprient et pour qu’une communauté d’intérêts au service des élèves se mette en place, en fait et en droit, autour d’un projet d’établissement spécifique, auquel chacun aura été associé.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-6
Refuser que les hauts revenus écrasent les classes moyennes, c’est de même nature qu’empêcher la loi du plus fort – celle de la jungle urbaine – d’envahir nos villes et nos cités. La montée de l’insécurité comme de l’incivilité, c’est la croissance des vols, des cambriolages, bref de la petite délinquance. La droite se trompe en pensant que seule la répression va régler la question. L’extrême-droite trompe chacun lorsqu’elle fait l’amalgame avec l’immigration. Il faut s’attaquer aux causes profondes du mal, en particulier les exclusions, et donc augmenter les moyens de la prévention à l’école et dans les quartiers. Surtout, il faut faire respecter la loi sur chaque mètre carré de la République : des exactions du milieu corse aux zones de non-droit des cités : chaque fois que la police hésite, c’est la démocratie qui recule. Repenser le volet « répressif », c’est chercher plus d’efficacité. Comment ? Par une présence dissuasive, permanente et familière de la police dans les zones urbaines sensibles. Une police centralisée doit poursuivre le crime organisé, combattre la délinquance grave et assurer le maintien de l’ordre. Parallèlement à celle-ci, une « police de proximité » doit être rétablie. Elle sera composée d’agents de la police nationale assignés à des territoires réduits et, qui, par un travail mêlant prévention et répression, assureront la sécurité de nos concitoyens au quotidien. Il est anormal que ce soient aujourd’hui des brigades de CRS venant de Decazeville ou Bergerac, qui interviennent dans des banlieues sensibles en région parisienne, alors qu’elles n’ont aucune connaissance de la topographie des lieux ni des bandes en présence. Dans ces conditions, les bavures se multiplient et le dialogue ne peut s’instaurer avec des habitants qui ne sont plus habitués qu’à voir des policiers dans un rôle répressif.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-7
‘Le poisson pourrit par la tête’, disait Mao. La société que nous voulons exige que les dirigeants respectent le peuple, mais aussi que les Français puissent respecter leurs élites. Leur exemplarité est donc la première exigence du redressement. (…) Une classe de privilégiés donne désormais le sentiment de passer à la trappe l’intérêt général pour défendre leurs positions ou/et leurs intérêts : des financiers internationaux qui n’ont rien fait – euphémisme – pour empêcher la crise de 2008, aux VIP de la société française bardés de leurs diplômes, certitudes et avantages acquis ; des hauts fonctionnaires avec leurs emplois garantis à vie aux parlementaires ou chefs d’entreprises assis sur leurs systèmes assurantiels ou de retraites privilégiés et leurs gains en nature ; des privilèges de la Banque de France à la prodigalité de palais et de personnels dévolus aux responsables nationaux et régionaux ; sans oublier les invitations, pistons, passe-droits, coupe-files auxquels chacun, jusqu’à nos plus brillants intellectuels, est si sensible, les archaïsmes ont la vie dure. (…) Ceux qui ont failli s’en sortent toujours. Parfois avec les honneurs, toujours avec de solides indemnités financières. La caissière de supermarché qui s’est trompée dans ses comptes ou l’ouvrier mis à pied parce qu’il est arrivé en retard n’ont pas cette chance. (…) A la classe politique, nous disons que le temps est venu d’en finir avec le cumul des mandats et de renforcer les règles pour éviter les conflits d’intérêts. Aux dirigeants d’entreprise, nous disons que la pratique des parachutes dorés doit être plafonnée, que les rémunérations des dirigeants doivent être encadrées et que les banquiers d’affaires devront être responsabilisés sur leurs biens personnels. Aux hauts fonctionnaires, nous disons que leur promotion doit s’inscrire dans une procédure plus transparente, que leur engagement durable en politique doit s’accompagner de leur démission de la fonction publique, et que les plus hauts fonctionnaires doivent renoncer au principe de l’emploi garanti à vie.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-8
