Europe 1 : « Le manifeste de la dernière chance » : le programme électoral des Gracques

Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l’actualité politique et nous livre son opinion. Ce jeudi, il s’intéresse aux Gracques, un « think tank », un club de réflexion très influent dans les allées du pouvoir. Ils ont publié un livre au titre plutôt sombre « Le manifeste de la dernière chance ».

A écouter sur Europe 1.

L’Opinion : Les Gracques font leurs propositions, après inventaire du quinquennat Macron

C’est peu dire que les Gracques sont déçus. Le « groupe de réflexion et de pression » de la gauche social-libérale, qui se prévaut, si ce n’est d’avoir fait élire Emmanuel Macron en 2017, du moins d’avoir permis aux idées social-libérales de s’imposer, a entrepris de dresser un bilan « honnête et objectif » du quinquennat, à quelques mois de l’élection présidentielle.

Pour ce groupe de hauts fonctionnaires, universitaires, étudiants, entrepreneurs, avocats etc., emmenés par Bernard Spitz, l’ex-patron de la Fédération française de l’assurance, le quinquennat Macron aura surtout rappelé « la puissance du “triptyque de la réforme” qui s’impose à tout élu » : 1) ce qui ne se fait pas au début de la mandature ne se fait plus ; 2) pour que la réforme prospère, elle doit avoir été parfaitement préparée avant ; 3) la légitimité et la préparation ne sont rien sans une bonne exécution… L’échec de la réforme des retraites est à cet égard emblématique, aux yeux des Gracques, d’un gros défaut sur le deuxième pilier du triptyque : « pas du tout préparée » selon Bernard Spitz, elle a abouti à un « projet de loi mal ficelé » qui a dû être abandonné en rase campagne.

Article complet à lire dans L’Opinion.

Le Point : 2022, le programme de la dernière chance

Dans un livre, le cercle de réflexion propose des réformes compatibles avec le « en même temps » macroniste.

On les sent quelque peu déçus par le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Les Gracques – ce cercle de réflexion de sensibilité sociale libérale qui regroupe des hauts fonctionnaires et d’anciens membres de cabinets ministériels, des chefs d’entreprise, des juristes, des enseignants, ainsi que des intellectuels, des médecins, etc. – considèrent que la jambe sociale de l’actuel chef de l’Etat a été négligée.

Article complet à lire dans Le Point.

L’Obs : Les Gracques proposent un programme de gouvernement… taillé sur mesure pour Macron

Depuis 2007, à chaque élection présidentielle, les Gracques, « groupe de réflexion et de pression » de la gauche sociale-libérale, refont surface. En publiant « le Manifeste de la dernière chance » (Albin Michel), les hauts fonctionnaires emmenés par Bernard Spitz, ex-président de la Fédération française de l’Assurance, proposent un programme de gouvernement clé en main pour le prochain quinquennat. « C’est le travail d’une quinzaine de groupes de travail qui a mobilisé une centaine d’experts, a souligné Bernard Spitz, le 4 octobre, lors d’une rencontre à l’Hôtel Montalembert coanimée par l’ex-PDG de Vallourec Philippe Crouzet et l’écrivain Erik Orsenna.

Article complet à lire dans l’Obs.

Le Progrès : Le « Manifeste » social-libéral de hauts fonctionnaires pour réformer la France

Un âge pivot de la retraite « à 64 ans, par souci de réalisme, et pas 67 ans comme le propose Édouard Philippe » ; la suppression de 250 000 postes de fonctionnaires d’État, mais par départs volontaires largement compensés… Ces deux propositions résument assez bien la ligne du « Manifeste de la dernière chance » présenté lundi par les Gracques: libérale mais sociale, se voulant un peu plus à gauche qu’à droite.

Article complet à lire dans Le Progrès.

M Le magazine du Monde – L’alliance Bayrou-Macron : la revanche des Gracques

Article de Zineb Dryef publié dans M Le magazine du Monde du 4 mars 2017.

