Tu veux ou tu veux pas ?
Quel est le point commun entre la royauté et la gauche en France ? Versailles ne leur réussit pas.
On sait comment Louis XVI a mal fini pour avoir méconnu depuis la Cour le sort de ses sujets mécontents. Le PS pourrait connaître après le 4 février la même malédiction. Réunis avec le Parlement en Congrès pour se prononcer sur la ratification du traité de Lisbonne, les socialistes sont pourtant face à un choix d’une rare simplicité. Ou ils considèrent que le mini traité est un moindre mal qui permet à l’Europe politique de repartir et ils votent la révision constitutionnelle. Ou bien ils estiment que ce texte est néfaste et ils votent contre.
Mais dès qu’il s’agit d’Europe, le PS vire marxiste, tendance Groucho. Ou encore Zaniniste , du nom d’un chanteur qui connût une gloire éphémère il y a quelques décennies avec des paroles dont on ignorait qu’elle deviendraient le discours programme des socialistes de 2008 : « si tu veux, tant mieux. Si tu veux pas, tant pis. J’en ferai pas une maladie ». Le titre de la chanson était « Tu veux ou tu veux pas ? ».
Le fait est que le PS ne sait toujours pas s’il veut de l’Europe. Il sait qu’il voulait d’un referendum pour embêter Nicolas Sarkozy ; comme il ne l’a pas eu, il a dit qu’il boycotterait en représailles le Congrès de Versailles. C’était tellement gros que même Groucho Marx n’aurait pas trouvé cela drôle. Alors le PS a dit qu’il irait à Versailles, mais pour s’y abstenir. ça, c’était drôle ! Voilà donc la tragi-comédie à laquelle se livrent les socialistes français à qui l’on souhaite bonne chance lorsqu’ils devront expliquer leur position à leurs homologues européens.
Comment en sont-ils arrivés là ? Les tenants du non ont continué de mener le combat au sein du Parti socialiste. Et la direction du Parti est hors d’état de leur imposer un point de vue, si tant est qu’elle en ait un. A quelques mois d’un congrès décisif, la confusion est à son comble.
Pourtant, trois ans après le fiasco de 2005, chacun sait à quoi s’en tenir. Le non au référendum était l’expression d’un rejet profond de la construction européenne, de sa volonté de créer un modèle social original en économie de marché. Tous les arguments de circonstances invoqués par les « nonistes » ont fait long feu : il n’y avait pas de plan B. Il n’y avait aucun rapport entre le traité et l’adhésion turque ; le rejet de la troisième partie n’a rien changé aux politiques communes ou communautaires. Les réponses apportées aux questions institutionnelles étaient et restent le meilleur équilibre. Se rallier au projet de traité simplifié, c’est en prendre acte.
Le tango ridicule qu’a dansé le PS ces dernières semaines ne s’explique que parce qu’il n’a toujours pas choisi entre les mirages de la gauche radicale et les vrais espoirs de réformes que portent les autres partis socialistes d’Europe. Il n’est pourtant que temps. En ce qui les concerne, les Gracques ont choisi : ils se retrouvent avec la social-démocratie européenne à voter, sans état d’âme, pour le traité simplifié. Ils demanderont à adhérer au parti socialiste européen, qui incarne ce choix et cette famille de pensée. Et ils plaideront pour que, cet automne, le parti socialiste choisisse enfin clairement la voie de la réforme en Europe.