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«Nous voulons créer le premier parti paneuropéen»

Article original publié dans Libération >> «Nous voulons créer le premier parti paneuropéen»

Petit regroupement citoyen qui développe des branches dans plusieurs pays de l’UE, le mouvement Volt se lance le 17 février en France.

Volt. Etonnant nom pour un parti politique. «Nous voulons redynamiser l’Europe c’est pour cela que nous avons choisi comme nom l’unité de la tension électrique, explique Andrea Venzon, 26 ans, fondateur et président de ce jeune mouvement citoyen très peu connu en France. C’est aussi un mot qui est le même dans plusieurs langues de l’UE.» Lancé en mars 2017, alors que l’article 50 du traité de Lisbonne est invoqué par la première ministre britannique Theresa May pour enclencher la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le mouvement a de grandes ambitions.

«Nous voulons devenir le premier parti politique paneuropéen, détaille Andrea Venzon. Avoir des représentants aux échelles locale comme nationale dans plusieurs pays de l’Union.» Volt, qui n’est pas encore officiellement un parti, regroupe pour l’instant à peine 1 400 soutiens dans l’UE, avec des groupes actifs en Italie, Allemagne, Roumanie, Espagne, Pologne, Grèce. Il se lance samedi en France.

Des idéaux «progressistes»

Les militants ont commencé l’entraînement des candidats choisis pour les élections européennes de 2019, bien que les différentes stratégies nationales ne sont pas encore finalisées. «Nous ne fermons pas la porte aux politiques professionnels pour intégrer nos listes, mais nous regroupons, pour l’instant, surtout des candidats citoyens», ajoute Andrea Venzon.

Volt puise surtout dans le vivier de jeunes pro-Européens qui désirent s’opposer aux attaques europhobes de certains partis populistes et de gouvernements, dont la voix se fait de plus en plus forte. Environ 70% des membres du mouvement n’auraient jamais fait partie d’un parti politique auparavant.

«Nous ne sommes ni de droite ni de gauche», décrit le fondateur du mouvement qui se définit comme «progressiste». Un manifeste publié sur leur site décrit leur ligne politique sur trois axes: «maximiser la prospérité […] d’une manière durable», «éliminer les préjugés et les inégalités», qui ont donné la place aux mouvements d’extrême droite, pour faire avancer leurs idées, décrit le texte, et renforcer «l’intégration européenne […] dans un futur proche». 

«Nous voulons réussir à former le premier groupe indépendant au Parlement européen. Nous espérons obtenir des membres élus dans 7 pays, poursuit l’ancien consultant en stratégie, qui rêve d’une organisation fédérale de l’Europe proche du modèle américain. Mais c’est difficile.» Volt, pour l’instant composé de bénévoles, peine à se faire connaître au milieu des partis traditionnels nationaux. 2018 va être une année cruciale alors qu’ils préparent le lancement officiel de leur campagne électorale à l’automne prochain.

Cependant, le 7 février, le Parlement européen a voté, à une large majorité, contre la création de listes transnationales pour les élections européennes, une proposition chère à Emmanuel Macron. Les membres de Volt n’ont, malgré cela, pas l’intention d’abandonner leur projet. «Nous allons présenter des candidatures dans les différents pays où nous sommes présents via des partis nationaux, comme Volt France ou Volt Italie, qui seront coordonnés par l’organisation-cadre Volt Europa», déclare Andrea Venzon. Pour l’instant, le jeune mouvement reste largement inconnu en France. Les équipes de Volt comptent sur l’événement organisé dans le XIIe arrondissement parisien, samedi, pour commencer à se faire connaître dans l’Hexagone.

Leur utopie d’un parti représenté dans tous les pays de l’UE n’est pas nouvelle. Yánis Varoufákis, l’ex-ministre de l’Economie grec, a lancé son propre mouvement européen en février 2016: DiEM25. Avec ses 65 000 membres revendiqués, il lorgne aussi les élections européennes de 2019 pour s’inscrire dans le paysage politique de l’UE.

Article publié dans Libération par Aude Massiot

Volt : le mouvement de jeunes qui veut électriser l’Europe

Article publié le 9 avril 2018 sur Café Babel

C’est le mouvement pro-européen le plus jeune du continent. Une année seulement après sa création, il compte déjà plus de 3 000 adhérents, avec une moyenne d’âge de 30 ans. L’ambition : se porter candidat aux élections du Parlement européen de 2019. Et gagner. Alors, Volt va-t-il électriser l’UE ? C’est ce qu’on est allé voir à Milan, avec un des ses fondateurs, Andrea Venzon.