C’était le 22 mars 2007. La campagne présidentielle, haletante, battait son plein. Nicolas Sarkozy ? Ségolène Royal ? François Bayrou ? Toutes les hypothèses étaient encore plausibles. Les sondages virevoltaient, indécis, quelques semaines avant le premier tour. C’est alors qu’un mystérieux groupe a fait son apparition sur la scène publique : les Gracques (du nom de deux hommes d’Etat réformistes romains, Tiberius et Gaius Gracchus). Une sorte d’amicale d’anciens hauts fonctionnaires de gauche, convertis aux joies du libéralisme. Ils ont jeté, ce jour-là, un gros pavé dans la mare en publiant une tribune dans Le Point qui leur a valu leur quart d’heure de célébrité. Un appel à une « coalition de progrès » entre la candidate socialiste et le candidat centriste.
L’histoire s’est écrite autrement. Nicolas Sarkozy l’a emporté. Et les membres du club sont retournés à leurs affaires, sans jamais vraiment structurer leur mouvement, mais sans pour autant fermer boutique.

Nous voilà dix ans plus tard. Encore un 22, février cette fois. Le Tout-Paris médiatique et politique attend une nouvelle candidature de François Bayrou. Mais, coup de théâtre, il fait une proposition d’« alliance » à Emmanuel Macron, qui s’empresse d’accepter. Les temps ont changé. Et voilà cet attelage qui fait désormais figure de challenger de Marine Le Pen pour le premier tour et de favori du second. Comme si les Gracques, enfin, étaient sur le point de voir leurs rêves exaucés.

« C’est une forme d’aboutissement politique d’une démarche intellectuelle, admet Alexandre Wickham, directeur de collection chez Albin Michel, qui est à la fois membre des Gracques et leur éditeur. On nous disait : “C’est irréaliste.” Mais notre combat n’a pas été inutile. » René Silvestre, fondateur de L’Étudiant, désormais dirigeant de pépinières d’entreprises, et membre des Gracques depuis 2007, accueille régulièrement dans son vaste appartement des soirées qui s’éternisent à refaire la gauche. Pour lui, l’alliance des deux hommes ne peut être que réjouissante. Même s’il tempère l’ardeur des complotistes : il appelle, modeste, à ne pas exagérer le rôle de ce petit lobby. « L’alliance de la gauche avec Bayrou, ce sont des idées qu’on distille depuis dix ans, mais nous ne sommes pas les artisans du rapprochement avec Macron. Si on y a un peu contribué, tant mieux. Disons que l’Histoire a un sens et qu’on est allés dans le sens de l’Histoire… »

Difficile de résumer ce groupe de surdiplômés (ENA, Polytechnique, HEC), passés autrefois par les cabinets ministériels socialistes (Rocard, Jospin, DSK, Bérégovoy) et désormais souvent des pointures du monde des affaires. Les intellectuels Erik Orsenna et Pascal Blanchard les ont rejoints. Le célèbre obstétricien René Frydman également. Ce dernier résume: « Les Gracques, ce sont des gens divers qui sont actifs dans la société, et se situent, grosso modo, sur une ligne réformiste. » « C’est à la fois un cénacle, un think tank, une société secrète qui opère à visage découvert », avance Alexandre Wickham. Bernard Spitz, président de la Fédération française de l’assurance, aime beaucoup l’expression employée un jour par le journaliste Jean Daniel: « Un groupe de réflexion et de pression. » Depuis, il l’a reprend. « Personne ne nous a mieux définis, sourit l’infatigable et volubile président des Gracques. Ce n’est pas une société secrète. Si vous allez sur le site des Gracques et que vous signez le manifeste, vous êtes un Gracque! » Bernard Spitz revendique 2 000 signataires, dont de nombreux jeunes.

