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Le Manifeste des Gracques pour une Gauche moderne

UNE SOCIETE PLUS JUSTE

La gauche est la force de ceux qui sont sans force, la voix de ceux qui sont sans voix.

Elle l’est à l’échelle des nations, en prônant, au nom de ses valeurs universelles, un ordre mondial fondé sur la paix, le droit et le développement.

Elle l’est à l’échelle de chaque société, en se battant contre la fatalité qui enfermerait les plus démunis dans leur destin social. Elle lutte pour que les cartes soient sans cesse rebattues, que l’égalité des chances progresse, que la redistribution sous différentes formes corrige les inégalités de situation. En défendant d’abord les exclus, les ouvriers, les employés, les classes moyennes, elle fait avancer l’intérêt de tous : une société plus juste est aussi une société plus heureuse, plus dynamique et plus sûre.

La gauche refuse le déterminisme de la naissance, la fatalité de l’exclusion et l’immobilisme de la résignation. Elle se bat pour créer plus de richesses, économiques, sociales, culturelles. Elle se bat pour que ces richesses soient toujours mieux partagées entre les individus, entre les classes sociales, entre les générations. Elle sait que la justice n’est pas seulement ici et maintenant. Elle s’attache au long terme, à l’exigence de créer un monde meilleur pour ceux qui suivront. Voilà pourquoi elle considère la révolution environnementale comme une dimension essentielle de sa vision du monde. Elle croit dans le progrès.

Comme toutes les gauches du monde, la notre est comptable de cet espoir de justice. Mais elle ne parvient pas à le porter dans la durée. Elle n’a jamais gagné deux élections générales consécutives, comme si elle était vouée à décevoir. Les classes populaires se détournent d’elle, comme si elle était un luxe pour ceux qui ont le temps du rêve. Pourtant, la France a besoin d’une gauche qui ait l’envie de gagner, et la capacité, une fois au pouvoir, de changer la vie.

UNE POLITIQUE PLUS VRAIE

Poursuivre à toute force l’idéal de justice sociale ne signifie nullement qu’il faille refuser le réel, se mentir à soi-même et camper sur des postures qui menacent de devenir des impostures.

Par exemple, il ne suffit pas de dire que l’on accepte le marché – comment d’ailleurs pourrait-on faire autrement ? – si on le fait de manière résignée, honteuse et du même coup inefficace. La gauche doit dire clairement que l’économie de marché est une bonne chose même si les valeurs marchandes ne doivent pas tout envahir. Elle doit en comprendre la dynamique positive, celle qui permet de créer des richesses collectives et individuelles et de servir finalement la justice sociale. Il n’y a pas de contradiction entre l’économie de marché et les exigences de la redistribution. La justice sociale, c’est d’abord le refus des castes protégées et de la société des héritiers. Et c’est cela que permet la dynamique du marché, parce que, bien régulé, il est le moyen de remettre en cause les situations acquises, les privilèges et les rentes. La gauche moderne veut mettre de la redistribution partout où il y a du marché, et du marché régulé partout où il y a des rentes.

De même, il faut cesser de voir dans l’entreprise un ennemi. La gauche doit être favorable aux entrepreneurs. Elle doit reconnaître l’entreprise comme source de richesses et aussi d’intégration sociale. Le goût du risque est facteur d’innovation et de croissance. Il faut le laisser se déployer pleinement pour créer la dynamique économique dont toute la société a besoin.

Il faut aussi arrêter de se mentir sur le développement des échanges internationaux. La gauche doit dire haut et fort que la mondialisation est un progrès. C’est l’ouverture des échanges qui tire pour une large part la croissance mondiale. C’est elle qui a permis à des centaines de millions d’hommes et de femmes des pays en développement de sortir d’une misère honteuse pour l’humanité. La gauche moderne est hostile au discours démagogique du patriotisme économique, et à toutes les formes de protectionnisme, lequel n’a apporté au mieux que le déclin, et au pire la guerre. Elle encourage la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. Elle croit, en revanche, à la gouvernance des échanges mondiaux, pour garantir un jeu loyal de tous les acteurs, et la réciprocité des ouvertures. Elle milite aussi pour les stratégies fortes d’accompagnement que la mondialisation rend nécessaire dans certains secteurs de notre économie ou sur certains territoires de notre pays, afin d’empêcher que les travailleurs ne fassent les frais de cette transformation.