« Chaque fois qu’il y a un grand défi à relever, l’Europe se divise et se prend une déculottée. » Andrea Venzon, le co-fondateur du mouvement politique progressiste européen Volt (anciennement Vox Europe) ne mâche pas ses mots pour décrire l’impasse qui caractérise la politique du Vieux Continent depuis des années. « Cela a été le cas pour la crise des réfugiés et il en sera de même pour les prochains défis qui attendent l’Union européenne dans un avenir proche. C’est comme si, pour rester unis, nous avions toujours besoin d’un « ennemi » commun. Lorsqu’il n’y en a pas ou qu’il est difficile à identifier, ce sont l’égoïsme et les intérêts nationaux qui l’emportent ». C’est donc avec Volt qu’un groupe de jeunes passionnés a pour objectif de donner une véritable décharge à l’Europe.

L’électrochoc du Brexit

Assis à la table d’un bistrot par une belle journée printanière, Andrea Venzon nous raconte cordialement et sans faux-semblant comment un mouvement politique à l’ambition continentale voit le jour et s’organise aujourd’hui. Autour des tables voisines, nous voyons défiler des hommes d’affaires, des touristes et des employés  de l’avenue Corso di Porta Nuova à Milan. S’ils se déplacent tous avec la même hâte, ils s’arrêtent néanmoins le temps d’un instant. Sans se retourner, ils suspendent soudainement la conversation avec leurs voisins de table pour tenter de saisir le raisonnement du jeune leader, qui est en train de donner une interview. Le prélude à une répétition générale d’un futur meeting en direct sur Facebook ?

À 26 ans, l’Italien Andrea Venzon a décidé de s’engager en politique alors qu’il menait déjà une carrière dans le privé. Une décision loin d’être banale à une époque où les jeunes souhaitent au contraire s’éloigner de la politique. Au lendemain du référendum sur le Brexit, Andrea Venzon caresse alors le rêve de fonder un mouvement politique paneuropéen, en réaction à la passivité des élites politiques face au résultat de la consultation britannique. Comme souvent, c’est à l’issue de discussions et débats avec des amis et des collègues que Volt a vu le jour. En plus de notre homme, l’équipe fondatrice se compose d’une Française, Colombe Cahen-Salvador, et d’un Allemand, Damian Boeselager. Volt a été officiellement fondé le 29 mars 2017, date qui coïncide à l’envoi formel de la lettre de notification de l’article 50 du traité de Lisbonne par la première ministre Theresa May. Le courrier qui a marqué le point de non-retour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Nous voulons redonner une âme à l’Europe, souligne Andrea Venzon. En commençant par l’attribution du plein pouvoir législatif au Parlement européen pour aller au-delà du chantage continu des gouvernements nationaux ».

Le fondateur milanais parle avec beaucoup de calme, sans prendre de grands airs : « Après tout, nous sommes au début du projet ». Le jeune homme est habillé pour le job, vêtu d’un pantalon et d’un pull à encolure ras-de-cou, mais avec cette absence de formalité plus typique des startups que des cabinets ministériels. Il veut rester un jeune parmi les jeunes. Un an après sa création, Volt (dont le « Manifeste » peut être consulté sur le site Internet) compte déjà 3000 adhérents. Essentiellement des jeunes européens bénévoles ou de simples sympathisants organisés en 55 équipes (européennes, nationales et locales) elles-mêmes située dans 25 pays. Ce résultat, Volt le doit à un grand travail d’organisation mais aussi à certaines règles établies en échange d’une plus grande autonomie au niveau local. En effet, l’« autorisation » du fondateur ou des dirigeants n’est pas nécessaire pour l’organisation d’événements ou de meetings dans sa propre ville. En revanche, chaque discussion interne sur des sujets et thématiques d’intérêt collectif ne doit pas durer plus de 48 heures avant qu’une décision ne soit prise via un vote en ligne, ou bien reportée à un meilleur moment pour le débat.

