Hommage des Gracques à notre ami Henri Weber

« Henri était une légende avant de devenir un ami.

Ils étaient une poignée qui ont soulevé dans une révolte rieuse une génération d’étudiants confinés, et qui ont su arrêter le duel au premier sang. Au moins en France où les gouvernants étaient de vieux résistants et les nouveaux résistants des toujours juifs-donc bien sur personne ne devait mourir. Ce qui leur a permis de prendre le temps de gagner pas à pas des libertés, des esprits et des votes.

Henri est donc devenu socialiste, socialiste tendance bienveillant prêt à trouver des traces de la vraie foi dans tout le troupeau épars, des libéraux de gauche aux trotskystes endurcis. Apôtre du compromis, mais bien trop intelligent pour être jamais nommé ministre, trop européen pour être nationaliste et trop populaire pour souffrir les populistes. Son truc à lui, c’était d’aller vers les jeunes, et de les nourrir avec des idées.

La vie ne l’a pas épargné, et pourtant il l’aimait comme personne, comme il aimait Fabienne, sa mariée qui était en rouge, ses enfants, les amis, les voyages, les débats et les fêtes.

Henri a vu tout de suite qu’entre ce virus et lui, ce serait une affaire personnelle. Ce n’était pas tant son dossier médical qui en faisait une victime de choix ; c’est tout ce qu’il était, tout qu’il a fait, tout ce qu’il a aimé, tout ce qu’il a écrit, tout ce pourquoi il s’est battu …dont unsale virus de droite vient nous rappeler la précarité.

Henri est parti, et nous voilà dans un monde que nous ne comprenons plus, ou c’est le gouvernement qui lance la grève générale, et nous retrouvons confinés dans nos tribus respectives, méfiants des autres, apeurés de l’avenir, frontières fermées et l’octroi rétabli à la porte d’Orléans.

« Bien creusé, vieille taupe ! » Mais donne nous courage, car nous t’aimions et tout est à refaire… »

Guillaume Hannezo

E-café #5 / Erik Orsenna

Mardi 28 avril 2020, 8h30 – 9h15

« Cette idée qu’on peut morceler la réalité vivante n’est pas seulement une idée fausse, c’est une idée qui peut être meurtrière. » – Erik Orsenna 

Les Gracques vous invitent à discuter avec Erik Orsenna d’un thème
d’actualité et de prospective : l’Unité de la Vie.
Qu’avons-nous à apprendre du règne animal ? Si l’environnement va mal, comment pouvons-nous aller bien ? Quel monde peut-on souhaiter après la pandémie ?
L’écrivain et académicien nourrira notamment notre réflexion de ses travaux auprès de l’Institut Pasteur.

Pour vous inscrire, merci de remplir ce formulaire. Attention : le lien de connexion vous sera donné dans le message de confirmation s’affichant une fois le formulaire complété.
Veillez à le copier dans un endroit sûr pour l’ouvrir mardi à 8h30.

Rendez-vous ce mardi, n’oubliez pas votre café ! ☕️

COVID-19: premier bilan hospitalier

Un tribune du Professeur Gabriel Steg, co-président du comité de pilotage recherche Covid-19 de l’AP-HP

A trois semaines du début du confinement, il est possible de tirer un premier bilan de l’épidémie et de son impact sur un système de santé qui, malgré ses qualités indéniables, était en difficulté depuis quelques années.

Bien que l’épidémie soit loin d’être terminée, l’hôpital « a tenu », sans être débordé. Il a réussi à se mobiliser et se réorganiser à une vitesse incroyable, triplant, quadruplant, quintuplant parfois les capacités de réanimation, mettant en œuvre en temps réel une réallocation complète des moyens, où des chirurgiens orthopédistes ont accepté de devenir aides-soignants, des spécialistes de se transformer en urgentistes ou infectiologues, des services entiers de changer d’affectation. De nombreux services ont purement et simplement cessé d’exister et ont réalloué leur personnel médical et paramédical aux unités « COVID » créées rapidement. Chaque soir, le bilan faisait apparaitre des réanimations remplies sans lit disponible, et chaque matin, grâce aux équipes de gestion de crise, de nouvelles solutions étaient trouvées pour en créer de nouveaux. Faire face sans céder, c’est aussi gérer les personnels, les volontaires, les locaux, mais surtout les stocks et les approvisionnements en  ventilateurs, pyjamas, médicaments, consommables; prévus pour une activité normale mais pas pour une activité multipliée par 4 ou 5 en deux semaines, avec chaque jour la menace d’une nouvelle pénurie. Cela n’a été possible que grâce à un engagement incroyable de l’ensemble des personnels qui font l’hôpital, une solidarité entre professionnels, l’investissement des équipes administratives, et aussi la solidarité entre régions, permettant l’exploit technique de transférer des centaines de patients de réanimation des régions les plus affectées vers celles moins touchées, libérant par la même de précieux lits. Dans cette crise, plus de temps pour les divisions et les obstacles entre les différents acteurs de l’hôpital. L’urgence a prévalu. Cette solidarité a d’ailleurs fait ressurgir au sein de l’hôpital un climat étrange de « bienveillance mutuelle » où ce qui était compliqué et bureaucratique quelques jours plus tôt devenait subitement plus fluide et simple.

