Le programme des Gracques passe dès le premier tour

Dans « Ce qui ne peut plus durer », les Gracques dénonçaient les paradoxes de l’actuelle politique du logement. Etrange politique en effet, qui consiste à soutenir la demande par une aide à l’épargne et à l’endettement des acheteurs, dont l’écot finit toujours dans la poche… du vendeur. Nous préconisions de cesser d’alimenter ainsi la rente foncière des propriétaires, en privilégiant un choc d’offre – par la construction de logements neufs et une meilleure occupation du parc existant -, seul à même de tirer les prix immobiliers vers le bas et de rendre le logement à nouveau abordable pour tous.

Peut-être les Gracques ont-ils été élus par le Président de la République, dont les annonces sur le logement – qui contredisent la ligne adoptée depuis cinq ans par la défiscalisation des intérêts d’emprunt, le PTZ, le PTZ+… – rappellent les bonnes feuilles que nous vous livrons ci-dessous…

Petit retour en arrière sur les mesures décrites dimanche soir par le chef de l’Etat:

1°) Le relèvement, pendant trois ans, du coefficient d’occupation des sols de 30%, c’est-à-dire la possibilité pour « tout terrain, toute maison, tout immeuble » de voir « sa construction augmenter de 30% » (en surface imagine-t-on). Voilà une sage décision, qui fait écho à ce que nous proposions déjà en septembre dernier. Le chapitre 10 de « Ce qui ne peut plus durer » faisait l’apologie d’un
assouplissement des règles d’urbanisme, permettant une densification de l’habitat, notamment par un allègement des règles encadrant la hauteur des immeubles. Nous proposions ainsi d’autoriser toutes les copropriétés en zone de tension d’ajouter un
étage à leurs immeubles…

2°) La libération immédiate de terrains appartenant à l’Etat. Loin de revendiquer la paternité de ce qui n’est in fine qu’un peu de bon sens, nous rappellerons seulement que l’idée de faire de place pour construire était centrale dans notre livre. Nous insistions notamment sur la libération de friches ferroviaires ou industrielles détenues par des grands opérateurs détenus par l’Etat
(SCNF, RFF, RATP, EDF…) et souvent situées au cœur même de grandes villes où le foncier manque.
Et quid du programme de François Hollande ? On retrouve parmi les propositions socialistes une modération des loyers et un durcissement de l’application des quotas SRU, que les Gracques abordaient également, mais également quelques similitudes avec
les mesures annoncées par le chef de l’Etat, notamment sur la mise à disposition du foncier public pour la construction d’habitations. L’un aurait-il inspiré l’autre ? L’autre aurait-il copié l’un ? Les Gracques préfèrent voir dans le consensus la marque des réelles bonnes idées, et l’espoir d’un retour prochain à la cohérence en matière de logement.

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« Depuis le milieu des années 2000, les Français consacrent en moyenne un quart de leur budget à leur logement et à son fonctionnement énergétique (chauffage, éclairage). Cette part n’était que de 16% en 1960. 10% du revenu individuel disponible a été donc capté, en 50 ans, par ce seul poste de dépenses, soit l’équivalent en termes de pouvoir d’achat de l’ensemble des hausses d’impôts depuis 1970. Des hausses concentrées d’ailleurs sur les locataires et les accédants, dont les plus favorisés sont donc exemptés.

Ceci exclut d’emblée une part de la population de l’accès à un logement décent. Dans son rapport annuel de 2010, la fondation Abbé Pierre dénombrait 3.5 millions de mal-logés et 6.5 millions de personnes en état de « fragilité », pouvant basculer dans la première catégorie. Au-delà de la situation des plus exclus, le prix du logement présente un enjeu de redistribution et de confort de vie des classes moyennes. Et les prix au mètre carré les plus élevés, à la location comme à l’achat, sont pour les appartements de petite taille, occupés par les plus modestes.

La formation d’un prix repose principalement sur l’offre et la demande. La demande de logement a explosé en deux générations sous l’effet de deux facteurs, l’augmentation globale de la population d’une part, et la réduction de la taille moyenne des foyers d’autre part (divorces, femmes isolées…). L’offre, elle, n’a pas connu de croissance naturelle comparable. En France, les prix moyens à l’achat ont ainsi doublé entre 2001 et 2011, un phénomène spécifiquement français. Or la réponse des gouvernements successifs dans ce domaine a été d’accroître les aides, notamment à l’achat, pour soutenir les ménages face à l’envol des prix. C’est la logique de (feu) la défiscalisation des intérêts d’emprunt ou du nouveau prêt à taux zéro. Mais  c’était verser de l’huile sur le feu : cette stratégie a alimenté la spirale ascendante des prix. Elle est par ailleurs dangereuse dans la mesure où elle incite les ménages à un très fort endettement ; et profondément inégalitaire puisqu’elle injecte de l’argent public qui bénéficie in fine aux propriétaires vendeurs.

