L’agenda de sortie de crise se dessine maintenant clairement en trois étapes: urgence, reprise, relance. Trois temps distincts qui se succèdent dans une séquence décisive pour notre pays. Avec un objectif : revenir aussi vite que possible à la dynamique de croissance d’avant le Covid.
La phase d’urgence des deux derniers mois avait pour priorité d’éviter l’effondrement de notre économie et la suppression de centaines de milliers d’emplois: elle a globalement réussi. Le déconfinement actuel lance la seconde phase, celle de la reprise, avec un redémarrage de la production et de la consommation. Viendra plus tard le moment de la relance, qui devra aborder les sujets structurels, dont la question des relocalisations industrielles, et celle du partage de l’effort.
N’en doutons pas: le temps de la relance sera le moment d’un nouvel impératif industriel. Les Etats européens, au moment où ils interviennent de façon massive dans l’économie, disposent d’une opportunité unique pour redéfinir leurs orientations de politique industrielle, avec un enjeu majeur de coordination au niveau de l’Union. Telle est la perspective dans laquelle Les Gracques s’engagent et présenteront bientôt leurs propositions. La phase de relance nécessite en effet une préparation approfondie et concertée – approfondie parce que concertée – ainsi que des modifications du cadre réglementaire et fiscal tant français qu’européen. Elle implique aussi une réorganisation de l’Etat pour lui redonner les moyens de faire ou de “faire faire” à d’autres avec plus d’efficacité. D’ici là, donnons-nous toutes les chances de réussir la reprise.
Nous avons, dans une précédente note, souligné l’urgence des mesures à prendre pour réussir la reprise. Les mesures de soutien aux secteurs économique les plus touchés ne peuvent attendre le paramétrage fin d’un plan de relance à l’automne, sauf à voir une partie de leurs acteurs disparaître entre temps. Le Gouvernement a fait un premier pas en faveur du tourisme et de l’automobile. Mais d’autres activités comme la restauration ou les centres commerciaux restent dans l’incertitude quant aux dates de réouverture; et la pente de la reprise reste une incertitude majeure dans tous les secteurs.
D’une façon générale, la dimension psychologique et les anticipations des acteurs économiques sont un élément clé de la reprise. Il est bien sûr impossible d’avoir des certitudes macroéconomiques à ce stade. Au moins peut-on s’attacher aux conditions de la reprise au niveau microéconomique, et identifier ce qui peut contribuer à créer une dynamique de confiance chez tous les acteurs économiques: consommateurs, salariés, chefs d’entreprise, investisseurs. Qu’ils disposent d’une visibilité suffisante, qu’ils obtiennent rapidement du soutien financier nécessaire, qu’ils aient confiance dans leur avenir à court et moyen terme, et la consommation, la production et enfin l’investissement repartiront. Sans confiance à l’inverse, il serait vain de déverser des milliards en aides, prêts ou subventions : l’attentisme deviendra la règle et l’absence de dynamique nous fera tout juste passer de l’atonie à une croissance molle, faussement flatteuse dans un premier temps, mais finalement incapable de digérer le choc d’activité autrement que par des mesures d’économie, des coupes dans les investissements et des plans sociaux, au risque d’une profonde déstabilisation économique et sociale.
C’est ce qui nous a conduit à nous interroger sur les facteurs qui peuvent aujourd’hui freiner la construction de la confiance, ou même créer de la défiance.
La défiance part de haut : à peine le déconfinement lancé, plusieurs ministres faisaient déjà l’objet de dizaines de poursuites pénales devant la Cour de Justice de la République, des associations s’étant constituées à cette seule fin. Que la France soit le pays d’Europe le plus exposé à subir ce phénomène devrait interroger les consciences. Il est évident que cette démarche punitive est délétère sur l’esprit public et ne peut, en inhibant les décideurs, que nuire au bon exercice de leurs responsabilités. Une partie du corps social fonctionne comme un groupe de supporters qui préfèrent perdre le match pour le seul plaisir de lyncher l’entraîneur, plutôt que de se mobiliser pour gagner la partie.
Dans la sphère économique, les premiers jours du déconfinement, et les semaines qui l’ont précédé ont montré une dynamique positive dans notre pays. Il existe une volonté réelle de travailler et de repartir de l’avant. Mais nous constatons aussi qu’elle se heurte – plus qu’ailleurs – à des obstacles qui peuvent déprimer les anticipations des acteurs économiques et faire perdre des opportunités.
L’objet de cette note est d’identifier un certain nombre de leviers pour créer de la confiance, et de proposer des mesures pour lever des obstacles à la reprise, afin d’aborder dans les meilleures conditions possibles la phase suivante de la relance.
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