Toute l’évolution de la société moderne met en valeur la performance des femmes. Les études récentes montrent que l’échec scolaire en France est à 90% un sujet masculin. Et le phénomène est très net dans les populations d’origine immigrée, ce qui confirme ce que les sociologues savent bien : l’acculturation se fait par les femmes. (…) Il est tristement ironique de constater le médiocre taux de représentativité des femmes au sein du Parlement comme de la direction des entreprises françaises ; ou de vérifier qu’un secteur se féminise d’autant plus vite qu’il est en perte de vitesse ou d’influence symbolique et économique. (…) Nous préconisons donc une palette de mesures. (…) Un seuil minimal de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, comme dans les pays nordiques ; un bonus/malus sur l’impôt sur les sociétés en fonction du nombre de femmes parmi les cadres dirigeants d’une entreprise… (…) Quant à la féminisation du parlement, il faut passer à la vitesse supérieure. La loi sur la parité n’a pas conduit aux avancées espérées, à aucun échelon local ni national. Les femmes ne représentant par exemple que… 12% des députés. Comme indiqué plus haut, nous proposons de quadrupler les pénalités infligées en cas de manquement à la règle de parité, et de plafonner le versement des indemnités prévues aux partis dont la représentation effective serait trop déséquilibrée entre hommes et femmes.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-9
De même, la gauche moderne est décentralisatrice, mais une décentralisation qui s’accompagne d’une simplification des échelons de collectivités, d’un frein aux dépenses publiques locales et d’une fiscalité cohérente des territoires.
Manifeste pour une gauche moderne, Tribune des Gracques dans Le Monde le 14 septembre 2007
L’idéal ? Ce serait à la fois de supprimer les départements, en rattachant leurs attributions à la Région, et de réunir les communes pour l’exercice de l’essentiel de leurs missions. (…) Les compétences doivent être clarifiées pour que les citoyens sachent qui est responsable de quoi : une même compétence ne doit être exercée que par une catégorie de collectivité et une seule. Les lois Defferre de 1982 l’avaient fait de manière assez limpide pour l’éducation : aux communes l’enseignement primaire et maternel, aux départements les collèges, aux régions les lycées, à l’Etat l’enseignement supérieur. Depuis vingt ans, l’Etat a introduit de la confusion dans cette répartition en demandant aux régions de financer les universités, comme il a demandé aux régions, départements et intercommunalités de financer les lignes ferroviaires à grande vitesse. Il faut revenir à des règles simples : aux régions et aux intercommunalités tout ce qui concerne le développement économique et l’aménagement du territoire (y compris les transports, l’emploi, l’urbanisme et le logement) ; aux départements la solidarité et les infrastructures, aux communes les services de proximité.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-10
Mieux vaut prévenir (et maigrir) que guérir. Le complément naturel du bouclier sanitaire est la prévention. On parle ici d’abord de l’intérêt des populations : […] dans des systèmes de santé où les affections de longue durée représentent l’essentiel des dépenses, la prévention peut diminuer de façon considérable les victimes du diabète comme celles du tabac et de l’alcool. Ce n’est donc pas seulement pour des raisons économiques qu’il faut faire de la prévention, notamment contre l’obésité. C’est parce que la prévention réduit les inégalités sociales devant la maladie, comme le montre le succès du dépistage organisé du cancer du sein. Elle doit se développer là où sont les gens, notamment au travail, pour faire face à la croissance des pathologies professionnelles et l’allongement nécessaire de la durée de vie active. La politique de prévention doit être conçue et conduite avec pertinence et sélectivité, en privilégiant les démarches à succès établies par l’évaluation de pratiques étrangères ou les expérimentations françaises. Elle doit adapter les messages et les modalités aux caractéristiques particulières des populations dont on cherche à influencer les comportements en se rappelant qu’à l’ère d’internet, des réseaux sociaux et des sites médicaux, les messages venus du sommet ne suffisent plus à emporter la conviction du grand public. Elle doit donc s’accompagner d’un professionnalisme dont la campagne pour la vaccination contre la grippe aviaire – dite H1N1 – fut le contre-exemple parfait avec au total, une désorganisation générale et un surcoût pour les finances publiques. La prévention commence dès le plus jeune âge, y compris pour lutter contre certaines maladies graves, notamment les maladies cardiovasculaires ou les cancers. Elle doit prémunir les enfants et adolescents contre les fléaux tels que les addictions et aussi l’obésité, l’un des candidats au titre de « mal du siècle ».
