Les Gracques reviennent à la charge!

Bonjour à tous,

Les Gracques reviennent à la charge!

La version 2.0 de notre site, www.lesgracques.fr, est en ligne. Il a été clarifié et recentré autour du coeur de notre activité: la publication de textes et le débat public. Il est conçu comme un porte-voix pour nos idées, ainsi qu’une plateforme de discussion. Vous y trouverez toutes les ressources nécessaires pour nous envoyer un texte, proposer un projet de publication et commenter les éditos. N’hésitez pas à le forwarder à vos contacts, afin que notre Manifeste obtienne un soutien plus large !

Nous profitons aussi du renouvellement de notre site pour annoncer que la seconde Université d’été des Gracques se déroulera le 7 septembre prochain, au théâtre de la Cité Internationale, à Paris. Nous reprendrons le format de l’an dernier; des tables rondes alterneront avec des interventions de personnalités publiques. Le thème de cette année sera  » Global Left : les réponses de gauche aux grands déséquilibres mondiaux ». Nous compterons parmi nous, entre autres, Peter Mandelson, Daniel Cohen, Erik Orsenna, Jacques Attali, Michel Rocard et Francesco Rutelli. Des maires et des personnalités publiques de nombreux pays européens seront également présents. Un grand déjeuner sera organisé le dimanche, avec les intervenants et le public, au théâtre de la Cité Internationale.

Réservez donc cette journée sur votre agenda et parlez-en autour de vous ! Nous vous tiendrons informés dans la semaine sur les modalités d’inscription. 

Nous vous invitons d’ici-là à revenir visiter notre site pour vous tenir au courant des dernières évolutions de l’université d’été, et pour suivre nos éditos…

Amitiés,

Les Gracques

 

06/88-06/08 : vingt ans après les accords de Matignon, la politique qui réussit

Il y a vingt ans, le 26 juin 1988, étaient signés les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie. Pendant dix ans, ils ont assuré le rétablissement de la paix civile et permis la réconciliation. Ils ont contribué à rééquilibrer les pouvoirs politique et économique, entre les communautés, les forces politiques et les territoires. Même si de fortes inégalités subsistent, les Kanak ont retrouvé dans la société calédonienne des positions qui leur étaient longtemps déniées et leur culture a acquis une reconnaissance symbolisée par le centre culturel Tjibaou, au cœur de Nouméa.

Dix ans plus tard, le 4 mai 1998, l’accord de Nouméa a permis de franchir une nouvelle étape dans ce qu’il faut bien appeler une entreprise de décolonisation consensuelle. Son préambule exprime pour la première fois une vision partagée de l’histoire et de l’avenir du pays et un regard commun sur la période de la colonisation. La « souveraineté partagée » de la Nouvelle-Calédonie avec la France se traduit, entre 1998 et 2014, par le transfert progressif et irréversible des compétences jusqu’ici exercées par l’Etat, à l’exception des compétences régaliennes. Il institue une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, distincte de la nationalité française. Notre Constitution comprend désormais un titre consacré à la seule Nouvelle-Calédonie et le Conseil constitutionnel a jugé que les principes de l’accord de Nouméa ont valeur constitutionnelle.

Au lendemain du drame d’Ouvéa, en mai 1988, qui eût parié sur une telle évolution ? Ce qui a pu être qualifié de « miracle calédonien » repose sur la conjonction inespérée de plusieurs facteurs :

* D’abord, la personnalité exceptionnelle de deux dirigeants d’exception, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, qui ont su s’élever au-delà des déchirures encore vives du présent immédiat, pour se projeter dans l’avenir et l’envisager en commun : la politique qui réussit, c’est celle qui se fonde, non sur la haine et la peur, mais sur ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité.

* Ensuite, la présence aux responsabilités politiques de deux dirigeants socialistes, Michel Rocard et Lionel Jospin, dont la conscience politique s’est forgée dans la lutte contre la guerre d’Algérie, et qui ont partagé une approche commune d’une décolonisation viable et pacifique : la politique qui réussit, c’est celle qui s’enracine, non dans le cynisme et la soumission à la dictature de l’opinion, mais dans des valeurs et des convictions.

* La durée est également une composante essentielle de la mise en œuvre des accords de Matignon et de l’accord de Nouméa : pour former des cadres de la Nouvelle-Calédonie de demain, réaliser les infrastructures qui en permettent la viabilité économique, surmonter les méfiances ancestrales, assumer les compétences que l’Etat a exercées jusqu’ici, le temps est un allié dont on ne peut pas se passer. La politique qui réussit, c’est celle qui ne s’inscrit pas prioritairement dans le calendrier des échéances électorales, mais qui donne au temps le temps nécessaire de la transformation sociale.

