Universités : Les raisins de la colère
Au début de l’été, la loi « relative aux libertés et aux responsabilités de l’Université » avait été adoptée sans controverse majeure. Nous avions regretté le caractère limité de la réforme mais, sous bénéfice d’inventaire, avions fait crédit au gouvernement de sa volonté de procéder avec méthode pour éviter de mettre les étudiants dans la rue. Conçue en cinq étapes complémentaires, la réforme devait régler, dans des textes ultérieurs, les questions les plus sensibles de l’échec en premier cycle, de la sélection et des carrières des enseignants chercheurs.
Pour gage de sa bonne foi, le gouvernement s’était engagé, vis-à-vis des syndicats étudiants et de la conférence des présidents d’université, à augmenter d’un milliard d’euros par an pendant cinq ans le financement des universités pour remédier aux besoins les plus criants dans le domaine immobilier, en matière de bibliothèques universitaires et de logement étudiant.
D’où vient que, quatre mois après, la contestation de cette loi semble se développer? D’abord, ramenons les faits à leur juste proportion : les actions de blocage de certaines universités sont d’abord le fait de quelques organisations d’extrême-gauche, qui ont vu là un moyen de contestation politique contre le gouvernement. Le mot d’ordre qui leur sert d’étendard : « contre l’autonomie des universités » les renvoie, dans ce qui n’est qu’un paradoxe apparent, à une thématique proche de celle de Nicolas Sarkozy : en finir avec l’héritage de mai 1968… Et leur volonté d’amalgamer les difficultés étudiantes avec le reste de la contestation sociale montre bien qu’une fois de plus, ils veulent instrumentaliser les étudiants au service des conservatismes qui bloquent l’ascenseur social et entretiennent le chômage des jeunes
Mais si ces actions peuvent trouver de l’écho, c’est parce que les engagements budgétaires, nécessaires pour remédier rapidement aux conditions d’études difficiles que vivent les étudiants au quotidien, ont dès l’automne été oubliés. A peine 300 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, même si quelques dizaines de millions ont été rajoutés, in extremis, pour le logement étudiant. Du même coup, les syndicats étudiants et les universitaires qui s’étaient engagés dans la discussion des autres volets de la réforme se trouvent pris à contre-pied.
L’autonomie n’est pas un désengagement de la collectivité, mais permet bien au contraire de gérer plus efficacement, avec plus de souplesse et de réactivité les moyens accrus mis en oeuvre par la collectivité. Mais cela ne peut se faire sans tenir avec une extrême rigueur les engagements budgétaires. Le président de la République et le gouvernement porteront durablement le boulet de l’erreur magistrale qui a consisté, en début de législature, à dilapider toutes les marges de manœuvre. Entre les concessions de court terme, alternativement à ses clients et ses opposants, et les investissements vitaux pour l’avenir du pays, le pouvoir saura-t-il faire le bon choix ?