Enfin, la gauche doit dire que l’Etat n’est pas tout et que la société civile a un rôle essentiel à jouer dans la dynamique de progrès. Elle pense qu’une bonne société est une société dans laquelle les corps intermédiaires – associations, syndicats, collectivités locales – participent activement à la régulation. Elle considère, par exemple, qu’une révolution est nécessaire dans notre démocratie sociale pour produire des syndicats forts et majoritaires, et conférer à la négociation entre partenaires sociaux le pouvoir de créer l’essentiel du droit social, aujourd’hui accaparé par l’Etat. De même, la gauche moderne est décentralisatrice, mais une décentralisation qui s’accompagne d’une simplification des échelons de collectivités, d’un frein aux dépenses publiques locales et d’une fiscalité cohérente des territoires.

Pour se rénover, la gauche doit changer de méthode, modifier profondément son mode de pensée, ses modèles, ses méthodes d’action, sa conception de l’Etat, son rapport avec les citoyens. La gauche traditionnelle règlementait, nationalisait, taxait et dépensait. Ces leviers ne répondent plus. Pour combattre les nouvelles formes d’inégalité, de pauvreté, d’exclusion, de discrimination, de ségrégation, pour créer la mobilité sociale qui doit être l’objectif de la gauche car sans elle il n’est pas de justice, bref pour renouer avec le progrès, il faut d’autres méthodes.

Il faut récuser le « conservatisme de gauche » qui trahit finalement les intérêts des travailleurs parce qu’il est incapable de faire marcher la machine à fabriquer conjointement de la croissance économique et du progrès social. Mais il faut aussi démasquer le « modernisme de droite », qui propose de tout faire marcher à l’envers, y compris la redistribution ; de préparer l’avenir de nos enfants en accroissant le déficit ; de relancer l’économie par la consommation de ceux qui n’ont besoin de rien parce qu’ils ont déjà tout ; et de revaloriser le travail en détaxant l’héritage.

Sur la base de ces choix fondamentaux, la gauche de son temps doit affirmer ses valeurs, celles de la modernisation au service de la justice.

15 VALEURS POUR AGIR

1- La gauche moderne est démocrate, dans la tradition qui va de Rousseau au mouvement anti-totalitaire. Elle croit dans le pouvoir du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple. Il y a encore beaucoup à faire pour que notre pays excelle de ce point de vue, par exemple en matière de juste représentation des courants d’opinion dans le législatif, des travailleurs dans l’entreprise, ou des consommateurs dans les services publics. Le pouvoir du Peuple, ce n’est pas le pouvoir aux populistes. A ceux qui croient que l’on gagne en simplifiant les enjeux, en réveillant les instincts et en enflammant les passions, nous répondons que le Peuple comprend la complexité du réel. Aucune réalité n’est indicible, et seule la vérité fait durer.

 2- La gauche moderne est libérale, dans la tradition de Montesquieu ou de Spinoza. Elle refuse d’abandonner à la droite ce beau mot né à gauche. Elle croit à la légitimité de l’Etat de Droit, à l’efficacité des initiatives venues de la société civile et à la nécessité des contre-pouvoirs. Elle respecte les droits individuels. Elle estime que de nouvelles libertés sont encore à conquérir sur l’ignorance et l’oppression, pour les minorités et pour les femmes, et que beaucoup reste à faire pour établir véritablement l’Etat impartial

3- La gauche moderne est intégratrice. Elle croit en la liberté de conscience et d’opinion dans une société multiculturelle. Elle entend en même temps que soit garantie la neutralité laïque de l’espace public. La bonne intégration des communautés d’origine étrangère dans la société française ne justifie aucune exception à ce principe. En revanche, elle exige la mise en place, d’une politique «d’action affirmative » en leur faveur, aussi longtemps que nécessaire, dont la discrimination positive devra être une des facettes.