Il est donc globalement temps de réfléchir au bien-fondé de la politique actuelle du « tous propriétaires ». L’accession à la propriété correspond à des aspirations légitimes de sécurité et d’épargne. Mais il faut, d’une part, cesser de pousser les foyers modestes dans le piège de l’achat d’une résidence dont ils ne peuvent assumer le paiement; et d’autre part dégonfler la bulle existante pour revenir à un juste prix de l’habitat. Le plus important, c’est de rééquilibrer le marché, c’est à dire de créer les conditions d’un choc d’offre brutal sur le marché du logement. Ce n’est pas une politique de la demande, et moins encore une politique de répartition de la pénurie, qui réglera un problème d’abord lié à l’insuffisance de l’offre, notamment en zone tendue. Sortir de la pénurie, c’est améliorer le taux de remplissage du parc existant, mais c’est surtout multiplier la construction de logements neufs, et pas n’importe où. Là où les gens ont besoin d’être, c’est-à-dire dans les grandes agglomérations et pas dans les quelques endroits excentrés où les promoteurs arrivent à construire des « Scellier » à bon marché, sans s’occuper de savoir si les investisseurs pourront trouver des locataires. Et pas à n’importe quel prix : à des coûts maitrisés, sans être plombés par des normes de construction absurdes, par exemple deux parking par logement, qui semblent écrites pour rendre impossible la construction. Et c’est aller plus vite pour donner des permis de construire, et décourager les recours qui ne participent souvent qu’à un racket dilatoire.

Notre administration a le génie d’interminables procédures bureaucratiques et de rentes du type de celle des architectes des bâtiments de France, qui allongent les délais moyens de construction de façon insupportable et découragent nos concitoyens.
Mais elle sait aussi aller vite, quand il s’agit de mobiliser pour de grandes causes; quand il faut construire en quelques mois pour les JO d’Albertville, ou pour créer de grandes infrastructures (TGV, autoroutes, énergie) on sait le faire. Or aujourd’hui, les Français ont besoin qu’on construise des logements en nombre suffisant pour en faire baisser les prix. Appliquons donc ce que nous savons faire, en créant des guichets uniques autour d’échelons déconcentrés, dirigés par des préfets du logement, dont le rôle ne sera plus d’instruire ou de refuser des permis de construire, mais de trouver des solutions pour qu’il s’en construise plus et plus vite.

On peut d’abord libérer de la place pour construire de nouveaux logements dans les zones de forte pression démographique. D’importantes marges de constructibilité existent, en raison des grandes réserves foncières accumulées par certains opérateurs publics (SNCF, RFF, RATP, EDF), et privés (Renault, PSA etc…). Il faut les utiliser sans tarder, en incitant ces groupes à les libérer au plus vite. Les anciennes gares de triage, les sites de production électrique désaffectés sont légions dans les agglomérations, souvent en centre-ville. De très grands sites pourraient être libérés à brève échéance pour construire des logements.

La SNCF et RFF se sont déjà engagées dans cette voie : RFF a identifié 4 000 hectares de terrains cessibles. La SNCF a prévu, de son côté, de libérer de quoi construire cinq à six mille logements d’ici fin 2012. Certaines zones, comme le 16ème arrondissement à Paris sont insuffisamment denses : selon Jean-Marie Le Guen, 2 000 logements supplémentaires pourraient être édifiés sur les simples contre-allées… de l’avenue Foch. C’est un excellent exemple. En fait le manque de foncier n’est qu’un prétexte qui cache une réalité plus profonde : celle d’une règlementation tatillonne, souvent absurde, qui ne sert qu’à permettre de rester entre soi à ceux qui sont déjà inclus. Il y a du foncier ; s’il ne se libère pas, c’est parce qu’on veut laisser les barbares aux portes de la ville.

Par ailleurs, qui ne peut pas construire en largeur peut toujours construire en hauteur. Sans faire de Paris ou de Marseille de nouveaux Manhattan, nous proposons d’adapter la taille des bâtiments pour ajouter une « couche » supplémentaire à la
surface habitable. Selon une étude-test menée sur douze rues parisiennes, un surhaussement des immeubles permettrait de gagner 466 000 m2 sur ces seules artères moyennes. Soit près de 10 000  logements, seulement sur douze rues. Projeté à la taille de Paris, donner aux copropriétés le droit de construire un étage de plus, en le décidant à la majorité simple et nonobstant toute disposition
contraire, cela bouleverserait l’économie du logement. Il n’y a même pas besoin d’argent public, la valeur de la rente foncière est telle que les copropriétés pourraient financer aisément les travaux ; dans certains secteurs, on pourrait même envisager de réserver le bénéfice de cet étage supplémentaire au logement intermédiaire. Seules quelques adaptations aux règlements d’urbanisme sont
nécessaires : il suffirait, dans une majorité de cas, d’amender les articles des plans locaux d’urbanisme régissant la hauteur limite des bâtiments, notamment par rapport aux rues qui les bordent.

A Paris par exemple, seules quelques axes (la perspective des champs Elysées par exemple) et trois zones (le Marais, le 7ème arrondissement et le jardin du Luxembourg) bénéficient d’une protection juridique particulière du point de vue de la hauteur des constructions ; dans les autres quartiers des articles du PLU et un « plan des hauteurs » définissent respectivement les grandeurs relatives et absolues maximales des immeubles. Il est aisé de les modifier, même si cela ne plaira pas à ceux qui veulent rester entre soi.