En 2007, il rêve d’un groupe qui incarnerait un courant, une voix qu’il ne trouve nulle part. « Un courant progressiste, une sorte de rocardisme moderne »,  définit-il. Lors d’une réunion de ces « réformistes européens » tenue pendant leur université d’été en 2008, le rapporteur des débats est un jeune inspecteur des finances, tout juste entré chez Rothschild: Emmanuel Macron. Il ne s’éloignera plus guère. En 2015, il prend la parole lors d’un colloque organisé par le groupe. En septembre 2016, le Sommet des réformistes organisé par l’Institut Montaigne et par les Gracques à Lyon, sur les terres de Gérard Collomb, dont il est proche, a pris la forme d’un grand raout politique autour de l’ancien ministre de l’économie, qui clôturait l’événement.

Fait-il partie des Gracques? « C’est un compagnon de route », « tout le monde le connaît », « c’est un ami des Gracques », éludent ses membres qui reconnaissent pour certains avoir trouvé en lui leur candidat de rêve. Un candidat « issu de la gauche » qui affirme haut et fort: « Je suis libéral. » Pour autant, Bernard Spitz répète que « collectivement » les Gracques ne roulent pour personne mais pour des idées.

Construite pour infléchir la ligne de Solférino, l’association les Gracques n’a désormais plus vocation à regarder du côté du PS. Un des plus anciens membres du groupe reconnaît que « la donne a changé ». Depuis l’apparition d’Emmanuel Macron, « l’avenir de la gauche et du pays n’est plus au PS. De ce point de vue-là, on est quasiment tous partis pour soutenir cette candidature à titre individuel. » « Les deux tiers des Gracques connaissent Macron, admet un Gracque. Beaucoup travaillent pour lui. » Un autre ajoute: « J’ai adhéré à En Marche!, mais je ne suis pas dans l’équipe de campagne. » René Sylvestre, lui, n’a pas cette fausse pudeur. A bientôt 70 ans, le « plus vieux et le moins diplômé des Gracques », selon sa propre formule, assume son adhésion à En Marche! « Je ne suis ni de droite ni de gauche. Les Gracques me plaisent, il y a un côté gaulliste dans notre démarche, un côté pragmatique, non idéologique que je retrouve chez Macron. » Silvestre et sa femme ont contribué à hauteur de 15 000 euros à la campagne de l’ex-ministre de l’économie (« j’aurais donné davantage, si c’était autorisé! ») et participe à la rédaction des propositions dans ses domaines: entreprise et éducation. Macron est à l’écoute de ces « sages ». Il est le seul candidat à avoir reçu René Frydmand après l’appel de l’obstétricien à légaliser la PMA. « Il ne l’a pas fait parce que je suis un Gracque », nuance le professeur. Jacques Galvani, énarque et consultant en communication stratégique, membre des Gracques depuis cinq ans, se retrouve lui aussi (« évidemment ») dans les propositions d’En Marche!, auquel il a adhéré. Il rappelle que « cette idée qui a beaucoup été moquée », les cars Macron, a été proposée dès 2011 par les Gracques. Page 212 de leur livre-manifeste: « Développons donc le transport en autocar, avec des bus Greyhound à la française. » En 2014, lorsque Jean-Pierre Jouyet, membre fondateur des Gracques, entre à l’Élysée (et démissionne du groupe) et qu’Emmanuel Macron atterrit à Bercy, certains y voient la main du think tank. Accusés par Aquilino Morelle, conseiller déchu de François Hollande, d’avoir oeuvré en coulisses pour pousser le président à prendre un tournant libéral, les Gracques rigolent. « Si 10% de ce qu’on lisait sur les Gracques était vrai, on aurait changé le pays il y a dix ans », s’amuse Jacques Galvani.