Entre La République En Marche! et Podemos

La formule du mouvement permet une efficacité optimale, en échange de la possibilité d’expérimenter de nouveaux formats d’implication. Habitués au travail à distance, les bénévoles et adhérents de Volt sont prêts à faire émerger de nouvelles propositions depuis la base via l’utilisation de plateformes numériques. Ils ont notamment eu recours à la plate-forme Slack, et utilisent à présent le site Workplace de Facebook. Cette plateforme est née à l’intérieur du réseau social pour faciliter l’échange d’informations et le travail de manière collaborative au sein des entreprises et des organisations. Bien qu’ils se trouvent dans des pays et à des fuseaux horaires différents, la discussion et le débat entre les membres sont facilités (Volt, aujourd’hui enregistrée sous le statut d’ONG, peut utiliser la version Premium du site Workplace et conserver ainsi la pleine propriété des données). Andrea Venzon, quant à lui, peut être défini comme un leader « aimable », intellectuel, mais également capable de s’exprimer avec des termes et concepts simples, compréhensibles par tous. Par sa fonction, il cherche à réunir des idées aussi différentes au niveau culturel qui peuvent représenter le plus de personnes possibles.

La voie politique que Volt est en train d’emprunter est loin d’être nouvelle. En Italie, on compare déjà son approche décentralisée à celle du Mouvement 5 étoiles, de Podemos ou aux expériences antérieures de démocratie directe comme celle du Parti Pirate. Pour ce qui est de son désir de moderniser la politique, son esprit européen, et pour son approche libérale de l’économie, on peut aussi facilement renvoyer Volt à En Marche!, la formation qui a porté Emmanuel Macron à la présidence. À la différence que Volt mise tout sur des idées provenant de plusieurs pays, et se caractérise par une position bien précise dans le monde partagé des « progressistes » européens. « Un terme qui n’est pas à la mode en ce moment, ajoute Andrea Venzon avec une pointe d’ironie. Mais qui est le seul dont le sens doit être gardé intact de Lisbonne à Varsovie ».

Dans la vidéo de présentation de la campagne de financement participatif, on voit surtout figurer des européens blancs et bien habillés. Lorsque nous parlons avec Andrea Venzon de l’engagement des minorités à l’intérieur du mouvement, il explique qu’« il y a encore beaucoup à faire pour réussir à les faire participer. Cette distinction dans la vidéo n’est absolument pas voulue. C’est tout simplement qu’à cette première étape, nous n’avons pas encore réussi à impliquer de manière significative les deuxièmes générations de migrants ou les ethnies minoritaires dans les pays européens, par exemple, mais c’est dans la liste des priorités ! ».

« Les jeunes peuvent puiser ce qu’il y a de mieux dans chacun des pays européens »

À court terme, Volt a pour objectif de se porter candidat aux prochaines élections du Parlement européen et de faire élire pas moins de 25 députés dans 7 pays membres. Le mouvement entend également participer aux élections nationales et locales dans le futur. « Nous ne voulons pas être un mouvement d’élites, déconnecté du terrain », déclare Andrea Venzon. Le jeune fondateur renvoie à l’histoire récente et affirme qu’il a appris des erreurs de ceux qui, comme le Parti pirate européen en 2014, avaient déjà essayé de poser directement leur candidature à Bruxelles sans s’être solidement implanté au préalable au niveau local.

Au delà du clivage droite gauche, Volt jure qu’il porte des valeurs fondamentales qui se démarquent des dérives populistes et souverainistes. Entre toutes : l’attention à l’égard des minorités et des classes les plus faibles, un renforcement du bien-être d’une façon moderne, la répartition des richesses des zones plus riches aux zones plus pauvres du continent… Le tout au bénéfice de la modernisationdu numérique et de la productivité. « Nous nous distinguons de la droite parce que nous sommes tolérants envers la diversité des personnes, et de la gauche car nous voulons rendre l’État plus efficace et soutenir l’innovation et la croissance économique », explique le fondateur.

Les premiers mois de Volt ont été marqués par un travail de recherche sur les différents aspects de la société actuelle. De la technologie à l’environnement, de la politique à la culture, l’objectif était d’identifier les solutions possibles aux problèmes récurrents et transversaux à la société européenne dans son ensemble. Solutions qu’il est possible d’appliquer au niveau local comme au niveau national. Andrea Venzon y a mis la passion et un soupçon d’inconscience, sans vouloir s’en attirer tout le mérite. « J’ai mis mon travail au service de l’équipe », dit-il. Un travail qui pourrait porter ses premiers fruits si Volt parvenait à récolter suffisamment de voix pour faire avancer la politique européenne vers une plus grande intégration et une plus forte solidarité entre les États membres de l’UE.

