Les entreprises sont au cœur des réponses qui peuvent être apportées à la crise économique, sociale, écologique et culturelle, dans laquelle nous sommes plongés. Car elles sont le lieu de création de richesses par excellence, d’innovation sociale et technologique qui fonde le progrès humain dans toute société. Depuis plusieurs décennies, l’entreprise s’est profondément transformée. Trois dimensions émergent aujourd’hui puissamment, qui soulignent combien l’entreprise doit encore changer.
La question du travail est au cœur de la crise de société que vivent les Français. Il s’agit assurément d’un problème social et éthique, mais pas uniquement ; c’est aussi une menace pour l’efficacité des salariés et la compétitivité de l’entreprise, voire du pays dans son ensemble. Le développement exubérant des procédures et des consignes, la standardisation forcenée des organisations du travail ont conduit à une intensification du travail qui accroît la pénibilité de certains emplois, mais surtout ces évolutions ont réduit à l’extrême les marges d’autonomie de chaque salarié et dévalorisé la part personnelle que chacun met dans son activité professionnelle quotidienne. Le travail se déshumanise, perd de son sens. Les salariés y abandonnent leur fierté, ne se sentent plus reconnus, se désengagent, tombent malades. C’est un enjeu majeur pour la compétitivité. La crise du travail renvoie à la conception de l’entreprise : celle-ci n’est pas simplement un stock de capital et un ensemble de facteurs productifs, elle est d’abord une communauté vivante de femmes et d’hommes.
Le débat nécessaire sur les finalités doit être clairement posé. La rentabilité financière est incontournable et la vocation première de l’entreprise est de produire des biens et des services. Mais d’autres missions s’imposent aujourd’hui, davantage que par le passé. Celles de répondre aux besoins humains, sociaux et environnementaux qui s’expriment dans la société. Celle d’être un lieu d’épanouissement et de promotion sociale pour ceux qui y travaillent. Deux conséquences en découlent. D’une part, les systèmes d’indicateurs classiques trouvent leurs limites, puisque ce qui relève de l’humain et des besoins sociaux ne peut être enfermé dans un ensemble de chiffres. La parole est essentielle, les instances de débat indispensables. Le tableau de bord du futur intégrera la discussion. D’autre part, ces finalités humaines et sociétales font que l’entreprise ne peut pas rester un simple objet de propriété privée, appartenant à ses actionnaires. De plus en plus, elle est appelée à participer à la construction de l’intérêt général et à assurer des tâches d’intérêt public.
Cette dernière considération pose immédiatement la question de la régulation et du contrôle minimum de cette contribution à l’intérêt général. Il ne s’agit plus simplement que l’initiative privée ne trouble pas l’ordre public, il s’agit qu’elle participe activement au développement harmonieux de la société. Les outils classiques de régulation par la loi, la norme ou la réglementation demeurent pertinents. Mais d’autres modes de régulation apparaissent nécessaires, notamment ceux qui sont internes à l’entreprise. Le débat transparent sur les missions et la stratégie à long terme de l’entreprise est fondamental. Il ne peut plus être le monopole des directions d’entreprise, il doit impliquer tous ses acteurs : les salariés et leurs représentants, les actionnaires mais aussi les sous-traitances et les collectivités territoriales où elle est située. Ce débat sur la stratégie et les finalités de l’entreprise suppose également que des sujets cruciaux, comme la qualité des produits, la précarité des contrats, l’insertion des jeunes, la réduction des inégalités salariales soient l’objet de discussions et de négociations. Dans ce cadre, la notation sociale, dès lors qu’elle n’est pas seulement extérieure et qu’elle mobilise l’avis des représentants syndicaux, est un outil précieux à développer. La réforme des organes sociaux, pour diversifier leur composition dans le sens d’une plus grande diversité d’origine de leurs membres est aussi indispensable. Le modèle dual avec Conseil de surveillance et Directoire est une bonne solution car il permet d’associer les salariés et les parties prenantes internes et externes les plus concernées à la définition de la stratégie et de contrôler le directoire dans sa mise en œuvre.
L’ensemble de ces transformations peut concourir à faire de l’entreprise un acteur qui conjugue les dimensions économique, sociale et environnementale en internalisant ces facteurs au lieu de déléguer aux seuls politiques le soin de corriger les excès d’un marché livré à son seul appétit financier.
Vous pourrez en lire plus sur ces transformations en vous plongeant si vous le souhaitez dans « La grande transformation de l’entreprise », par Marc Deluzet, Roger Godino et David Chopin, préface de François Hollande, paru en avril 2012 aux éditions de l’Atelier. Vous trouverez ci-dessous :