Outre la construction, une meilleure utilisation des espaces existants permettrait d’enrichir l’offre de logements. L’INSEE dénombrait fin 2010 plus de 2 millions de logements individuels et collectifs vacants. Une part substantielle de ces logements
n’est pas inoccupée sans raison : il peut s’agir de logements en cours de vente, en attente de règlement de succession, ou de logements de fonctions en attente d’attribution ; une autre part de ces habitations est vide parce qu’insalubre. Mais si seulement 10% de ces logements sont habitables, la réintroduction soudaine de 200 000 logements sur le marché correspondrait à près de 50% des logements construits en un an.

Les logements sociaux ne doivent pas être en reste. En ce qui concerne la construction, le problème est largement affaire de courage politique et de positionnement institutionnel. La loi SRU, dont le fameux article 55 impose aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en région parisienne) de se doter de 20% de logements sociaux, fait l’objet d’un bilan pour le moins décevant. Depuis l’adoption de la loi en 2000, près de la moitié des communes assujetties  (de l’ordre de 400 pour environ 800 villes concernées) n’ont construit aucun logement social.

Tout montre en réalité que la commune n’est pas le bon échelon de pilotage de la loi SRU : les besoins de construction de logements sociaux doivent s’apprécier à plus grande échelle, sur un bassin de vie et d’activité ; et la réalisation de programmes HLM est tellement politique qu’elle est dominée par la vision électoraliste des maires. Pour reprendre la main sur cette politique stratégique, une solution pourrait consister à généraliser le transfert de la compétence et des obligations en matière de logement social aux intercommunalités, dont les territoires sont plus vastes et les décisions moins politiques, en donnant aux préfets des objectifs de
respect de la loi SRU pour les inciter à se substituer aux collectivités inactives en la matière. Notons qu’ils ont déjà le pouvoir de faire,  mais qu’ils s’en abstiennent prudemment pour ne pas se brouiller avec des élus locaux influents.
Une reprise en main par l’Etat de la gestion du parc semble aussi nécessaire. Le quotidien Le Parisien avait révélé en septembre 2010, que le taux de vacance de logement de certains bailleurs sociaux pouvait atteindre 10% et estimait le nombre total d’appartements HLM non attribués à 20 000 ou 25 000 sur l’ensemble du territoire. A l’ « absence d’attribution » il faut évidemment ajouter les « mal-attributions », fruit du clientélisme électoral  . Pour combattre ce mal, qui touche directement les 700 000 familles en attente de logements sociaux, nous proposons  de confier l’attribution de ces logements à des commissions locales indépendantes, présidées par des magistrats.

On ne peut pas renoncer à la France des propriétaires sans, corrélativement, se soucier de la hausse du prix des loyers, systématiquement supérieure à l’inflation durant les dernières années. De ce point de vue, le marché français est déjà très
réglementé : les loyers sont difficilement révisables en cours de bail, même si les propriétaires conservent la possibilité de faire tous les ajustements souhaités entre deux locataires. Par ailleurs, il faut évidemment s’abstenir de trop réguler ce marché pour ne pas dissuader les propriétaires de louer.

Mais quelques ajustements doivent être envisagés pour les plus petites surfaces, cible de choix des marchands de sommeil. Sur les petits appartements, le taux de rotation est particulièrement important : les étudiants ne le restent pas toute leur vie, les couples font des enfants, et les locataires de passage changent de ville. Cela permet aux propriétaires un ajustement beaucoup plus régulier des loyers, et donc une flambée des prix plus rapide sur ce segment de marché. Au moins pendant une période intermédiaire, le temps que le choc d’offre fasse son effet, un plafonnement des loyers à la relocation pourrait être envisagé. »

Les Gracques aux Etats Généraux du Renouveau

Les Gracques étaient présents ce week-end à Grenoble pour les troisièmes Etats Généraux du Renouveau, organisés par Libération et Marianne sur le thème « Vivre la République ».

Nous avons porté  huit tables rondes sur des sujets divers tels que l’écologie, l’immigration, l’entreprise, l’eau ou, à l’invitation de la rédaction de Libération la gauche moderne, et décliné nos propositions sur ces sujets. Réorganisation de nos transports en faveur du fret et des autocars, plus efficaces écologiquement et économiquement, séparation des banques de dépôts et des banques d’investissement, bouclier sanitaire, mise en place d’une fiscalité beaucoup plus progressive, libération de terrains publics pour soutenir massivement la construction de nouveaux logements, réforme du quotient familial…

Toutes ces mesures, que nous défendons depuis longtemps et que nous sommes heureux de voir reprises en grande partie dans le programme du PS, sont nécessaires.