On parle volontiers de l’héroïsme des soignants. On doit se méfier du lyrisme. D’abord, l’héroïsme est celui de tous les acteurs de l’hôpital, celui des vigiles qui accueillent le public, celui des personnels de ménage qui se chargent de la gestion des déchets contagieux, au risque de leur propre contamination, en passant par les secrétaires, les ouvriers, les administratifs et bien sûr les soignants. Et puis, malheureusement, s’il y a eu héroïsme, c’est que tous les acteurs de la chaine de soin n’ont pas toujours eu les équipements de protection qu’ils auraient dû avoir. Le manque de masques, en particulier au début de l’épidémie, et tout particulièrement pour les personnels de santé et du secteur médico-social exerçant en ville restera un défaut majeur dont les causes devront être analysées. La responsabilité d’avoir « désarmé » à tort un système de prévention et lutte contre les épidémies, à, la suite des campagnes de presse dirigées contre R Bachelot à l’issue de la grippe H1N1 devra être éclaircie. Il reste aussi à connaître l’impact probablement douloureux de l’épidémie sur les personnes âgées, qu’elles soient en EHPAD ou non, et celui sur les patients souffrant d’autres maladies graves qui n’ont pu être prises en charge ou ont évité l’hôpital et retardé les soins.

Un second constat est que ceux à qui on demande beaucoup en temps normal ont donné encore plus face à la crise. C’est particulièrement éclatant dans le cas des personnels des urgences, en grande difficulté depuis des années et qui ont démultiplié leur activité dans le contexte de la crise. Il faut bien sûr se méfier des raisonnements simplistes : on ne dimensionne pas des services hospitaliers en fonction du pic d’une épidémie centennale, mais il est clair que la variable d’ajustement qui a permis à l’hôpital public de tenir façe à la vague de malades, c’est, outre la solidarité du privé et des autres régions, l’engagement nuit et jour des professionnels à tous les échelons et dans tous les services. Force est de reconnaître qu’il est peu de domaines de l’activité humaine où on demande tant à des personnels habituellement aussi mal payés, au regard de leurs compétences et de leurs responsabilités. A cet égard, les réformes récentes visant à étendre les compétences des professions paramédicales apparaissent incroyablement timorées, imposant un parcours administratif complexe, et avec une gratification financière qu’il faut bien qualifier de symbolique. Il est temps que, dans leur champ d’action et leur rémunération, les professions de santé et en particulier les paramédicaux, rejoignent leurs pairs d’autres pays et d’autres champs professionnels.

Un troisième champ de réflexion est celui de la recherche : nous ne savons pas encore s’il y aura un ou plusieurs traitements ayant une efficacité sur l’infection à coronavirus et ses conséquences. Malgré le contexte épidémique, il a été possible de mettre sur pied, en quelques semaines voire parfois en quelques jours, des dizaines d’études en France (et des centaines dans le Monde), avec des procédures d’évaluation accélérées, qui ont permis d’obtenir en 48 heures les autorisations habituellement obtenues en 3 mois. Mais on ne peut passer sous silence la défaite mémorable pour la santé publique et la culture scientifique du grand public qu’aura été la présentation sur les réseaux sociaux, puis dans une revue scientifique de complaisance, d’études cliniques qui, malgré une présentation tapageuse, ne permettent pas de conclure à une efficacité ou absence d’efficacité. Ce qui est proprement sidérant, c’est que la préférence donnée au jugement des média, du public et des politiques sur l’évaluation rigoureuse par les pairs et la nécessité d’une réplication expérimentale, a été accompagnée de la théorisation de la supériorité de l’empirisme sur la méthode expérimentale, de critiques contre les essais randomisés, jugés non éthiques, et finalement de la préférence donnée à l’argument d’autorité (l’ «Eminence-based medicine ») par rapport à la médecine fondée sur les preuves (« Evidence-based medicine »). Ce qui est présenté comme le combat du « franc-tireur « contre les « mandarins » est en réalité exactement l’inverse : refuser la méthode expérimentale, la vérification, la réplication c’est revenir dans le passé à l’époque des certitudes mandarinales, où l’autorité et l’intuition du patron valait preuve. A l’inverse, la médecine par les preuves, dérivées des essais cliniques randomisés, c’est la possibilité donnée à chaque chercheur, chaque médecin, quel que soit son rang, son pays, sa spécialité, de tester expérimentalement une hypothèse, de la vérifier ou l’infirmer, de répliquer les résultats, et, via la revue par les pairs, de critiquer ou modérer les conclusions qui en sont tirées ; processus de confrontation des doutes, des opinions, processus de vérification. L’avenir dira si la chloroquine et ses dérivés ont une efficacité, même partielle, contre l’infection à coronavirus et ses conséquences chez l’homme. Ce qui est malheureusement déjà établi, c’est qu’il sera durablement plus difficile de réaliser des essais randomisés en France et dans le Monde et par là même de tester les nouveaux traitements.

