PICC, l’acronyme du grand basculement
Le « basculement du monde » décrit par le président de la République a son acronyme. Après les Gafa et autres BRICS, bienvenue dans le monde des PICC ! Quatre lettres pour quatre chocs globaux qui remettent en cause nos fondements démocratiques. Si nous avons déjà rencontré chacun d’eux dans le passé, leur combinaison constitue un défi sans équivalent. Voici donc les quatre piliers du PICC.
P comme pandémie
P comme pandémie. Les grippes asiatiques et espagnoles avaient endeuillé le XXe siècle… Si la découverte rapide d’un vaccin a été un succès scientifique, le Covid a bouleversé, depuis, notre rapport au travail – surtout pour les jeunes. Il a montré à quel point nous sommes vulnérables aux virus, dépendants d’autres régions du monde et a créé de nouvelles attentes difficiles à satisfaire par l’Etat providence.
I comme inflation
I comme inflation. Nous en avions oublié l’existence. Après des décennies de stabilité puis la drogue des intérêts négatifs, l’inversion est brutale. Les banques centrales ont beau augmenter les taux au risque d’une récession économique, l’inflation redevient un facteur majeur dans le comportement des ménages et des entreprises avec des conséquences économiques redoutables.
C comme conflit
C comme conflit. La brutalité de nations s’attaquant à leurs voisins est la trame de l’histoire européenne. Mais le cyber et les médias changent l’équation à l’ère nucléaire. Les démocraties savent que leur éventuelle faiblesse sera exploitée par les démocratures. Inversement, elles mesurent l’asymétrie entre des sanctions qui peinent à ralentir l’agresseur et des opinions publiques divisées, séduites par la vague populiste.
C comme climat
C comme climat. La vague de chaleur sur l’Europe – des températures prévues pour 2050 arrivées dans des villes nordiques non préparées – confirme que la lutte contre le changement climatique est une priorité absolue. Or les principaux responsables – la Chine, les Etats-Unis et l’Inde – ne s’engagent pas assez. Les sommes gigantesques englouties dans la pandémie manquent aujourd’hui cruellement pour financer la transition au rythme nécessaire.
Les rapports de force se sont modifiés
Les PICC menacent un monde de plus en plus fracturé entre démocraties libérales et régimes autoritaires. Ce n’est plus la guerre froide du siècle précédent, c’est un changement de rapports de force qui conteste la domination de l’Occident et teste sa résistance. Au moment où le monde aurait le plus besoin de coopération, puisque le changement climatique et les virus ignorent les frontières, le clivage dogmatique l’emporte : partout les démagogues promettent de rendre leur grandeur à leur pays non pas avec, mais contre les autres, et polarisent leur opinion publique.
L’Europe apparaît particulièrement fragile dans ce contexte. L’excédent de notre balance commerciale représentait 300 milliards de dollars annuellement. Il est tombé à zéro pour la première fois depuis trente ans avec un déficit allemand, un taux record de dette pour l’Italie et la France, la dégradation économique du Royaume-Uni post-Brexit et les craintes des pays voisins de l’Ukraine, comme la Pologne. Les Etats-Unis ne sont focalisés que sur la Chine et engrangent à court terme les bénéfices de la guerre de Poutine. Le blocus de la mer Noire et les obus tombant sur les champs de céréales ukrainiens sont dramatiques pour l’Afrique. Le Printemps arabe, on le sait, a commencé par la faim. Dans le contexte climatique, une nouvelle crise des migrants est probable. Les PICC pourraient ainsi être rejoints par un cinquième choc : le « S » de « social ».
Le monde a besoin d’un nouveau Bretton Woods
Le monde a besoin d’un Bretton Woods pour le XXIe siècle, une conférence qui jetterait les bases d’une collaboration plus inclusive entre nations et institutions internationales, permettant de lutter contre les pandémies, de réduire les émissions de CO2, d’améliorer l’éducation et de décourager les visées expansionnistes. Une telle perspective, soutenue par les syndicats de salariés et les employeurs des sept principaux pays occidentaux, avait été évoquée, il y a trois ans, par Emmanuel Macron avant le G7 de Biarritz. N’est-ce pas le moment d’une telle réinvention, pour répondre aux PICC ?
Bernard Spitz
Article complet à lire dans Les Echos