Nécessaires pour la France bien sûr, car elles augmentent à long terme son potentiel de croissance sans sacrifier la génération d’aujourd’hui, mais aussi nécessaires pour une gauche moderne, car elles sont réalistes. Ce qui différencie la gauche française de toutes les autres gauches européennes, c’est qu’elle est incapable de gagner deux élections générales de suite, donc de gagner sur son bilan, et non sur son programme.

A la question « Qu’est-ce qu’une gauche moderne? », nous avons donc répondu que c’était avant tout une gauche durable, une gauche qui comme le déclarait François Hollande, ne veut rien promettre qu’elle ne pourra tenir.

Vous pouvez retrouver certaines de ces conférences en ligne ici

 Si vous souhaitez également retrouver toutes nos propositions n’hésitez pas à  consulter notre ouvrage Ce qui ne peut plus durer (édition Albin Michel, septembre 2011).

Pour un nouveau pacte social d’entreprise

Si les Gracques ont un point de vue progressiste sur la société, c’est notamment parce qu’ils et elles sont pour beaucoup des hommes et des femmes d’entreprises, confrontés directement et quotidiennement aux défis de la compétition économique. Mais il faut bien constater que l’entreprise reste en général difficile à penser pour la gauche française, et qu’elle a souvent été le bouc émissaire des programmes de gouvernement : objet purement macro-économique, considéré au mieux comme un sujet de droit social et fiscal, au pire comme responsable de l’aliénation des salariés et espace privilégié de la lutte des classes. Un point de vue à faire évoluer d’urgence, car l’entreprise revient à juste titre au cœur du débat présidentiel, comme source de la création de richesse et d’activité permettant de résoudre nos grands déséquilibres – budgétaires, sociaux, commerciaux.

Notre point de vue de Gracques, c’est que nous pouvons et nous devons avoir un discours de gauche sur l’entreprise qui soit sans caricature, à la fois réaliste et optimiste : lieu où les individus sont à la fois salariés, consommateurs, parfois actionnaires et toujours citoyens ; lieu de vie et d’échanges; lieu de conflit mais aussi de lien social ; lieu possible pour la réforme et l’expérimentation sociétale. Bref, une vision de l’entreprise qui ne se satisfasse pas de la résignation néolibérale à la loi du plus fort et du tous contre tous, et une approche qui réconcilie les français avec le travail en rendant les citoyens plus entrepreneurs et les entreprises plus citoyennes.

La note que nous publions aujourd’hui est une tentative pour penser une réforme globale du fonctionnement de l’entreprise qui tienne compte de la complexité de l’économie de marché mondialisée. Elle tire les conséquences du naufrage, dans la crise financière globale, d’un capitalisme excessivement dérégulé qui sacralise le cours de bourse. Elle donne les pistes pour instaurer un capitalisme modernisé qui reconnaisse et renforce l’utilité sociale de l’entreprise, en alliant création de valeur et respect des valeurs. Elle propose des solutions concrètes, opératoires, pour réconcilier (à défaut de réaligner) les intérêts des protagonistes de la vie de l’entreprise : des actionnaires aux syndicats en passant par les dirigeants et les salariés.

Bonne lecture !

Pour un nouveau pacte social d’entreprise

Le rapport des Français avec l’entreprise n’a jamais été simple. Aujourd’hui encore, les entreprises sont l’objet d’un paradoxe majeur.

Si la plupart des Français s’accommodent de l’économie de marché, il est clair cependant qu’ils souhaitent un capitalisme plus respectueux des équilibres sociaux et environnementaux. Ils désirent que l’activité de l’entreprise soit plus bénéfique à l’intérêt de la société et moins exclusivement à celui de ses actionnaires.

Dès lors, un projet pour le prochain gouvernement pourrait être d’équilibrer le partage capitalistique français : faire naître un capitalisme nouveau, efficace, mais aussi plus conforme aux valeurs fondamentales portées par les Européens et plus particulièrement par les Français. En un mot, réconcilier l’efficacité capitaliste avec l’équité, la motivation du profit avec son partage.

L’attitude réformiste que nous proposons d’adopter se distingue tant des tentatives de moralisation du comportement des dirigeants, que des politiques dites de « développement durable » ou de « responsabilité sociale des entreprises », qui, tout en étant indispensables, reposent in fine pour une trop large part sur la bonne volonté des dirigeants. Or les dirigeants étant soumis aux actionnaires, seuls les actionnaires adoptant un comportement éthique peuvent avoir du poids.

Notre conviction est qu’il est plus efficace de faire appel à la motivation économique classique des acteurs, et d’en changer les conditions pour que cette motivation conduise à un meilleur respect des intérêts de la société. Autrement dit, pour réaligner l’intérêt de l’entreprise sur l’intérêt général c’est sur l’intérêt bien compris des acteurs qu’il faut agir.

Nous proposons d’agir sur 3 leviers pour réformer le capitalisme et mieux le soumettre à l’intérêt général :

réenchanter le travail par une meilleure gouvernance interne de l’entreprise ;

donner un nouveau souffle aux relations sociales ;

mieux aligner les intérêts de l’entreprise avec ceux de la société : faire évoluer la manière dont l’entreprise rend des comptes à la société.