4- La gauche moderne est travailliste. Elle pense que le travail reste une valeur fondamentale pour l’intégration dans nos sociétés, comme en témoigne le sort funeste de ceux qui n’en ont pas. Elle croit que sa mission est de valoriser le travail et les travailleurs, ouvriers, employés, cadres, et de permettre l’accès de tous à un emploi. Elle sait qu’une économie dynamique n’est pas une économie qui ne détruit pas d’emplois mais une économie qui en crée davantage encore qu’elle n’en supprime. La priorité de la gauche n’est pas de défendre chaque emploi, mais de sécuriser chaque travailleur en lui permettant d’accéder à un emploi, d’en changer s’il le veut, et de ne pas avoir à redouter d’en changer s’il le doit. Elle est aussi de développer les possibilités de progression professionnelle. Elle est enfin de lutter contre les nouvelles souffrances au travail générées par le monde moderne.

5- La gauche moderne est régulatrice. Elle croit au rôle régulateur de la puissance publique et à sa mission de correction des inégalités sociales. Elle pense qu’il faut revoir le fonctionnement et les interventions d’un Etat menacé d’impuissance, et qui compromet, par ses déficits et sa dette, l’avenir de nos enfants. L’argent public est un bien rare et il le restera. Il doit être affecté aux priorités de la croissance et de la justice sociale, pas à la reconduction de l’existant ou à la satisfaction d’intérêts catégoriels. La gauche moderne croit qu’une réforme en profondeur de l’organisation de l’Etat, fondée sur l’autonomie de décision, la mobilité des personnels et leur responsabilisation, est la condition impérative d’une meilleure efficacité de la dépense publique et d’une plus grande satisfaction des consommateurs et des producteurs de services collectifs. Elle entend appliquer cette démarche à toutes les collectivités qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques. Elle pense enfin que de nombreuses missions de service public peuvent être exercées dans un cadre privé sous contrôle public.

6- La gauche moderne est redistributrice. Elle ne croit pas que l’accumulation de la richesse par quelques uns est la condition nécessaire du progrès de tous. Au contraire, elle pense que le combat continu pour l’égalité est socialement juste et économiquement efficace. L’égalité des chances d’abord, à travers la lutte contre la reproduction sociale à l’école. La correction des inégalités ensuite, en matière de revenu mais aussi d’accès à l’emploi, au logement, au transport, à la santé…La gauche moderne pense que ce combat ne passe pas par la hausse des impôts, mais exige de mieux redistribuer la dépense publique : c’est-à-dire de faire payer plus aux riches les services offerts à l’ensemble de la population et d’offrir davantage de service public aux populations qui en ont le plus besoin. Le service public ne doit jamais faire financer par le peuple les besoins des privilégiés; il doit être abondant pour les pauvres et productif pour tous. La gauche moderne est favorable à un impôt élevé sur les successions des foyers riches, l’égalité des chances passant nécessairement par la remise en jeu, au moins une fois par génération, des patrimoines acquis.

7-  La gauche moderne est progressiste. Elle croit que le progrès scientifique et l’innovation technologique sont toujours facteur de bien-être pour le plus grand nombre, et parfois l’occasion de remettre en cause des rentes héritées du passé. Elle croit que la compétitivité de notre économie et la capacité à générer durablement le plein emploi dépendent toujours du choix de l’innovation et de l’adaptation plutôt que de la préservation du monde d’hier. Elle pense que l’un des enjeux du combat pour l’égalité est de permettre à tous d’entrer de plein pied dans la société de la connaissance. Elle fait confiance aux chercheurs et aux scientifiques pour produire du savoir sur ce qui nuit à la santé et des avancées sur ce qui la sert. Elle veut que chacun puisse accéder aux progrès thérapeutiques comme aux soins courants.