« Notre progressisme se base sur le pouvoir transférer les bonnes pratiques d’un pays à l’autre, en adaptant au contexte local ce qui a déjà fait ses preuves ailleurs » ajoute Andrea Venzon, alors que la pause déjeuner se termine et que les voisins de table qui ont discrètement suivi notre conversation commencent à se lever. « Nous pourrions par exemple reproduire le smart state de l’Estonie dans les autres pays européens, en accompagnant la numérisation des secteurs internes de l’économie et de l’administration publique d’un ambitieux programme de formations au numérique pour les jeunes, les personnes âgées, les classes sociales les plus défavorisées ». La transmission des compétences et des bonnes pratiques suffira-t-elle à donner un coup de boost à l’Europe ? Pour savoir, restez branchés.

Article original publié ici >> http://www.cafebabel.fr/politique/article/volt-le-mouvement-de-jeunes-qui-veut-electriser-leurope.html

Nouvelles propositions de Peter Hartz pour l’emploi !

Quelques « innovations Hartz » pour l’emploi et contre le chômage des jeunes

Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen, est l’inspirateur des réformes Schröder en Allemagne et des quatre « lois Hartz » sur le marché du travail. Il a depuis continué à réfléchir avec quelques membres de sa commission et est venu le 29 mai dernier présenter à Paris ses propositions contre le chômage des jeunes en Europe. Il s’agirait de lancer un programme « Europatriates » en six points :

Œ1. diagnostic individuel des talents (Talentdiagnostik

2. « radar de l’emploi » régional s’appuyant sur les données fines des besoins locaux d’activité non satisfaits

3. un vrai « social franchising » : un réseau de compétences en accompagnement des entreprises nouvelles, « qui ne doivent pas être laissées seules »

4. recours prioritaire aux flexibilités internes à l’entreprise (accords compétitivité-emploi, Kurzarbeit/chômage technique)

Les propositions les plus originales consistent en deux outils incitatifs à l’embauche de chômeurs, et au développement de la formation en entreprise, voie d’insertion professionnelle éprouvée pour les jeunes allemands :

1. Le « bon de formation échangeable » matérialisant un droit à la formation pour un jeune sans emploi, sous forme d’instrument financier librement cessible

2. Le « paquetage financier » [ou « job floater »], liant l’embauche d’un chômeur à l’accès privilégié à des ressources en capital et en crédit pour l’entreprise

Le bon de formation échangeable

Il s’agit ici d’encourager le développement de la formation professionnelle des jeunes, au travers d’un nouvel instrument financier matérialisant un droit à la formation.

Ces titres seraient émis par un fonds spécifique, garanti par l’Etat. Ce fonds serait alimenté par des crédits publics (Etats, collectivités locales, enveloppes de la formation professionnelle) comme des crédits privés (entreprises européennes ayant des besoins d’embauche). Les financeurs s’assureraient de la qualité des formations professionnelles dispensées – modèle du « Dual system » allemand ou des filières d’apprentissage et d’alternance en France – ; la concurrence sur le marché de la formation ferait le reste de la pression vers l’efficacité. Ils présenteraient les caractéristiques d’un instrument obligataire librement cessible sur le marché et assorti d’un coupon. Leur originalité résiderait dans la possibilité pour un jeune de les remettre à une entreprise en échange d’une formation professionnelle. L’entreprise se ferait rembourser la valeur des titres auprès du fonds émetteur pour financer la formation.

Ces bons pourraient être souscrits à titre individuel par l’environnement familial comme instrument d’épargne et de transmission, ou en partie alloués dans le cadre de politiques ciblées.

L’incitation pour l’entreprise serait à la fois de nature financière par le différentiel de valeur entre le bon échangeable et le coût de la formation, et de nature économique par les bénéfices de l’embauche ultérieure d’un jeune formé dans son environnement propre.

On peut noter qu’un bon échangeable de même inspiration (Wertpapier) a été développé par Volkswagen pour le financement des préretraites ; dans ce cas les salariés en poste pouvaient souscrire à des bons de préretraite échangeable au moment de leur départ effectif.

Le paquetage embauche-financement

Ce dispositif consisterait à doter chaque chômeur à titre individuel d’un volume de financement en capital et en crédit destiné à l’entreprise qui l’embauchera.

Le demandeur d’emploi se présenterait ainsi à l’entreprise non seulement avec ses compétences et sa capacité de travail, mais il apporterait aussi avec lui dans son « paquetage »  une contribution à la consolidation financière du bilan de son futur employeur. Ce dispositif est à la fois valorisant à titre individuel, incitatif pour l’entreprise et économiquement efficace dans l’allocation des ressources complémentaires pour le développement de l’activité.

L’effet incitatif serait particulièrement pertinent pour les PME dont la croissance peut être contrainte par l’accès au capital et au crédit.

