C’est Noël en octobre !

Bien sûr, ce n’est déjà pas rien d’être parvenu à faire travailler ensemble, pendant quatre mois, acteurs économiques, responsables politiques et organisations non gouvernementales à un diagnostic partagé sur l’environnement ; et d’avoir entériné que la croissance et le progrès scientifique et technique, convenablement régulés et orientés, peuvent contribuer, comme le dit le Manifeste des Gracques, au « développement de solutions innovantes au service de l’environnement ». Ne serait-ce que pour ces raisons, le « Grenelle de l’environnement » aura été utile. »Bien sûr, ce n’est déjà pas rien d’être parvenu à faire travailler ensemble, pendant quatre mois, acteurs économiques, responsables politiques et organisations non gouvernementales à un diagnostic partagé sur l’environnement ; et d’avoir entériné que la croissance et le progrès scientifique et technique, convenablement régulés et orientés, peuvent contribuer, comme le dit le Manifeste des Gracques, au « développement de solutions innovantes au service de l’environnement ». Ne serait-ce que pour ces raisons, le « Grenelle de l’environnement » aura été utile.

Mais ensuite ? Nous savons, depuis le célèbre discours de Jacques Chirac à Johannesburg en 2002, que l’éloquence ne suffit pas à concrétiser une politique. La maison brûle et nous avons continué à regarder ailleurs… Au registre des bonnes paroles non suivies d’effet, Nicolas Sarkozy n’est pas en reste : deux ans après les émeutes des banlieues, Clichy-sous-bois attend toujours le commissariat de police qui lui avait été promis. Et dans les quartiers paupérisés, les braises de la violence couvent toujours.

Trois handicaps majeurs affectent la crédibilité des conclusions du « Grenelle de l’environnement ». D’abord, la question du financement. Les marges de manœuvre dilapidées dans les cadeaux fiscaux du début de législature feront cruellement défaut pour financer des programmes majeurs, par exemple celui de la mise aux normes environnementales des logements. Ensuite, la capacité de résister aux groupes de pression quand il s’agira de passer aux actes concrets : le bilan en matière de sécurité sociale n’est pas un gage de confiance pour la suite. Enfin, les sujets qui n’ont pas été traités, pèseront lourd pour l’avenir : c’est le cas, par exemple, du stockage des déchets nucléaires.

Il reste beaucoup à faire pour que le « Grenelle de l’environnement » ne soit pas qu’une opération de communication destinée à faire croire que le Père Noël passe désormais en octobre. Le rôle des associations, des ONG et des forces réformistes en matière de suivi, de vigilance et de mobilisation de l’opinion restera déterminant.

Après le compromis de Lisbonne

L’accord intervenu entre les dirigeants européens sur un traité destiné, après deux ans de paralysie, à se substituer à la Constitution mort-née était tout sauf évident. Nous n’avons donc aucune réticence à reconnaître le caractère positif du déblocage obtenu, en particulier par le président français et son gouvernement qui devrait permettre une meilleure « gouvernance » de l’Union.

Pour autant, le résultat final met un peu plus en évidence l’inanité des arguments des partisans du « non » à la Constitution : l’Europe sociale est passée à la trappe, la charte des droits fondamentaux n’est plus qu’une référence distante, les symboles de l’Union (devise, hymne, drapeau) ont disparu, les possibilités de coopérations renforcées sont rendues plus contraignantes et contrôlées… par ceux qui n’y participeront pas !
Bref, il n’y a ni plan B, ni plan C mais bien plutôt un traité « plan-plan » qui certes permettra de mieux faire fonctionner la mécanique institutionnelle, mais qui reste désespérément muet sur les finalités et les objectifs de l’Union européenne, bref, sur tout ce qui aurait été de nature à rendre un peu de confiance aux populations qui doutent.

La gauche est désormais au pied du mur. Les partis et associations souverainistes, qui se disent de gauche ou d’extrême-gauche, sont fidèles à leur vision de l’Europe dans un seul pays en appelant à rejeter le compromis de Lisbonne. D’autres, probablement candidats au prix Nobel de la bouffonnerie, réclament un référendum auquel ils prôneraient… l’abstention.

Il est temps qu’à gauche, une ligne l’emporte : pour le Parti socialiste, ce ne peut être que celle que son histoire a tissée, celle de la construction européenne. Aujourd’hui, elle passe par l’adoption du compromis de Lisbonne. Demain, elle exigera, avec les États qui le souhaitent, des coopérations approfondies dans le domaine fiscal, social, éducatif et diplomatique.

Le Parti socialiste doit se rendre compte que la « réconciliation du oui et du non » sur une autre base que celle-ci serait comme le mélange de l’eau chaude et de l’eau froide : elle ne produirait que de l’eau tiède.

Les Gracques veulent (eux aussi) rénover la gauche

Article paru sur le 5 septembre 2007 sur latelelibre.fr

Le 26 août, les Gracques, nouveau think-tank socialiste, se sont réunis à la Villette. Au programme : réflexion et débat. Deux questions : Comment refonder le Parti Socialiste ? Et, c’est quoi, la gauche moderne ?

Les Gracques, une référence antique pour des socialistes « modernes »
Ils sont un groupe de hauts fonctionnaires. Ils ont travaillé dans des cabinets ministériels socialistes. Et pendant la campagne électorale, ils ont appelé à l’alliance entre François Bayrou et Ségolène Royal. Ils se sont baptisés « Les Gracques », en référence à ces deux frères romains qui sont morts assassinés pour avoir voulu moderniser le système politique de la République Romaine. Une référence qui date du deuxième siècle avant Jésus-Christ pour des intellectuels qui veulent rénover le Parti Socialiste. Eux aussi.

Dimanche 26 août, ils se sont réunis au théâtre de la Villette à Paris pour réfléchir sur « Les raisons de la défaite, les voies de la re-fondation ». Des invités pour des tables rondes pendant toute la journée. En guest stars, Michel Rocard, Jorge Semprun, Walter Veltroni et Erik Orsenna. Idéologiquement, les Gracques se disent de gauche « post social-démocrate ». Ils déplorent le retard de la gauche française par rapport aux autres gauches européennes, notamment le Labour britannique. Un mot seul d’ordre pendant tous ces débats : modernité. Pour eux, la gauche française serait archaïque et les Gracques prônent une réactualisation des valeurs et des pratiques de la gauche.

Accepter sans complexe l’économie de marché et faire résolument le choix de la réforme, c’est visiblement ce qu’ils prônent. Mais quand on leur pose des questions directes, ils restent un peu flous… Ils réfléchissent et discutent encore, disent-ils. Pour plus de clarté, il fadra attendre l’ouverture de leur site internet et la publication de leur manifeste. Mo-der-ni-té !

Marie Drollon et Clément Magnin