3.1. Réformer la gouvernance interne de l’entreprise

L’ambition de ce nouveau capitalisme est de replacer le respect du travail au centre de l’entreprise.

Sa principale innovation sera de redéfinir un statut du travail donnant au salarié le sentiment qu’il est un acteur qui compte dans la vie de l’entreprise.

Deux voies principales sont à explorer en ce sens : la première est celle d’une réforme de la gouvernance interne de l’entreprise, visant à modifier la nature du rapport des salariés à l’entreprise ; la seconde est celle d’une évolution des relations sociales au sein de l’entreprise.

Il n’est plus acceptable que le travail soit considéré comme une marchandise régulée par un marché. Il faut faire en sorte, dans l’intérêt des deux parties, que le travail devienne participation à une œuvre commune. Un contrat de libre association unit les différents partenaires, même s’ils ont des droits et des devoirs de natures différentes, dans une structure d’échange réciproque.

En d’autres termes, il faut réhabiliter l’idée selon laquelle l’entreprise est une communauté de destin d’individus vivant du même projet productif. Cette mutation qualitative contribuera à changer ce que le travail salarié représente pour l’individu : le regard du salarié, devenu citoyen de l’entreprise, va pouvoir changer car l’aliénation subie (ou consentie) sera remplacée par un acte libre et volontaire au travers duquel le travailleur aura gagné une dignité nouvelle.

Les organisations productives qui trouveront le moyen de désaliéner le travail connaîtront à terme une compétitivité plus grande.

Pourquoi ? Car une entreprise disposant d’un excellent réseau de relations internes, par le jeu notamment de la qualité du travail de son conseil de surveillance où figurent actionnaires et salariés, devrait voir se développer un moral et une morale d’ordre supérieur. Et une telle entreprise pourrait alors avoir foi en son avenir, quel que soit son devenir, car elle devrait développer tout un ensemble de motivations positives évidentes dont il résulterait à la fois une plus grande satisfaction à y travailler et une productivité meilleure.

Pour réussir, une entreprise a besoin de quelque chose d’autre que du capital et du travail : elle a un certain état d’esprit collectif dont la présence ou l’absence fait bien souvent la différence en termes de productivité. La participation des salariés à la gouvernance de l’entreprise n’est rien d’autre que la mise en œuvre de ce projet social

L’innovation principale dont ce contrat pourrait être porteur est celle consistant à réorganiser la gouvernance de l’entreprise entre un directoire et un conseil de surveillance, plutôt qu’entre un président et un conseil d’administration. Le conseil de surveillance associerait des représentants des différentes parties prenantes de l’entreprise, et notamment des représentants élus des salariés, qui auraient un rôle délibératif et non pas seulement consultatif.

Le conseil de surveillance contrôle, et le directoire dirige. C’est le conseil de surveillance qui désignera le directoire, éventuellement sur proposition des représentants des actionnaires exclusivement. Le directoire détiendra, seul, le pouvoir exécutif, en rendant des comptes périodiquement au conseil de surveillance. Le conseil de surveillance devra notamment approuver la stratégie de l’entreprise, son bilan financier, social et environnemental de l’entreprise. Il donnera quitus au directoire pour la gestion de l’entreprise.

En ce qui concerne les groupes, notre proposition est que cette réforme s’applique pleinement aux filiales françaises de groupes internationaux, et, inversement, que les comités de groupe des groupes français multinationaux associent des représentants de l’ensemble de leurs salariés.

La holding ou le groupe étranger n’auront ainsi plus, dans notre proposition, la possibilité de prendre des décisions seuls face aux problèmes concernant leur filiale : tout choix ayant une incidence sur elle devra être approuvé par son conseil de surveillance.

Ce conseil de surveillance ne ressemble pas à nos actuels conseils d’administration, qu’ils ont vocation à remplacer. Un organe de surveillance et de contrôle s’installe entre les actionnaires et le pouvoir de gestion, mais, dans ce conseil de surveillance, les actionnaires ne sont pas tous seuls et doivent compter avec les autres partenaires de l’entreprise.

Les assemblées générales d’actionnaires garderont leurs fonctions traditionnelles et auront surtout pour mission de choisir les représentants des actionnaires qui siégeront au conseil de surveillance.

La loi fixera les différentes catégories de partenaires (actionnaires, salariés, dirigeants, voire certains gros clients ou sous-traitants ou filiales) siégeant au conseil, mais la composition détaillée relèvera du statut de l’entreprise afin de garder une structure souple adaptée aux besoins réels de chaque entreprise. Les représentants du personnel au conseil de surveillance pourraient être élus sur le même mode que les représentants au comité d’entreprise, voire en couplant les deux élections.

La philosophie de cette réforme est de miser sur la concertation plutôt que sur l’affrontement, qui marque encore trop les relations sociales dans nos entreprises. On peut ainsi espérer que, peu à peu, les représentants du personnel deviennent d’authentiques partenaires positifs de l’entreprise au même titre que les actionnaires.