Un ordre de grandeur de 50k€ en quasi-capital, plus 50k€ en crédit pourrait être considéré pour chaque nouvel embauché.

Le capital pourrait prendre la forme d’une dette subordonnée souscrite par un établissement public –de type BPI-, tandis que le crédit pourrait être octroyé par une banque commerciale.

En tout premier ordre de grandeur, le volume maximum de quasi-capital à mobiliser serait de 250Md€, et le volume de crédit identique pour doter 5 millions de demandeurs d’emploi, le phasage du déblocage effectif des fonds dépendant du rythme des embauches.

Ces instruments pourraient être mis en place au niveau national. Un objectif plus ambitieux serait de les développer au niveau européen, ou au moins dans le cadre de la collaboration de plusieurs pays participants. En s’assurant de la compatibilité des dispositifs nationaux, on s’attacherait notamment à tirer parti de l’expérience allemande en matière de formation professionnelle, et à faciliter la mobilité des demandeurs d’emploi vers les entreprises les plus demandeuses.

La circulaire de la honte

Le 31 mai 2011, une circulaire, alors passée inaperçue, a restreint les possibilités pour de jeunes diplômés étrangers, ayant effectué leurs études en France, de commencer leur carrière professionnelle dans notre pays.

Au cours des derniers mois, des centaines d’étudiants de toutes origines ont ainsi vu leurs demandes de changement de statut, permettant de passer d’un visa étudiant à un visa salarié, être refusées par les préfectures. Parmi eux, on retrouve de nombreux étudiants issus des plus prestigieuses institutions françaises : Polytechnique, Centrale, HEC, l’ESSEC, Sciences po, Dauphine etc. Ces jeunes diplômés, qui bénéficiaient souvent d’offres d’embauche de la part d’entreprises basées en France, sont aujourd’hui menacés d’expulsion.

Certains ont déjà dû quitter le territoire pour rentrer dans leur pays natal. D’autres ont accepté des offres d’emploi dans des pays tiers, y compris chez nos plus proches voisins européens, qui accueillent bras ouverts cette élite hautement qualifiée qu’ils n’ont pas eu à former.

La circulaire du 31 mai est une ineptie économique.

Ce texte chasse hors de France des jeunes femmes et hommes talentueux, polyglottes pour la plupart et qui pourraient permettre à nos entreprises de s’ouvrir à de nouveaux marchés. Ce sont désormais d’autres pays qui bénéficieront de leur créativité et de leur expertise. Dans une société française vieillissante, le retour de la croissance ne sera pourtant possible que par l’apport d’une immigration jeune, qualifiée et dynamique. C’est elle qui permet la circulation des idées et des capitaux. A titre d’exemple, le succès de la Silicon Valley repose en grande partie sur de jeunes chercheurs de toutes origines, ayant fait leurs doctorats à Berkeley ou Stanford, et auxquels la possibilité est donnée de commencer leur carrière aux Etats-Unis.

D’autre part, de nombreux étudiants étrangers ont bénéficié de bourses pour financer leurs études en France. Ils ont ainsi pu étudier dans d’excellentes conditions. Alors qu’ils souhaiteraient aujourd’hui rendre à la France ce qu’elle leur a donné en travaillant dans notre pays et en y payant leurs impôts, le gouvernement le leur interdit.

Le désir de la France de se fermer en cette période de crise, nourri par des considérations démagogiques et politiciennes, est donc extrêmement dangereux. La circulaire du 31 mai s’inscrit dans une politique qui affaiblit dangereusement le tissu économique français, privé d’une partie de ses talents.

La circulaire du 31 mai est aussi condamnable sur le plan moral.

Cette circulaire est une trahison à l’égard de celles et ceux qui avaient choisi de venir étudier en France, d’apprendre notre langue et de se familiariser avec notre culture. Elle brise leur espoir de pouvoir y travailler un jour.

Certains étudiants avaient également souscrit des emprunts pour financer leurs études. La perspective d’être expulsés et l’impossibilité pour eux d’accepter des offres d’emploi en France les placent donc dans une situation de détresse financière et morale.

La circulaire du 31 mai a durablement entaché l’image de la France à l’étranger.

A l’heure où les pays mènent une lutte sans merci pour attirer les meilleurs étudiants, la circulaire du 31 mai a fait grand bruit dans le monde.