8- La gauche moderne est le parti de l’éducation. Elle veut à la fois l’excellence académique et la démocratisation de l’accès aux connaissances. Elle refuse d’avoir à choisir entre une éducation de masse médiocre ou une éducation de haute tenue mais réservée à l’élite. La clé de voute du progrès social est dans un système éducatif de masse qui démocratise l’excellence, promeut l’accès de tous à la culture, et lutte contre la reproduction des inégalités sociales en préparant les étudiants à un marché de l’emploi exigeant et mobile. C’est à l’école d’abord, dans l’accès à la formation continue ensuite, que se rebattent les cartes du destin social. La gauche moderne milite pour la recherche de l’efficacité maximale du système éducatif et de formation, au service du combat pour l’égalité des chances.

9- La gauche moderne est pour le droit à la sûreté, qu’elle reconnaît comme un élément essentiel du contrat social. Dure contre les criminels, mais aussi dure contre les causes du crime, la gauche moderne devra s’atteler à une réforme profonde de la justice, de la police et des prisons, dont la fonction éminente de réparer la confiance collective et le tissu social mérite qu’elles soient mises à l’abri des pressions politiques ou d’une gestion médiatique. Elle veut que les Français se sentent en confiance avec la justice de leur pays, en matière civile, commerciale ou pénale.

10- La gauche moderne est écologiste. Elle veut redéfinir durablement les relations de l’homme avec la nature. Notre génération doit dépasser la simple prise de conscience des enjeux. Elle doit agir pour défendre aussi bien notre environnement immédiat et quotidien que le droit de tous les hommes aux biens essentiels que sont la qualité de l’air et l’accès à l’eau. La gauche moderne croit que le développement des sciences et des technologies sera aussi le développement de solutions innovantes au service de l’environnement. Elle soutient une action spécifique orientée vers les puissances économiques émergentes, pour qu’elles intègrent l’environnement dans leur modèle de croissance. Elle croit dans la mise en place de régulations internationales et d’une organisation mondiale de l’environnement.

11- La gauche moderne est européenne. Parce que l’Europe est le moyen de dépasser, à l’échelle du vieux continent, les égoïsmes nationaux. Et pour qu’au sein du concert des nations, une voix s’élève en faveur d’un nouvel ordre mondial de solidarité et de droit. La gauche moderne veut une Europe dont la vie démocratique permette de s’en sentir citoyen, comme on l’est de son pays. Elle veut une Europe qui agisse pour son avenir et pour la paix.

12- La gauche moderne est internationaliste. Elle croit en l’accomplissement collectif d’un Etat de Droit à l’échelle des Nations, et à l’utilité d’organisations internationales puissantes. Elle entend accomplir le vieux rêve d’un nouvel ordre international fondé sur la paix, le droit et le développement. Elle pense que le devoir d’ingérence participe du progrès des civilisations. Elle sait aussi que seule des actions globales sont de nature à répondre efficacement aux effets de la croissance sur le climat, aux migrations de masse, aux conflits régionaux, au terrorisme, à la criminalité internationale, et croit que ces actions sont possibles et doivent être entreprises sans tarder.

13- La gauche moderne est morale. Elle croit en la nécessité de l’exemplarité des classes dirigeantes tant dans le secteur privé que dans la conduite des affaires publiques. Les élites ne peuvent légitimement défendre la mobilité, l’adaptation, la fluidité et bénéficier en même temps de privilèges d’emploi ou de statut d’un autre âge. Elle est ainsi favorable à une certaine sobriété dans le train de vie de l’Etat et des hommes publics, au non-cumul des mandats, à la limitation de la durée des fonctions électives, et à l’extinction des protections d’emploi dont bénéficie la haute fonction publique. Mais elle souhaite aussi l’exemplarité de comportement, ainsi que la transparence et la réglementation des rémunérations et avantages des responsables d’entreprise. On ne fait pas de projet politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans.

14- La gauche moderne est réaliste. Elle croit en la pédagogie du changement, dans le long travail d’explication, soumis à l’exigence de rigueur et de vérité, qui permet finalement d’entraîner l’adhésion. Elle entend assurer un contrat entre les générations, qui protège les jeunes au lieu de les spolier et les encourage au lieu de les freiner.