« Ce n’est pas raisonnable de penser qu’on a influencé le tournant de François Hollande, juge un Gracque qui préfère rester anonyme. Il avait annoncé lors de notre université d’été de 2008 que les socialistes devaient faire prévaloir l’offre plutôt que la demande. Son tournant ne nous a donc pas étonnés. Nous l’avions appelé de nos voeux, mais nous n’étions qu’une voix parmi d’autres. » Le tournant est « arrivé trop tard », regrette même Jacques Galvani. « La fenêtre de tir était désormais trop courte pour obtenir des résultats. Psychologiquement, les électeurs n’ont rien compris. Il aurait fallu commencer de suite, dès 2012. »

« Les Gracques sont un groupe d’influence. Ils expriment leurs idées face à des gens qui eux détiennent le pouvoir », explique un membre. Les deux premières années de la présidence Hollande, les membres du « bureau », qui désigne le noyau dur des Gracques actifs, font passer des notes, demandent à être reçus, participent à des réunions en off dans les ministères. Un travail collectif toujours signé les Gracques. « On a un réseau important, lié à nos études, à nos expériences politiques et professionnelles. » Bernard Spitz est reçu trois fois à l’Élysée, à titre individuel. « Sous Hollande, on s’est dit: « Il faut agir! »; plus que des livres, on a fait passer des notes, on a rencontré des gens au pouvoir », raconte un des membres. « On plonge en sous-marin pendant six à huit mois et on ressurgit là où on ne nous attend pas », résume Alexandre Wickham. En l’occurrence, dans des tribunes assassines dans Le Point. Novembre 2012: « Pour les réformes, c’est maintenant! » Avril 2013: « C’est maintenant ou jamais! » (ce texte contrarie durablement Jean-Marc Ayrault). « Si Hollande affectait une certaine indifférence, il demeurait attentif à ce que les Gracques disaient ou publiaient », affirme Wickham.

Dix ans après leur appel à une alliance du PS et du Centre, la rupture semble consommée avec le parti de leur « jeunesse » dont ils jugent la ligne « archaïque ». En janvier, le soir du premier tour de la primaire à gauche, ils ne suivent le scrutin que pour la forme. « Par intérêt citoyen », corrige Bernard Spitz. Le « bureau » a organisé l’une de ces soirées d’appartement qu’ils affectionnent. L’élection de Bernoît Hamon les consterne. « Bien sûr, on aurait préféré que Manu (Valls) l’emporte, raconte l’un des membres. Mais Solférino est un astre mort. » « Le PS s’est replié sur son appareil. C’est un parti d’attachés parlementaires », ajoute un autre. « Les Gracques? Des « zozos », disait d’eux Hamon en 2007. Aujourd’hui, autour de lui s’est créé un groupe de réflexion monté par des jeunes gens pas tendance gauche libérale du tout. Ils s’appellent « les Grecs ».

Article de Zineb Dryef publié dans M Le magazine du Monde du 4 mars 2017.

Interview de Bernard Spitz sur les 500 jours de Manuel Valls à Matignon

Interview parue dans L’Opinion le 12 août 2015

Ancien du cabinet Rocard, le président de la Fédération française des sociétés d’assurance estime que l’arrivée de Manuel Valls à Matignon a permis à la gauche française de ne plus tenir «un discours anachronique par rapport aux autres sociaux-démocrates européens.

Bernard Spitz est président de la Fédération française des sociétés d’assurance et membre du bureau du Medef. Il a été conseiller au sein du cabinet de Michel Rocard, auquel appartenait aussi Manuel Valls. Il publiera à la rentrée un essai, On achève bien les jeunes (Grasset).

La nomination de Manuel Valls a-t-elle été, pour vous, une vraie rupture dans le quinquennat de François Hollande ?

Clairement. Même si Manuel Valls a soutenu activement François Hollande lors de la campagne présidentielle, il ne faisait pas partie du premier cercle, de la famille des hollandais. Manuel Valls est l’un des héritiers de la deuxième gauche, celle de Michel Rocard et Mendès-France. Lors de la primaire de 2011, c’est lui qui avait tenu le discours économique le plus audacieux.

Qu’est-ce qui caractérise ses 500 premiers jours à Matignon ?