Lorsqu’ils doivent décider dans quel pays poursuivre leur parcours, ce texte fait l’effet d’un repoussoir pour les étudiants étrangers. Tous les universitaires et directeurs de grandes écoles présents sur les forums internationaux l’affirment : les étudiants et professeurs étrangers ne cessent de leur parler de la circulaire Guéant et de s’en inquiéter. Tous les efforts faits par la France depuis dix ans pour attirer des élites du monde entier sont en passe d’être réduits à néant. The Australian, grand quotidien de Sydney, résume d’une phrase lapidaire ce que pensent les autres pays de la circulaire du 31 mai : « L’approche française est plus qu’une leçon sur ce qu’il ne faut pas faire ».

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Devant les contestations, Claude Guéant s’est engagé le 23 décembre à ce que la circulaire soit modifiée en 2012. Il a en revanche refusé tout retrait du texte.

Le 4 janvier, le gouvernement a proposé une circulaire complémentaire sur les étudiants étrangers qui n’apporte aucune solution concrète. Le texte se limite à des modifications de forme qui ne résoudront pas les dégâts causés par la circulaire du 31 mai.

Le 6 janvier, la Conférence des présidents d’université (CPU), la Conférence des grandes écoles (CGE), la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) et le Collectif du 31 mai, qui représente les étudiants victimes de cette circulaire, ont donc travaillé ensemble à l’élaboration d’un nouveau texte qui a été transmis au gouvernement.

Les Gracques appellent donc le gouvernement français à retirer dans les plus brefs délais la circulaire du 31 mai et à adopter le nouveau texte qui lui a été soumis. Par ailleurs, les Gracques demandent à ce que les dossiers en attente de plus de 900 jeunes diplômés menacés d’expulsion soient régularisés d’ici la fin du mois de janvier 2012.

Universités : Les raisins de la colère

Au début de l’été, la loi « relative aux libertés et aux responsabilités de l’Université » avait été adoptée sans controverse majeure. Nous avions regretté le caractère limité de la réforme mais, sous bénéfice d’inventaire, avions fait crédit au gouvernement de sa volonté de procéder avec méthode pour éviter de mettre les étudiants dans la rue. Conçue en cinq étapes complémentaires, la réforme devait régler, dans des textes ultérieurs, les questions les plus sensibles de l’échec en premier cycle, de la sélection et des carrières des enseignants chercheurs.

Pour gage de sa bonne foi, le gouvernement s’était engagé, vis-à-vis des syndicats étudiants et de la conférence des présidents d’université, à augmenter d’un milliard d’euros par an pendant cinq ans le financement des universités pour remédier aux besoins les plus criants dans le domaine immobilier, en matière de bibliothèques universitaires et de logement étudiant.
D’où vient que, quatre mois après, la contestation de cette loi semble se développer? D’abord, ramenons les faits à leur juste proportion : les actions de blocage de certaines universités sont d’abord le fait de quelques organisations d’extrême-gauche, qui ont vu là un moyen de contestation politique contre le gouvernement. Le mot d’ordre qui leur sert d’étendard : « contre l’autonomie des universités » les renvoie, dans ce qui n’est qu’un paradoxe apparent, à une thématique proche de celle de Nicolas Sarkozy : en finir avec l’héritage de mai 1968… Et leur volonté d’amalgamer les difficultés étudiantes avec le reste de la contestation sociale montre bien qu’une fois de plus, ils veulent instrumentaliser les étudiants au service des conservatismes qui bloquent l’ascenseur social et entretiennent  le chômage des jeunes

Mais si ces actions peuvent trouver de l’écho, c’est parce que les engagements budgétaires, nécessaires pour remédier rapidement aux conditions d’études difficiles que vivent les étudiants au quotidien, ont dès l’automne été oubliés. A peine 300 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, même si quelques dizaines de millions ont été rajoutés, in extremis, pour le logement étudiant. Du même coup, les syndicats étudiants et les universitaires qui s’étaient engagés dans la discussion des autres volets de la réforme se trouvent pris à contre-pied.

L’autonomie n’est pas un désengagement de la collectivité, mais permet bien au contraire de gérer plus efficacement, avec plus de souplesse et de réactivité les moyens accrus mis en oeuvre par la collectivité. Mais cela ne peut se faire sans tenir avec une extrême rigueur les engagements budgétaires. Le président de la République et le gouvernement porteront durablement le boulet de l’erreur magistrale qui a consisté, en début de législature, à dilapider toutes les marges de manœuvre. Entre  les concessions de court terme, alternativement à ses clients et ses opposants, et les investissements vitaux pour l’avenir du pays, le pouvoir saura-t-il faire le bon choix ?