Le 31 mai 2011, une circulaire, alors passée inaperçue, a restreint les possibilités pour de jeunes diplômés étrangers, ayant effectué leurs études en France, de commencer leur carrière professionnelle dans notre pays.
Au cours des derniers mois, des centaines d’étudiants de toutes origines ont ainsi vu leurs demandes de changement de statut, permettant de passer d’un visa étudiant à un visa salarié, être refusées par les préfectures. Parmi eux, on retrouve de nombreux étudiants issus des plus prestigieuses institutions françaises : Polytechnique, Centrale, HEC, l’ESSEC, Sciences po, Dauphine etc. Ces jeunes diplômés, qui bénéficiaient souvent d’offres d’embauche de la part d’entreprises basées en France, sont aujourd’hui menacés d’expulsion.
Certains ont déjà dû quitter le territoire pour rentrer dans leur pays natal. D’autres ont accepté des offres d’emploi dans des pays tiers, y compris chez nos plus proches voisins européens, qui accueillent bras ouverts cette élite hautement qualifiée qu’ils n’ont pas eu à former.
La circulaire du 31 mai est une ineptie économique.
Ce texte chasse hors de France des jeunes femmes et hommes talentueux, polyglottes pour la plupart et qui pourraient permettre à nos entreprises de s’ouvrir à de nouveaux marchés. Ce sont désormais d’autres pays qui bénéficieront de leur créativité et de leur expertise. Dans une société française vieillissante, le retour de la croissance ne sera pourtant possible que par l’apport d’une immigration jeune, qualifiée et dynamique. C’est elle qui permet la circulation des idées et des capitaux. A titre d’exemple, le succès de la Silicon Valley repose en grande partie sur de jeunes chercheurs de toutes origines, ayant fait leurs doctorats à Berkeley ou Stanford, et auxquels la possibilité est donnée de commencer leur carrière aux Etats-Unis.
D’autre part, de nombreux étudiants étrangers ont bénéficié de bourses pour financer leurs études en France. Ils ont ainsi pu étudier dans d’excellentes conditions. Alors qu’ils souhaiteraient aujourd’hui rendre à la France ce qu’elle leur a donné en travaillant dans notre pays et en y payant leurs impôts, le gouvernement le leur interdit.
Le désir de la France de se fermer en cette période de crise, nourri par des considérations démagogiques et politiciennes, est donc extrêmement dangereux. La circulaire du 31 mai s’inscrit dans une politique qui affaiblit dangereusement le tissu économique français, privé d’une partie de ses talents.
La circulaire du 31 mai est aussi condamnable sur le plan moral.
Cette circulaire est une trahison à l’égard de celles et ceux qui avaient choisi de venir étudier en France, d’apprendre notre langue et de se familiariser avec notre culture. Elle brise leur espoir de pouvoir y travailler un jour.
Certains étudiants avaient également souscrit des emprunts pour financer leurs études. La perspective d’être expulsés et l’impossibilité pour eux d’accepter des offres d’emploi en France les placent donc dans une situation de détresse financière et morale.
La circulaire du 31 mai a durablement entaché l’image de la France à l’étranger.
A l’heure où les pays mènent une lutte sans merci pour attirer les meilleurs étudiants, la circulaire du 31 mai a fait grand bruit dans le monde.
Lorsqu’ils doivent décider dans quel pays poursuivre leur parcours, ce texte fait l’effet d’un repoussoir pour les étudiants étrangers. Tous les universitaires et directeurs de grandes écoles présents sur les forums internationaux l’affirment : les étudiants et professeurs étrangers ne cessent de leur parler de la circulaire Guéant et de s’en inquiéter. Tous les efforts faits par la France depuis dix ans pour attirer des élites du monde entier sont en passe d’être réduits à néant. The Australian, grand quotidien de Sydney, résume d’une phrase lapidaire ce que pensent les autres pays de la circulaire du 31 mai : « L’approche française est plus qu’une leçon sur ce qu’il ne faut pas faire ».
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Devant les contestations, Claude Guéant s’est engagé le 23 décembre à ce que la circulaire soit modifiée en 2012. Il a en revanche refusé tout retrait du texte.
Le 4 janvier, le gouvernement a proposé une circulaire complémentaire sur les étudiants étrangers qui n’apporte aucune solution concrète. Le texte se limite à des modifications de forme qui ne résoudront pas les dégâts causés par la circulaire du 31 mai.
Le 6 janvier, la Conférence des présidents d’université (CPU), la Conférence des grandes écoles (CGE), la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) et le Collectif du 31 mai, qui représente les étudiants victimes de cette circulaire, ont donc travaillé ensemble à l’élaboration d’un nouveau texte qui a été transmis au gouvernement.
Les Gracques appellent donc le gouvernement français à retirer dans les plus brefs délais la circulaire du 31 mai et à adopter le nouveau texte qui lui a été soumis. Par ailleurs, les Gracques demandent à ce que les dossiers en attente de plus de 900 jeunes diplômés menacés d’expulsion soient régularisés d’ici la fin du mois de janvier 2012.