La fixation d’un cap économique et le changement de méthode gouvernementale. Il a d’abord donné du crédit et une réalité au Pacte de responsabilité. Ce tournant qui avait été initié par le président au début de 2014 n’était pas incarné, ni traduit dans les faits. Manuel Valls l’a opéré. Cela a permis de faire passer un message clair aux entreprises: finis les atermoiements, les engagements seront tenus. Et puis il a tenu bon sur la loi Macron, qui était un test clé de sa volonté de réforme. Il a aussi corrigé le tir sur les décisions qui avaient conduit à un effondrement de la construction, rétabli à la hausse les crédits de l’apprentissage, élément fondamental pour l’accès à l’emploi des jeunes, et stoppé le zigzag sur la fiscalité, qui créait instabilité économique et confusion. Pour résumer, son arrivée à Matignon a symbolisé l’affirmation d’un discours qui ne soit plus anachronique par rapport aux autres sociaux-démocrates européens.

Si son discours en matière régalienne est clair et assumé, peut-on en dire autant sur le plan économique ?

Oui. Même si on peut espérer aller plus loin en matière de réformisme, il n’y a pas d’ambiguïté de sa part. Mais si vous me demandez son principal défaut, je vous répondrais : sa majorité, vu l’ampleur des contradictions qui la caractérisent. Quand certaines de ses composantes introduisent le doute sur la ligne, elles nourrissent la défiance. Manuel Valls a démontré à plusieurs reprises sa volonté de s’en affranchir pour réformer, notamment en assumant le choix politique du 49-3. Mais en même temps, nous vivons en démocratie, cette fraction a été investie et élue, il lui faut donc aussi en tenir compte.

Quelle est sa principale réussite ?

Avoir réinstauré cohérence sur la ligne politique et autorité sur le gouvernement et l’administration. Il a ainsi redonné toute sa place à Matignon. Avec un cabinet dirigé de façon professionnelle, l’interministérialité existe à nouveau. Avant de devenir Premier ministre, il avait déjà passé six années de sa carrière à Matignon, auprès de Michel Rocard et Lionel Jospin. C’est un élément essentiel. Matignon ne s’improvise pas.

Qu’a-t-il raté ?

Le quinquennat a changé la donne. Quand on arrive au bout de deux ans, il y a des choses qui ne peuvent plus être corrigées ou que le temps manque pour mettre correctement en œuvre. C’est le cas de la réforme des collectivités territoriales. Personne ne peut être au final complètement satisfait de ce qui en est sorti ! L’avenir tranchera sur d’autres sujets pour lesquels il y a matière à inquiétude comme la pénibilité ou les conséquences, notamment en matière de reste à charge, des textes sur la santé…

Que doit-il encore faire ?

Aller plus loin dans la réforme des structures, la simplification administrative, l’emploi des jeunes. Et continuer à faire prévaloir les engagements pris, en particulier le Pacte de responsabilité. C’est un engagement du chef de l’Etat. Revenir dessus serait inconcevable. L’économie a besoin de visibilité et de stabilité. Le doute entretient l’attentisme qui est l’ennemi de la croissance et de l’emploi.

Le vallsisme est-il une révolution irréversible pour la gauche française ou une simple parenthèse?

Manuel Valls y représente la deuxième gauche, une gauche ouverte sur le monde et l’économie, ni dogmatique, ni étatiste, ni jacobine. François Hollande a, lui, toujours été l’homme de la synthèse entre celle-ci et la première, celle de Mitterrand. Souvenez-vous des «Transcourants». La gauche de Valls est celle de la social-démocratie moderne, qui est aujourd’hui au pouvoir en Italie avec Renzi et en Allemagne dans le gouvernement de coalition, comme elle l’était hier avec Blair en Grande-Bretagne. Est-ce aussi irréversible pour la France ? L’irréalité et les incohérences des textes présentés au dernier congrès du PS ne sont pas rassurantes à cet égard. L’avenir proche nous dira si la gauche française moderne réussit de façon durable son rendez-vous avec l’Histoire, et comment.

A Matignon, Manuel Valls s’inspire-t-il davantage de Rocard que de Jospin ?