Ph Gabriel Steg

Hôpital Bichat, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et  Université de Paris, Paris.

Pour une stratégie de fonds propres

Proposition de plan de relance post COVID pour préserver l’outil de production et sauvegarder l’emploi en France

Le choc économique exogène massif provoqué par la crise du Coronavirus ne ressemble à aucune des crises précédentes : il ne passe ni par l’industrie financière, ni par des effets de cycles industriels. L’effondrement de la demande provoqué par le confinement affecte en premier lieu le secteur des services, et impacte directement un très grand nombre de TPE, PME et ETI, dont il menace la survie. L’enjeu en termes d’emploi est considérable, sans précédent. Sauvegarder les entreprises pour sauvegarder l’emploi: tel est le défi. Il pose un problème particulier à l’action publique, qui n’a pas l’expérience de venir au secours des entreprises avec une telle granularité. 

La première priorité des pouvoirs publics a été de sécuriser la liquidité du système économique, qui paraît assurée, par les reports d’échéances fiscale et sociales et des prêts garantis par l’Etat,  sous réserve que les délais de paiement interentreprises ne viennent pas menacer les sous-traitant les plus fragiles. Nous proposons des mesures de surveillance particulières sur ce point. 

Toutefois, le choc ne pourra être absorbé seulement par des mesures de trésorerie et des prêts, même garantis. Sauf à ce que le tissu de PME ressorte de cette épreuve immobilisé par le surendettement, les entreprises auront besoin, au delà du chômage partiel,  de fonds pour absorber leurs pertes, c’est à dire de capital. L’une des principales différences entre les plans allemand et français de sortie de la crise est que le premier prévoit 150 milliards d’euros d’infusion de capitaux publics dans les entreprises. Cette approche nous semble pertinente, et cette note propose une stratégie de fonds propres, permettant d’accompagner les entreprises, le temps qu’elles se relèvent. 

Pour les entreprises cotées, nous proposons que les collectivités publiques  se dotent d’une enveloppe significative, de plusieurs dizaines de milliards d’euros,  pour réaliser des infusions de capital permettant de maintenir l’indépendance des grandes entreprises françaises. Ces “nationalisations partielles” seront réalisées en recourant à des outils simples, actions avec droits de vote, qui assurent que le contribuable bénéficiera du retour à meilleure fortune dans les mêmes conditions que les actionnaires privés.

Dans le secteur du non coté, nous constatons que les fonds de LBO disposent pour l’heure d’une grande réserve de liquidités pour défendre et étendre leurs investissements dans de grandes et moyennes entreprises, et nous pensons qu’un effort particulier doit être engagé pour développer une industrie du capital-investissement capable d’apporter du capital et du quasi capital à destination des PME. Nous proposons des instruments en ce sens, qui associeraient la Caisse des Dépôts, la BPI, les régions et les capacités existantes du secteur de l’investissement.

Pour les TPE et le secteur de l’artisanat, ainsi que pour certains secteurs particulièrement affectés, les subventions sont la manière la plus expédiente de compenser les pertes ; il y a sur ce segment un écart très significatif entre le plan français et le plan allemand, dont il nous paraît important de réduire une partie.

Enfin, dans l’optique de la préparation de la reprise, la note aborde les ajustements temporaires à effectuer sur la réglementation prudentielle des acteurs financiers, les dispositions particulières à prendre pour le secteur de la construction et de la rénovation écologique, et la question d’une incitation temporaire à l’investissement et au renouvellement des emplois temporaires.

L’ensemble de ces mesures ne visent qu’à maintenir en état l’appareil productif, les emplois et les compétences.  La note ne prend pas position à ce stade sur la question complexe de la relance de la consommation, qui est actuellement bloquée par le confinement, et dont on ne sait pas encore mesurer l’ampleur. Toutefois, les toutes premières indications font apparaître le risque d’un effet récessif plus important que prévu initialement du fait d’une remontée lente de la demande. Il faudra les affiner en fonction de différents éléments, notamment les hypothèses de déconfinement en France et chez nos principaux partenaires.  A ce stade encore préliminaire, notre recommandation est d’accompagner le maintien en état de l’appareil de production de mesures ciblées sur les personnes les plus en difficultés et les ménages modestes. Le risque à prévenir est  celui de la combinaison d’un comportement de surépargne de la part de ceux qui en ont la capacité et de sous-consommation pour les plus démunis.   

Téléchargez ci-dessous l’intégralité de la note rédigée par le groupe GracFin :

Angela Merkel et la solidarité européenne: «La somnambule»

Dans Les Somnambules, l’historien australien Christopher Clark montrait les implacables enchaînements qui avaient déclenché la Première Guerre mondiale. Vivons-nous une crise de somnambulisme économique qui pourrait être fatale à l’Union européenne ?

Une tribune de Bernard Spitz à retrouver dans son intégralité sur le site de l’Opinion : https://www.lopinion.fr/edition/economie/angela-merkel-solidarite-europeenne-somnambule-tribune-bernard-spitz-215307