* La continuité est le corollaire de la durée : la droite, qui avait à se faire pardonner Ouvéa, n’a pas cherché à remettre en cause la lettre des accords et a poursuivi leur mise en œuvre. La Nouvelle-Calédonie a cessé d’être un enjeu de politique intérieure pour devenir une cause commune républicaine. La politique qui réussit, c’est celle dont la légitimité s’impose avec une force suffisante pour ne pas être tributaire des alternances politiques.

Tout n’est pas réglé pour autant, loin s’en faut. La situation reste fragile : des rivalités politiques demeurent, des tensions sociales s’exacerbent devant l’inégale répartition des fruits de la prospérité économique liée à l’économie du nickel, une jeunesse nombreuse se sent encore exclue de cet avenir. Il reste que le 26 juin, anniversaire de la signature des accords de Matignon, a été choisi par le gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie comme une sorte de « fête nationale ». A cette occasion, il rendra publics une devise, un hymne, l’illustration des billets de banque qui formeront les premiers « signes identitaires » de la citoyenneté calédonienne. La politique qui réussit, c’est celle qui répond à la belle définition qu’en donnait Pierre Mendès France : « Toute action n’est pas vaine, toute politique n’est pas sale ».

Cinq enseignements du « non » irlandais

Ce n’est pas le « non » irlandais qui témoigne du désenchantement des citoyens à l’égard de la construction européenne, c’est le pourcentage des abstentions : à peine 53 % des électeurs d’un des pays qui a été l’un des principaux bénéficiaires des politiques communautaires de redistribution et de développement se sont mobilisés pour se prononcer sur le traité de Lisbonne.

Longtemps, les républicains se sont défiés de la procédure référendaire, instrument favori du populisme et des régimes autoritaires, véhicule des angoisses collectives et amalgame des pulsions contraires. Dans nos sociétés complexes, où la loi est nécessairement le reflet de cette complexité, seuls les démagogues peuvent soutenir que l’adoption de la loi serait plus légitime par référendum que par le suffrage parlementaire.

Il est logique que MM. Le Pen et de Villiers se réjouissent du « non » irlandais. Que MM. Besancenot, Chevènement, Emmanuelli, Mélenchon et Mme Buffet considèrent que ce vote exprime la « défaite de l’Europe libérale et non démocratique » est une ânerie doublée d’une forfaiture. Toutes les analyses du « non » irlandais montrent en effet qu’il a d’abord été inspiré par une volonté de statu quo, de maintien du dumping fiscal qui a été à la base de la prospérité irlandaise, par un certain égoïsme et le refus d’une réduction des fonds structurels au profit des nouveaux Etats-membres de l’est européen, sans parler de la campagne d’une fraction du clergé catholique contre le droit à l’avortement… MM. Emmanuelli et Mélenchon, notamment, seraient bien inspirés de tirer les conséquences du divorce désormais flagrant entre leur position et la nouvelle déclaration de principes du Parti socialiste, résolument européenne.

On ne règlera pas la question de l’adhésion des opinions publiques à la construction européenne en cherchant d’abord à régler la question institutionnelle. Le désamour des peuples tient d’abord aux faiblesses de l’Europe d’aujourd’hui à apporter des réponses aux enjeux de la vie quotidienne : pouvoir d’achat, emploi, protection sociale, développement durable… A cet égard, les projets de directive sur la durée du travail ou l’immigration, ou encore les arrêts Laval et Viking de la Cour de justice des communautés européennes, qui font prévaloir les règles du libre échange sur celles de la négociation sociale, sont infiniment plus préoccupants. Et ce n’est pas le rejet du Traité de Lisbonne par les Irlandais qui empêchera ces projets de prospérer, bien au contraire.

Jacques Delors a raison de dire qu’il faut revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire aux politiques communes, et d’abord dans les domaines essentiels pour le présent et pour l’avenir. Créer une Communauté européenne de l’énergie, comme la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a précédé l’adoption du Traité de Rome, pourrait être une occasion de redonner sens et perspective au projet européen. Ce ne sera pas chose aisée tant les différences sont grandes, par exemple sur la question du nucléaire, et les intérêts divergents. Mais au moment où le déclin amorcé des énergies fossiles se mesure chaque semaine quand les Européens font leur plein d’essence, ce serait une bonne façon de montrer qu’il n’y a de réponse viable, à la fois pour le pouvoir d’achat et pour l’environnement, que dans une démarche collective, solidaire et responsable – c’est-à-dire européenne.