C’est un cocktail. Il y a une part de Rocard (la vision pragmatique de l’économie), une part de Jospin (l’autorité) et une part de lui-même, naturellement. Jeune quinqua, il apporte sa propre vision générationnelle et son histoire personnelle, qui joue un rôle essentiel dans son attachement au modèle républicain. Il y a aussi sa grande énergie. C’est un atout essentiel. Dans le monde d’aujourd’hui, face aux difficultés qu’un dirigeant doit affronter, aux inerties administratives, aux complexités juridiques, aux capacités de blocage politique, c’est souvent ce qui fait la différence.

Est-ce lui qui détient le destin de François Hollande entre ses mains ?

Il y a une règle simple dans la Ve : ce qui marche est un succès du Président, ce qui ne marche pas est un échec du Premier ministre. Aujourd’hui, leur duo est équilibré et conforme à la tradition du régime présidentiel: au Président, les dossiers internationaux et européens, la fixation du cap économique, les grandes réformes institutionnelles ; au Premier ministre, la gestion des difficultés du quotidien, le dialogue avec les partenaires sociaux et le Parlement, les arbitrages gouvernementaux, l’ordre public. François Hollande travaille avec lui en confiance : même s’ils se sont affrontés au premier tour de la primaire, Manuel Valls a ensuite été son premier soutien. Leur style est aussi complémentaire. Enfin, Manuel Valls apporte à l’ensemble de l’exécutif sa légitimité politique dans l’opinion, qui dépasse le seul électorat de gauche.

Ludovic Vigogne

 

Les Eclaireurs, sur les pas des Gracques 
et des Arvernes en vue de 2017

Article paru le 17 mars 2015 sur l’Opinion.fr

Les faits – Les tribunes de collectifs anonymes se multiplient. En 2007, les Gracques, étiquetés au centre gauche, avaient perturbé la campagne de Ségolène Royal. En 2012, les Arvernes sont nés à la suite de la défaite de la droite. Et voici les Eclaireurs. Très critiques sur le pouvoir du politique, ces groupes ont-ils vraiment une influence ?

La technique de la tribune anonyme n’est pas nouvelle. Le cardinal de Richelieu lui-même y avait souvent recours, signant sous des noms d’emprunt des articles favorables à sa politique ou préparant les Français aux réformes à venir. Depuis quelques années, elle est redevenue à la mode. Lors de la présidentielle de 2007 sont apparues celles des Gracques. En 2012, ce furent celles des Arvernes. Voici, dans la perspective de 2017, celles des Eclaireurs.

Ces collectifs naissent souvent de manière désordonnée. A l’image des Arvernes, dont la première réunion s’était tenue sur un coin de table, un soir d’été 2012, dans un café de Saint-Michel. On y trouvait d’ex-membres de cabinets de la droite vaincue, des avocats et même des journalistes. Pas de nom, aucune organisation, mais la volonté de dire enfin les choses publiquement après avoir eu le sentiment d’être étouffé par ses chefs lorsque ces derniers étaient ministres ou directeurs d’administration centrale. « Croyez-moi, si Sarkozy avait correctement fait son travail, je ne serais pas obligé de passer une partie du mien à rédiger des tribunes pour essayer de faire bouger les choses, s’agace aujourd’hui l’un d’eux. Notre apparition est un tragique constat d’échec prouvant l’affaiblissement structurel du pouvoir politique à cours d’idée, incapable d’influencer l’opinion, dépassé par une société civile symbolisée par des hauts fonctionnaires ayant plus de convictions que les élus. »

Les Arvernes ont été inspirés par le succès du collectif de gauche, les Gracques, qui avait perturbé la campagne de Ségolène Royal en 2007. A l’époque, ils avaient eu un bel écho médiatique, car l’identité de certains de ses membres avait fuité dans la presse. On y retrouvait quelques figures importantes du monde économique estampillées à gauche – Bernard Spitz, François Villeroy de Galhau ou Denis Olivennes – mais aussi Jean-Pierre Jouyet, le meilleur ami du couple Royal-Hollande. Cela avait été perçu comme le signe que le premier secrétaire du PS d’alors ne soutenait pas la ligne de sa compagne. Depuis, François Hollande est à l’Elysée. Très critiques sur les débuts du quinquennat, les Gracques se disent désormais satisfaits de « l’option réformiste retenue ».