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-11
Les sociaux-démocrates n’ont donc maintenant qu’une seule issue : appeler à l’alliance avec François Bayrou. Pour voter utile parce qu’une coalition avec la gauche pourrait engager un projet de modernisation négociée du pays, nous mettre sur la voie d’une économie sociale de marché modernisée. François Bayrou vient de la droite ? Peut-être… François Mitterrand aussi. Mais il a osé rompre avec ses amis. Rompons avec nos préjugés ! (…) Ni les centristes ni les socialistes ne pourront gouverner seuls ; et du reste, le pays ne veut plus d’une conception clanique du pouvoir. Le prochain gouvernement devra être non plus une cohabitation – cette union forcée des contraires – mais une coalition : une alliance voulue entre partenaires. François Mitterrand avait compris jadis que la majorité se gagnerait avec les communistes ou ne se gagnerait pas. C’est la même situation aujourd’hui entre centristes et socialistes. S’allier avec Bayrou, pour voter en faveur d’une coalition de la gauche, des écologistes et du centre, (…) pour déplacer les lignes du clivage gauche-droite, (…) pour dire non au populisme et à la démagogie. (…) S’allier à François Bayrou, enfin, pour dire oui à l’Europe et installer un gouvernement français ouvert sur le monde, au moment où l’Union du traité de Rome est en crise et où la mondialisation précipite la nécessité de notre adaptation.
« Merci, François ! », Tribune des Gracques dans Le Point le 22 mars 2007
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J-12
Il y a la question des savoirs fondamentaux. Arrêtons la prolifération des matières et des options ; nos programmes doivent correspondre aux besoins d’acquisition de compétences fondamentales pour le plus grand nombre, et non à l’idéal que se font les enseignants du bagage pluridisciplinaire que devraient atteindre les meilleurs élèves des classes prépa. L’école est là pour permettre à une génération entière d’acquérir les compétences fondamentales de la vie en société, c’est-à-dire de la vie tout court. Les compétences qu’il faut pour qu’un peuple ne soit pas analphabète. Et ces compétences évoluent. Il y a celles qui sont les mêmes qu’au temps de la Troisième République : lire, écrire, compter. Et puis, il y les nouvelles, qui sont devenues également essentielles : parler couramment l’anglais et savoir se servir d’un ordinateur. La maîtrise de ces savoirs fondamentaux est le seul critère de réussite d’une éducation de masse.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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J-13
La France, par sa position centrale en Europe, la qualité de ses équipements collectifs, sa culture, sa qualité de vie, la qualité de son système de soins, est un pôle d’attraction naturel des élites qui peuvent accepter d’y être un peu plus taxées qu’ailleurs. Encore faut-il que le système fiscal, un peu plus coûteux qu’ailleurs, y soit juste, simple, lisible, et surtout prévisible. Car ce qui fait fuir les meilleurs n’est pas seulement le niveau de la fiscalité ; c’est aussi la complexité du système, qui valorise trop les montages sophistiqués et les arguties juridico-financières, et le fait qu’il soit en permanence amendé, interdisant tout projet personnel. (…) Un bon système d’imposition des revenus et des patrimoines élevés est donc d’abord un système simple et stable, qui leur applique cette seule forme de justice que leur doit la société, qui est la neutralité fiscale. Une fiscalité neutre, c’est une fiscalité qui ne fait pas la différence entre les formes de revenus. Il n’y a pas de bons et de mauvais riches, il n’y a que des richesses légales et illégales. Les illégales sont du ressort de la justice et non de Bercy, et les autres doivent contribuer à proportion de leurs moyens, et de façon progressive, aux charges publiques.
Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)
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Jamais les enjeux n’ont été aussi grands dans une élection depuis des décennies. Le choix des Gracques est clair. Parce qu’il porte nos priorités et notre foi en l’avenir du pays, parce qu’il tient les seuls meetings où flottent côte à côte les drapeaux français et européen, parce qu’il s’est engagé à honorer le crédit de la France, Emmanuel Macron a notre soutien.
Extrait de la tribune des Gracques publiée dans Le Point du 16 mars 2017
Photo publiée dans M le magazine du Monde Le magazine du Monde le 4 mars 2017
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