Introduire de la démocratie représentative ne peut qu’augmenter l’efficacité de l’entreprise. Les représentants des salariés seront tout aussi, sinon plus, intéressés à la bonne marche de l’entreprise que les actionnaires, et ils apporteront une compétence et une connaissance de l’entreprise précieuses. Les salariés sont d’ailleurs généralement plus impliqués par l’avenir à long terme de l’entreprise que les actionnaires.

Afin d’assurer le financement des syndicats, l’entreprise verserait chaque année à chaque salarié une indemnité d’un montant fixe, égal pour tous et fixé par la loi, qui permettrait au salarié de choisir un syndicat et d’y cotiser.

Il nous semble essentiel que le salarié puisse intervenir en tant partie prenante de l’entreprise, et non pas en tant que détenteur d’actions. Or, la cogestion tend à confondre les responsabilités, ce qui conduit à ce que la place des salariés soit très minoritaire, et que les décisions soient prises en dehors du conseil de surveillance, ce qui les vide de toute signification.

3.2. Donner un nouveau souffle aux relations sociales

En complément d’une réforme de la gouvernance interne de l’entreprise donnant un nouveau statut au travailleur, il convient de donner un nouveau souffle aux relations sociales. 

Comme lors de la première alternance politique, la question des droits des travailleurs est en effet à nouveau posée. Le contexte est différent, avec la concurrence des pays émergents, la montée puis la crise du néolibéralisme, l’affaiblissement du contrepouvoir syndical et la montée de l’individualisme. Mais comme en 1981, la clé est de nouveau, la recherche de l’équilibre des intérêts et la place de la négociation collective, qui comme à l’époque, constituent le cœur des lois Auroux.

Il y a en la matière beaucoup à faire, dans un pays qui a aussi depuis longtemps un problème avec la négociation, particulièrement au niveau de l’entreprise et interprofessionnel, un pays où il a fallu mai 1968 pour reconnaître les délégués syndicaux, et mai 1981 pour obliger les entreprises à négocier tous les ans.

Deux lois récentes, issues de la volonté majoritaire des partenaires sociaux, modifient les règles du jeu :

la loi du 31 janvier 2007, au lendemain des errements du CPE, oblige le gouvernement avant de réformer le code du travail à offrir aux partenaires sociaux, patronat et syndicats, l’option de la négociation préalable entre eux.

la loi du 20 août 2008 fait un pas important vers les accords majoritaires, et base la représentativité syndicale sur l’audience.

Ces deux lois constituent des progrès significatifs, et la mesure de la représentativité syndicale début 2013, au lendemain des élections présidentielle et législative, sera un rendez-vous important.

Il n’en reste pas moins qu’il reste beaucoup à faire pour donner un nouveau souffle au dialogue social, avec la relance de la négociation en fil rouge.

La reconnaissance mutuelle entre les acteurs, la recherche de l’équilibre des intérêts, la négociation de bonne foi, l’anticipation plutôt que la gestion des conséquences, la négociation au niveau adéquat qui n’est pas le même selon que l’on parle de stratégie ou d’organisation et de conditions de travail, le suivi des accords et de leurs conséquences collectives et individuelles, sont à nouveau à l’ordre du jour. Les propositions, mises au débat, qui suivent portent à la fois sur le champ de la négociation, les acteurs de la négociation et la conception de l’entreprise.

De nouveaux champs sont à ouvrir pour la négociation collective obligatoire dans les entreprises et les groupes.

Il faut compléter l’obligation d’échanger sur la stratégie de l’entreprise et sur l’anticipation de l’évolution des métiers et des activités, par celle de négocier sur les orientations et le plan de formation.

Il faut placer le DIF non utilisé (20 heures de formation par an à la demande du salarié et avec l’accord de l’entreprise) sur un compte individuel formation, alors que certaines entreprises jouent la montre en attendant que ce droit s’éteigne au bout de 6 ans.

La négociation collective doit enfin s’ouvrir aux questions de l’environnement. Le Grenelle de l’environnement proposait d’élargir les CHSCT à l’environnement, de mettre en place des commissions élargies aux élus et aux associations pour les sites classés, de développer les négociations sur la responsabilité sociétale de l’entreprise. Faisons de ces préoccupations des préoccupations durables.

Une nouvelle loi Auroux devrait aussi obliger à une négociation de groupe qui détermine la place relative de la négociation de groupe et de la négociation d’entreprise. Des questions comme la mobilité interne et la gestion des restructurations devraient être encadrées au niveau du groupe.

La représentativité syndicale dans les PME devrait s’asseoir sur des commissions paritaires territoriales de branches. Le syndicalisme n’aura jamais les mêmes formes dans une petite entreprise que chez Renault ou à la SNCF, mais il droit y avoir droit de cité. Les badges « pas de syndicat dans l’entreprise » aux dernières Assises de la CGPME sont attristants. Il doit y avoir des lieux pour se parler en amont des prud’hommes ! Il serait enfin utile d’examiner ce qu’il convient de rapprocher entre le droit du travail du public et celui du privé, les fonctions publiques sont loin d’être exemplaires en bien des domaines.