Jean-Pierre Jouyet est, lui, devenu secrétaire général de la Présidence. « Il n’est pas le seul Gracque dans une fonction éminente, dit Bernard Spitz. Il est dans une prudente réserve. »

18 juin (sic) 2008 : un groupe d’officiers généraux et supérieurs des trois armées, baptisé Surcouf, publie un texte au vitriol dans Le Figaro contre la Loi de programmation militaire présentée par Nicolas Sarkozy. Il fait l’effet d’une bombe dans les milieux de la défense – et chez Dassault qui n’était pas dans la boucle. Le 22 février 2011, un groupe de diplomates, sous le pseudonyme de Marly, signe une tribune dans Le Monde pour fustiger la diplomatie du même chef de l’Etat. Même si un autre, le Rostand, leur répondra, il aura moins d’impact…

Tous ces collectifs ont en tête un précédent. Alors que la dépression née du Krach de 1929 frappe aux portes de la France, la revue interne de l’Ecole Polytechnique publie, le 25 août 1931, la tribune d’un de ses élèves appelant à une « réflexion sur le monde présent ». Des membres de l’école, souvent anonymes, rejoignent ce groupe, « X crise », appelant à une reprise en main du pays par la technocratie. Cela donnera naissance à un think tank officiel, le CPEE.

« C’est typique de la culture technocratique française, héritière d’une forte tradition administrative et centralisée, mais cela s’est accéléré ces dernières années, notamment parce que les changements de majorité laissent désormais sur le carreau plus de fonctionnaires. Ceux-ci ont donc enfin un peu le temps de réfléchir », avance un ex-membre de cabinet. « Les Gracques seront présents dans la campagne de 2017 », promet déjà Bernard Spitz. Les Arvernes aussi. Et les Eclaireurs comptent bien faire de même.

Par Cyrille Lachèvre et Ludovic Vigogne

Les solutions des Gracques pour sortir l’Etat de la crise

Article paru le 23 décembre 2013 sur challenges.fr

Les hauts fonctionnaires, intellectuels et chefs d’entreprises de gauche regroupés dans ce groupe de réflexion et de pression, la vraie réforme, c’est celle de l’Etat.

C’est un joli cadeau de Noël qu’adressent les Gracques au gouvernement. La « vraie remise à plat à entreprendre, ce n’est (…) pas celle de la fiscalité, c’est celle de notre Etat » pour réduire les dépenses, écrit le centre d’analyses dans une tribune publié par Le Monde dans son édition datée du mardi 24 décembre.

« La rénovation de l’Etat s’impose. Elle est possible ! Canadiens, Suédois, Allemands et tant d’autres ont montré la voie », écrivent les hauts fonctionnaires, intellectuels et chefs d’entreprises de gauche regroupés dans ce groupe de réflexion et de pression.

Comment procéder selon eux à une telle véritable « remise à plat » de l’Etat ?

« Un gouvernement de redressement, de reconquête et de simplification s’impose, poursuivent les Gracques. Il sera composé d’une quinzaine de ministres d’expérience, des politiques, qui s’appuieront sur une véritable équipe de management au sein des ministères ».

Selon eux, un tel gouvernement « fixera des objectifs de réduction des dépenses d’ici à 2017, en se donnant trois ans pour mener à bien les projets de transformation et d’économies ».

Du professionnalisme et de l’autorité

Mais ce gouvernement engagera aussi « la convergence des statuts publics et privés pour les nouveaux entrants, en commençant par les hauts fonctionnaires; il inclura dans son champ l’ensemble des collectivités publiques, notamment une réforme pragmatique des structures territoriales axée autour des grandes métropoles ».

« Pour mener à bien un tel programme, soulignent les Gracques, la main ne doit pas trembler. Du professionnalisme et de l’autorité ! »

« Réduire les dépenses pour sauver notre contrat social, reconstruire la confiance et relancer la croissance. La voilà la vraie, la seule urgence », insistent-ils.