15- La gauche moderne est transformatrice. Elle veut changer la vie en abolissant l’inacceptable à chaque fois qu’il est évitable. Elle refuse les fausses fatalités. Elle veut porter l’espoir sans semer l’illusion. Elle veut comprendre le réel et le regarder en face, pour mieux agir sur lui et aller vers l’idéal.

Liberté, égalité, fraternité : il y a un pacte séculaire entre l’exemplarité de la France et le progrès du monde, et c’est à la gauche qu’il est revenu de le nouer. Reprenons l’initiative pour défendre une société ouverte, conforme à notre idéal de justice et de progrès.

SIGNER LE MANIFESTE DES GRACQUES

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Les Gracques aux Etats Généraux du Renouveau

Les Gracques étaient présents ce week-end à Grenoble pour les troisièmes Etats Généraux du Renouveau, organisés par Libération et Marianne sur le thème « Vivre la République ».

Nous avons porté  huit tables rondes sur des sujets divers tels que l’écologie, l’immigration, l’entreprise, l’eau ou, à l’invitation de la rédaction de Libération la gauche moderne, et décliné nos propositions sur ces sujets. Réorganisation de nos transports en faveur du fret et des autocars, plus efficaces écologiquement et économiquement, séparation des banques de dépôts et des banques d’investissement, bouclier sanitaire, mise en place d’une fiscalité beaucoup plus progressive, libération de terrains publics pour soutenir massivement la construction de nouveaux logements, réforme du quotient familial…

Toutes ces mesures, que nous défendons depuis longtemps et que nous sommes heureux de voir reprises en grande partie dans le programme du PS, sont nécessaires.

Nécessaires pour la France bien sûr, car elles augmentent à long terme son potentiel de croissance sans sacrifier la génération d’aujourd’hui, mais aussi nécessaires pour une gauche moderne, car elles sont réalistes. Ce qui différencie la gauche française de toutes les autres gauches européennes, c’est qu’elle est incapable de gagner deux élections générales de suite, donc de gagner sur son bilan, et non sur son programme.

A la question « Qu’est-ce qu’une gauche moderne? », nous avons donc répondu que c’était avant tout une gauche durable, une gauche qui comme le déclarait François Hollande, ne veut rien promettre qu’elle ne pourra tenir.

Vous pouvez retrouver certaines de ces conférences en ligne ici

 Si vous souhaitez également retrouver toutes nos propositions n’hésitez pas à  consulter notre ouvrage Ce qui ne peut plus durer (édition Albin Michel, septembre 2011).

Ce qui ne peut plus durer

Chers amis,

Vous l’aurez constaté en vous rendant sur cette page : les Gracques font  une rentrée active, puisqu’elle est pour nous l’occasion de publier un ouvrage (dont nous vous proposons de découvrir l’introduction un peu plus bas) et de lancer un nouveau site plus ouvert, et plus participatif.

Aujourd’hui plus que jamais, il nous semble essentiel de susciter le débat. Le contexte politique, économique, social incite les Français à s’interroger non seulement sur leur présent, mais aussi sur leur avenir. Face à ces questionnements, le contexte électoral qui se dessine laisse peu de place à l’échange constructif.

Si nous voulons avancer vers les changements de paradigmes qui, nous le pensons, sont indispensables,  nous devons le faire ensemble. Grace au débat public qui est l’essence même de la démocratie.

« Ce qui ne peut plus durer », c’est ce que nous avons cherché à identifier au sein de notre ouvrage. Le manque d’exemplarité des élites, les parti-pris erronés ou hypocrites s’agissant d’imposition et de redistribution, les approches conservatrices qui restreignent la croissance sont autant d’exemples d’éléments que nous refusons. D’autant qu’il existe des moyens concrets, mesurables, et actionnables de les dépasser.

Au travers de cet ouvrage, des notes que nous publierons sur ce site, et des événements que nous organiserons au cours des mois à venir, nous espérons nourrir ce précieux débat.

Nous espérons que nos idées seront discutées, bousculées, remises en question. Nous comptons sur vous pour le faire, parce que c’est du débat que naîtra l’élan qui portera la gauche à la victoire et qui nous permettra de construire ensemble, après 2012.