3.3. Mieux aligner les intérêts de l’entreprise sur ceux de la société

Par quels moyens l’intérêt du dirigeant ou de l’actionnaire pourraient-ils se rapprocher de l’intérêt général ?

L’activité de l’entreprise entraîne des conséquences pour la société, en termes d’utilisation de ressources naturelles, ou de conséquences sociales ou environnementales de ses décisions, qui ne sont pas toujours supportées par les entreprises, par exemple en matière de production. C’est ce qu’en économie on appelle des « externalités ».

Il est parfaitement légitime, du point de vue de la société, et normal du point de vue économique, d’ « internaliser ces externalités », c’est-à-dire de faire en sorte que l’entreprise assume l’intégralité des conséquences de son activité.

En matière d’évaluation, notre projet est de donner aux agences de notations sociétales une importance comparable aux agences de notation financières. « Dis-moi à qui et comment tu rends des comptes, je te dirai comment tu te comportes ».

Il importe pour cela que les informations nécessaires soient disponibles au niveau de l’entreprise. Il conviendrait donc de rendre plus complet le bilan social et le bilan environnemental, et d’ajouter un bilan sur l’impact de l’entreprise sur les modes de consommation et sur son devenir à long terme, afin de pouvoir couvrir correctement les 5 domaines dans lesquels les effets du capitalisme ont tendance à ne pas correspondre à l’intérêt général.

Les rapports seraient rédigés par le directoire, puis vérifiés par des cabinets d’audit spécialisés et labellisés et dont la fonction serait de valider les informations fournies (mais sans évaluer l’entreprise). Ils seraient ensuite approuvés par le conseil de surveillance, puis transmis aux agences de notation, qui émettraient sur chacun des thèmes une notation selon la classification des compagnies d’assurance (A, B, C, D, E, A étant excellent et E médiocre). Après discussion contradictoire, ces rapports seraient publiés.

Si la publication suffit à produire des effets importants sur le comportement des entreprises, il sera possible de s’en tenir là. Il est également envisageable d’attacher des sanctions ou des récompenses aux résultats de la notation, avec des systèmes de bonus-malus fiscaux.

Le système qui est proposé devrait être non seulement favorable à l’environnement, mais également gagnant-gagnant entre l’entreprise et la société. En effet si les coûts induits par chaque entreprise sont internalisés, c’est-à-dire supportés par elle-même, au lieu qu’ils le soient par la collectivité, celle-ci pourra traduire la baisse des charges qu’elle supporte par des baisses de prélèvements.

L’exemple du marché des « droits à polluer » pour les émissions de CO2 a ainsi montré que l’application du principe du « pollueur-payeur » conduit à un meilleur optimum économique et environnemental.

Il est parfaitement envisageable d’élargir ce mécanisme à d’autres domaines, dans le domaine de la gestion des ressources humaines notamment, pour faire ne sorte que la gestion par chaque entreprise de ses ressources humaines conduise à un meilleur optimum social. Pour l’évaluation de l’entreprise, de nombreux facteurs pourraient être pris en compte : taux d’accident du travail et gestion préventive de la santé du personnel, effort de formation, taux de précarité, de mise en chômage et conditions de licenciement, qualité du dialogue social, hiérarchie des rémunérations… Selon la notation A, B, C, D ou E de chaque entreprise, un bonus-malus fiscal (via le taux d’IS ou de cotisations sociales par exemple) pourrait être mis en œuvre, afin que ce soit l’entreprise qui bénéficie ou qui compense les effets de ses pratiques ayant des répercussions sur le reste de la société.

Cette illustration met en évidence la nécessité d’envisager une longue période d’expérimentation progressive, si l’on veut que le système mis en place soit à la fois pertinent et efficace, sans être arbitraire ni source de lourdeurs inutiles. C’est pourquoi une juridiction arbitrale devrait être prévue, comme c’est déjà le cas en matière de droit du travail ou de droit fiscal.

Ainsi l’entreprise resterait libre face au marché, mais un jeu de préférences collectives serait introduit, avec ce système de notation entraînant des bonus/malus, afin de se rapprocher le plus possible de l’optimum social.

C’est bien là la caractéristique principale de ce nouveau capitalisme que nous recherchons.

 Cette démarche se distingue également du courant de l’économie solidaire, qui, tout en étant remarquable, dépend trop fortement de l’éthique spécifique qui anime ses membres et qui ne peut pour cette raison servir de modèle pour l’économie dans son ensemble.

 Comme il n’est pas question de rendre la syndicalisation obligatoire, les « indemnités syndicales » non utilisées seraient affectées directement au comité d’entreprise.

 Ces réflexions s’inspirent largement du livre de Henri Rouilleault, « Où va la démocratie sociale ? », Editions de l’Atelier, Paris, 2010.

 Les quatre lois et l’ordonnance  sur le temps de travail et les accords dérogatoires de 1982

 Henri Rouilleault (2010), « Où va la démocratie sociale ? », Editions de l’Atelier

 Un salarié sur deux du secteur privé seulement est dans une entreprise de plus de 50 salariés, mais un sur deux dans un groupe de plus de 300 salariés

La circulaire de la honte

Le 31 mai 2011, une circulaire, alors passée inaperçue, a restreint les possibilités pour de jeunes diplômés étrangers, ayant effectué leurs études en France, de commencer leur carrière professionnelle dans notre pays.