A propos de la remise à plat de la fiscalité engagée par Jean-Marc Ayrault, les Gracques considèrent qu' »une réforme fiscale de grande ampleur a déjà eu lieu. Elle est derrière nous ».

« Elle a demandé un effort aux classes moyennes supérieures et frappé les plus fortunés en les taxant jusqu’à 62% sur les revenus et 1,5% sur le patrimoine » et aussi « aggravé les prélèvements sur les profits et les holdings des entreprises, déjà les plus taxées du monde… »

Quant à ceux qui « pensent que la fusion de deux impôts fondamentalement différents (l’impôt sur le revenu et la CSG) produira par miracle le rendement de trois, de sorte qu’on pourra redistribuer, ils se trompent et ils nous trompent », estiment les Gracques.

(Avec AFP)

 

 

 

Pour le collectif Les Gracques, la priorité est à la baisse des dépenses

Article paru le 23 décembre 2013 sur la-croix.com

Ce Think tank fondé en 2007 estime que la remise à plat de la fiscalité entreprise par Jean-Marc Ayrault est un débat « sans issue » et appelle à une réforme énergique de l’État.

Proche de la Gauche, le collectif Les Gracques qui avait appelé à voter François Hollande en 2012, publie une tribune dans Le Monde daté du 24 décembre qui critique sévèrement la réforme fiscale annoncée par le premier ministre Jean-Marc Ayrault et estime que la « vraie remise à plat à entreprendre, ce n’est (…) pas celle de la fiscalité, c’est celle de notre État »et passe selon eux par une réduction drastique des dépenses publiques.

Dans ce texte intitulé « La réforme fiscale est morte. Vive la réforme de l’État », ce collectif qui regroupe des hauts fonctionnaires mais aussi des intellectuels et des cadres d’entreprise ne cachent pas leur scepticisme à l’égard des projets du gouvernement. Il qualifie la remise à plat annoncée de la fiscalité de débat « sans issue » qui fera perdre des mois à la France.

LA REFORME FISCALE NE SE FERA PAS

Ils dénoncent un « discours de campagne électorale », estimant que « comme on ne peut faire une grande réforme des impôts directs que si l’on réduit massivement les impôts », celle-ci ne se fera pas. Et que ceux qui « pensent que la fusion de deux impôts fondamentalement différents (l’impôt sur le revenu et la CSG) produira par miracle le rendement de trois, de sorte qu’on pourra redistribuer, ils se trompent et ils nous trompent », poursuivent les Gracques.

Jugeant qu’une « une réforme fiscale de grande ampleur a déjà eu lieu » et qu’elle est « derrière nous », ils estiment qu’il est temps de passer à l’étape suivante afin de « recréer la confiance », en s’attaquant à la rénovation de l’État. « Elle est possible ! Canadiens, Suédois, Allemands et tant d’autres ont montré la voie », écrivent-ils

UN GOUVERNEMENT DE REDRESSEMENT

Il suggère pour cela de nommer un gouvernement « de redressement, de conquête et de simplification », composé d’une quinzaine de ministres qui s’appuieront sur une « véritable équipe de management au sein des ministères ». Celui devra fixer des objectifs de réduction des dépenses d’ici à 2017, en se donnant trois ans pour y parvenir. Les Gracques plaident par ailleurs pour une convergence des statuts publics et privés pour les fonctionnaires et pour une réforme des collectivités territoriales « axée autour des grandes métropoles ».

« Voilà des années que nous nous limitons à trouver des économies ici où là, sans avoir pris la mesure de l’effort à engager » regrette ce collectif. « Nous devons réformer l’éducation nationale, le système de santé, le millefeuille territorial, le marché de l’emploi… » affirment Les Gracques pour qui seule une telle action permettra aux Français « de reprendre confiance en leurs dirigeants », mais que pour mener un tel programme « la main ne doit pas trembler » et qu’il faut « du professionnalisme et de l’autorité ! ».

CÉLINE ROUDEN