Dans l’attente de vous lire, découvrez ci-après l’introduction de notre nouveau manifeste, « Ce qui ne peut plus durer » (éd. Albin Michel, 2011) disponible dans toutes les librairies dès demain. Vous pourrez aussi en découvrir des bonnes feuilles dans Le Point de cette semaine.

 Les Gracques

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 Introduction de « Ce qui ne peut plus durer« nouveau manifeste des Gracques

 « Les jours heureux. » Ainsi était intitulé le programme du Conseil national de la Résistance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le message était clair : après la pluie, le beau temps. Au sortir du plus grand conflit de l’Histoire, la vie des Français ne pouvait qu’être désormais meilleure dans un monde meilleur. À l’instabilité et la peur, succéderaient la paix et le bonheur.

Aujourd’hui, c’est l’inverse. Les jours heureux semblent derrière nous. Jamais aucune génération de Français n’avait aussi bien vécu, jamais elle n’avait vécu aussi longtemps. La séquence ouverte par les Trente Glorieuses, fondée sur l’État-providence et relayée par la construction de l’Europe, aura vu s’effondrer la muraille communiste. Et puis le doute s’est installé : l’exclusion qui ronge, le monde qui s’élargit, les technologies qui s’accélèrent, les tsunamis écologiques et financiers. Après le beau temps, la grisaille ; après la stabilité et la confiance, surviennent les crises et l’anxiété. La France se sent vulnérable… Pourtant, dans les sondages, les Français se disent plutôt heureux de leur situation personnelle. C’est quand il s’agit de porter un jugement sur le futur que le pessimisme et le repli sur soi sont de rigueur. Et c’est ainsi que le peuple le plus heureux de la Terre dans le pays symbole de douceur de vivre manifeste plus que tout autre son angoisse pour l’avenir.

Aujourd’hui la France a pris peur : peur de l’autre, de l’étranger, de l’islam ; peur du déclassement et du chômage ; peur des banlieues et des jeunes ; peur de l’avenir et du progrès. Peur de tout. Le Front national et ses émules font commerce de ce sentiment général de vulnérabilité qui nous entraîne vers une société de défiance, parfois hostile aux mécanismes mêmes de la démocratie. Triste symptôme pour une Nation qui s’est longtemps enorgueillie de son influence universelle et représente encore pour tant de pays émergents – et pour beaucoup de sociétés capitalistes – l’horizon rêvé du progrès.

Ce pays s’est constitué par son État et la crise du modèle français est celle de son État-providence. Ses déficits abyssaux instillent la crainte d’un recul de la protection sociale, pour demain si ce n’est pour aujourd’hui. Ce pessimisme est renforcé par le déni d’une classe gouvernante qui aura dissimulé la gravité des ajustements nécessaires le plus longtemps possible. Elle se retranchait hier derrière l’Europe, elle se défausse aujourd’hui sur la crise, le FMI ou la mondialisation.

Exorciser nos peurs : c’est la noblesse de la tâche du politique, sa responsabilité aussi. Ne promettre que ce que l’on est sûr de tenir. Avoir le courage de faire comprendre la complexité et le besoin de durée dans un monde saisi par le court terme, que ce soit sous le joug des sondages ou de la spéculation financière.

Deux mondes cohabitent aujourd’hui. Dans les pays du Sud, l’optimisme est de rigueur, la croissance élève le niveau de vie. Les ménages font des sacrifices considérables pour l’éducation des enfants et les innovations technologiques. Dans les pays du Nord, en revanche, la crise place les élites en état d’accusation. En Grèce d’abord, puis ailleurs, on demande brutalement au peuple des efforts qu’il trouve aussi injustes qu’incompréhensibles. De cette Europe qui doute, la France doit contribuer au sursaut. La prospérité et le savoir-vivre ensemble sont encore possibles à condition d’accepter de s’adapter au nouveau monde. Voilà l’ambition de ce livre écrit à plusieurs mains, ainsi que des notes et débats à retrouver sur le site des Gracques (www.lesgracques.fr) : dire « ce qui ne peut plus durer » et montrer ce que l’on peut construire, ensemble, après 2012.