Au cours des derniers mois, des centaines d’étudiants de toutes origines ont ainsi vu leurs demandes de changement de statut, permettant de passer d’un visa étudiant à un visa salarié, être refusées par les préfectures. Parmi eux, on retrouve de nombreux étudiants issus des plus prestigieuses institutions françaises : Polytechnique, Centrale, HEC, l’ESSEC, Sciences po, Dauphine etc. Ces jeunes diplômés, qui bénéficiaient souvent d’offres d’embauche de la part d’entreprises basées en France, sont aujourd’hui menacés d’expulsion.

Certains ont déjà dû quitter le territoire pour rentrer dans leur pays natal. D’autres ont accepté des offres d’emploi dans des pays tiers, y compris chez nos plus proches voisins européens, qui accueillent bras ouverts cette élite hautement qualifiée qu’ils n’ont pas eu à former.

La circulaire du 31 mai est une ineptie économique.

Ce texte chasse hors de France des jeunes femmes et hommes talentueux, polyglottes pour la plupart et qui pourraient permettre à nos entreprises de s’ouvrir à de nouveaux marchés. Ce sont désormais d’autres pays qui bénéficieront de leur créativité et de leur expertise. Dans une société française vieillissante, le retour de la croissance ne sera pourtant possible que par l’apport d’une immigration jeune, qualifiée et dynamique. C’est elle qui permet la circulation des idées et des capitaux. A titre d’exemple, le succès de la Silicon Valley repose en grande partie sur de jeunes chercheurs de toutes origines, ayant fait leurs doctorats à Berkeley ou Stanford, et auxquels la possibilité est donnée de commencer leur carrière aux Etats-Unis.

D’autre part, de nombreux étudiants étrangers ont bénéficié de bourses pour financer leurs études en France. Ils ont ainsi pu étudier dans d’excellentes conditions. Alors qu’ils souhaiteraient aujourd’hui rendre à la France ce qu’elle leur a donné en travaillant dans notre pays et en y payant leurs impôts, le gouvernement le leur interdit.

Le désir de la France de se fermer en cette période de crise, nourri par des considérations démagogiques et politiciennes, est donc extrêmement dangereux. La circulaire du 31 mai s’inscrit dans une politique qui affaiblit dangereusement le tissu économique français, privé d’une partie de ses talents.

La circulaire du 31 mai est aussi condamnable sur le plan moral.

Cette circulaire est une trahison à l’égard de celles et ceux qui avaient choisi de venir étudier en France, d’apprendre notre langue et de se familiariser avec notre culture. Elle brise leur espoir de pouvoir y travailler un jour.

Certains étudiants avaient également souscrit des emprunts pour financer leurs études. La perspective d’être expulsés et l’impossibilité pour eux d’accepter des offres d’emploi en France les placent donc dans une situation de détresse financière et morale.

La circulaire du 31 mai a durablement entaché l’image de la France à l’étranger.

A l’heure où les pays mènent une lutte sans merci pour attirer les meilleurs étudiants, la circulaire du 31 mai a fait grand bruit dans le monde.

Lorsqu’ils doivent décider dans quel pays poursuivre leur parcours, ce texte fait l’effet d’un repoussoir pour les étudiants étrangers. Tous les universitaires et directeurs de grandes écoles présents sur les forums internationaux l’affirment : les étudiants et professeurs étrangers ne cessent de leur parler de la circulaire Guéant et de s’en inquiéter. Tous les efforts faits par la France depuis dix ans pour attirer des élites du monde entier sont en passe d’être réduits à néant. The Australian, grand quotidien de Sydney, résume d’une phrase lapidaire ce que pensent les autres pays de la circulaire du 31 mai : « L’approche française est plus qu’une leçon sur ce qu’il ne faut pas faire ».

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Devant les contestations, Claude Guéant s’est engagé le 23 décembre à ce que la circulaire soit modifiée en 2012. Il a en revanche refusé tout retrait du texte.

Le 4 janvier, le gouvernement a proposé une circulaire complémentaire sur les étudiants étrangers qui n’apporte aucune solution concrète. Le texte se limite à des modifications de forme qui ne résoudront pas les dégâts causés par la circulaire du 31 mai.

Le 6 janvier, la Conférence des présidents d’université (CPU), la Conférence des grandes écoles (CGE), la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) et le Collectif du 31 mai, qui représente les étudiants victimes de cette circulaire, ont donc travaillé ensemble à l’élaboration d’un nouveau texte qui a été transmis au gouvernement.

Les Gracques appellent donc le gouvernement français à retirer dans les plus brefs délais la circulaire du 31 mai et à adopter le nouveau texte qui lui a été soumis. Par ailleurs, les Gracques demandent à ce que les dossiers en attente de plus de 900 jeunes diplômés menacés d’expulsion soient régularisés d’ici la fin du mois de janvier 2012.