 

Seconde Université d’Eté des Gracques le 7 Septembre: réservez votre journée!

La seconde Université d’Eté des Gracques, organisée en partenariat avec le Nouvel Observateur, se tiendra à Paris le 7 septembre prochain. Comme l’an dernier, des personnalités de la Gauche européenne seront invitées pour échanger au cours de tables rondes et d’interventions, toute la journée, de 9h à 18h. Le thème de cette année sera « La Gauche mondialisée: les réponses de Gauche aux grands déséquilibres du monde ». Nous compterons parmi nous, entre autres, Walter Veltroni, Josep Borell, Michel Rocard… Marcel Gauchet ouvrira cette seconde Université d’été.

Réservez vite votre place en nous envoyant un mail à abecedairedesgracques@gmail.com. Nous vous recontacterons bientôt pour vous donner le lieu de notre seconde Université d’Eté.

Les 35 heures: réforme ou calculs politiques?

La CGT, la CFDT et le MEDEF ont, au cours des derniers mois, fait plus progresser le dialogue social que ce n’avait été le cas depuis des décennies. La position commune sur la représentativité, les avancées sur le contrat de travail ont tracé la voie d’une évolution vers un syndicalisme ferme sur ses convictions, défendant efficacement les intérêts de ses mandants, et passant des accords avec un patronat modernisateur. Bernard Thibault, François Chérèque, Laurence Parisot ont démontré qu’il est possible de bouger sans se renier, et que la légende tenace de l’impossibilité de réformer en France était sans fondement.

Le tout s’est fait, de surcroît, dans le cadre d’un dialogue intelligent avec les pouvoirs publics : fixation de calendriers de négociation, place laissée au temps qu’elle requiert, et, croyait-on, consécration législative des résultats de la négociation. Xavier Bertrand était entrain d’y gagner ses galons d’homme politique de talent, clair sur ses objectifs et habile à la manœuvre.

Trop beau. En moins d’une semaine, tout ceci est sérieusement remis en cause. Résumé du film : une déclaration de Patrick Devedjian sur la nécessité de casser définitivement les 35 heures, une reprise de ballon de Xavier Bertrand pour expliquer que c’est inutile (jusque là, tout va bien), et, stupéfaction, la mise à l’ordre du jour d’un prochain conseil des ministres d’un texte qui, sur la durée du travail, va beaucoup plus loin que ce sur quoi s’étaient mis d’accord le patronat et les grandes confédérations dans la position commune.

Bilan : triomphe de ces grandes forces de progrès, sur lesquelles on peut compter pour faire avancer la réforme dans le pays, que sont FO et la CFTC, qui clament à qui veut l’entendre qu’elles ont bien fait de ne pas signer la position commune ; déstabilisation de François Chérèque qui avait été l’artisan tenace du retour de la CGT à la table de négociations ; porte-à-faux pour Bernard Thibault ; situation délicate pour Laurence Parisot, qui trouve jeté sur la table un texte plus favorable aux intérêts patronaux que celui de la position commune, mais ne peut l’accepter sans risquer que s’effrite la confiance qu’elle avait commencé d’obtenir des grandes confédérations.

Du côté politique, victoire du désir de paraître sur la volonté de progresser, quelques miettes pour une supposée base politique trouvant que le gouvernement manquait de fermeté, et, dans quelques mois peut-être, prise de conscience qu’il aura gâché une occasion unique de pouvoir revendiquer, après qu’il aurait été obtenu dans la discrétion, les mérites d’un succès de grande ampleur : avoir rendu possible l’émergence d’un dialogue social moderne en France.

Tout n’est pas tout à fait perdu pour autant. Il reste encore une ou deux semaines avant que le texte ne soit sur la table du conseil des ministres, et Xavier Bertrand a laissé entendre qu’il était ouvert à une forme de discussion. Mais ce calendrier est bien court, et la CGT comme la CFDT peuvent légitimement ne pas avoir envie de se prêter à un exercice qui repose sur l’affirmation tellement française, et tellement archaïque, de la suprématie du Politique sur le dialogue social.

Ou faut-il plutôt parler du triomphe des calculs politiques à courte vue sur le vrai choix de société qu’est l’encouragement réel, actif à un dialogue social responsable, sans lequel aucune politique de réforme ne peut réussir durablement ?