Vers un « Grenelle des Grenelle » ?
Après le « Grenelle de l’environnement », le gouvernement lance le « Grenelle de l’insertion », l’opposition réclame un « Grenelle des salaires et du pouvoir d’achat », l’Association des Maires de France un « Grenelle de la fiscalité locale », les syndicats de journalistes un « Grenelle de la presse » et les milieux du spectacle un « Grenelle de la culture »… À quand le « Grenelle des Grenelle » ?
Hormis un hommage involontaire à Mai 68 pour un régime qui prétendait rompre avec son héritage, il faut surtout y voir la marque d’un extraordinaire besoin de réforme qui traverse tous les secteurs de la société française, réforme reposant sur un diagnostic partagé, sur la cohérence des solutions, sur l’articulation du court et du long terme…
Ce besoin de réforme se heurte à la difficulté pour certaines organisations politiques et syndicales d’assumer leur réformisme : on le voit avec les contestations basistes auxquelles est soumise la direction confédérale de la CGT, comme ce fût le cas en 1995 pour celle de la CFDT. On le voit aussi à l’UMP, dont les dirigeants sont constamment tentés par une instrumentalisation idéologique des réformes, ou au Parti Socialiste, dont il sera difficile de croire à la rénovation si elle se résume – en dépit de travaux préparatoires de qualité – à un séminaire de trois heures trente sur le thème de la Nation. Le besoin de réforme se heurte aussi à la cristallisation d’un radicalisme politique et syndical, autour de SUD, de la LCR et de certains altermondialistes, qui exprime d’une certaine manière l’idéologie de la « lumpen intelligentsia », et qui pèse, comme un boulet, aux basques des grandes organisations qui peinent à assumer leur réformisme.
La réforme n’a pas uniquement besoin de « Grenelle », elle a besoin de sens. À cet égard, la principale difficulté de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement ne tient pas à la multiplicité et au rythme de l’ouverture des chantiers, ce qui correspond aux attentes du pays, mais à l’absence de sens et de cohérence de ces réformes.
Dans les pays d’Europe du Nord où les syndicats jouent un rôle clé dans l’évolution réformiste de la société, c’est aussi parce que c’est un syndicalisme de services (dans le domaine du placement, de l’emploi ou de la formation professionnelle). Le rapprochement ANPE-UNEDIC aurait pu être l’occasion de renforcer les syndicats réformistes en leur confiant directement la gestion de ces fonctions essentielles aux salariés, en matière de reconversion, de mobilité et de sécurité professionnelle. Malheureusement, comme avec les mesures fiscales de l’été 2007, les réformes entreprises profitent d’abord aux situations acquises.
Le président de la République doit s’en persuader : on ne fera pas de réformes sans réformistes, on ne fera pas de réformes sans qu’elles ne contribuent à renforcer les organisations réformistes.