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La création d’entreprises innovantes, c’est aussi et surtout en France ! Pour un soutien aux pépinières d’entreprises

Zones d’Innovation et de Croissance

La France est dotée d’un écosystème de 440 pépinières et incubateurs d’entreprises, qui hébergent 8500 startups créé environ 40.000 emplois par an !

Cet écosystème existe depuis 40 ans, il est essentiellement soutenu par des organismes publics (Chambres de commerce, Régions, Communautés de communes). Cependant les pépinières et incubateurs n’ont aucune reconnaissance particulière de la part de l’Etat sur le plan social, économique et fiscal.

Ces lieux sont considérés comme de simples « loueurs de bureaux ».

Cette situation est tout à fait scandaleuse au vue des missions d’animation et d’accompagnement qui incombent aux pépinières et aux incubateurs. Missions qui nécessitent des charges d’équipement et de personnels qui n’ont rien à voir avec la simple gestion locative d’un bureau.

Il convient donc de leur accorder un statut, et par là-même, une reconnaissance leur permettant d’assurer leur mission et de se développer.

C’est le sens de la proposition de créer les Zones d’Innovation et de Croissance qui serait la nouvelle définition administrative pour les pépinières et incubateurs.

Ces ZIC s’inspirent des zones franches, dont les missions sont assez similaires en particulier en matière de croissance et de création d’emplois.

Nous proposons une série de mesures cohérentes, justifiées, simples à appliquer et à contrôler.

Exonération totale pour les pépinières et incubateurs de la taxe foncière et de la taxe sur les bureaux et en conséquence une diminution du coût des loyers pour les startups hébergées.

Exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés pendant 5 ans pour la structure qui hébergent et pour les startups hébergées.

Exonération des charges sociales patronales pour la part des salaires inférieurs à 1,5 fois le smic, que ces emplois soient dans les startups ou dans les pépinières et incubateurs.

Le législateur pourrait accepter de faire bénéficier ces pépinières et incubateurs de l’avantage fiscal accordé aux dons (Déduction d’impôt à concurrence de 66% des sommes versées). Cela permettrait à des entreprises ou à des particuliers de venir contribuer au financement « d’opérations spéciales » hors fonctionnement courant.

En allégeant les charges des pépinières et incubateurs et en conséquence celles de leurs startups on rend le lieu plus autonome et moins dépendant des collectivités locales et on en facilite le développement et augmente son attractivité.

On diminue aussi le taux d’échec des startups qui est moins important pour une startup accompagnée dans une pépinière ou un incubateur.

Par ailleurs, il est indispensable et logique que le privé se mette à créer des pépinières et incubateurs. Peu d’exemples existent aujourd’hui (Pépinière 27, Village du Crédit Agricole, Station F…).

La rentabilité de l’investissement immobilier, préalable à la création d’une pépinière d’entreprises, ne pouvant dans ce cas dépasser 1% par rapport à des minima de 4% escomptés, nous proposons la création d’un avoir fiscal annuel de 3% de l’investissement immobilier sous la forme d’une déduction sur les autres revenus fonciers.

En contribuant au développement des startups implantées sur tout le territoire on démontre que l’innovation est partout et qu’elle irrigue le pays dans tous les domaines économiques.

En créant un « statut » pour les pépinières et incubateurs et les startups qu’elles hébergent on conforte le succès de cet écosystème, on sanctionne sa place économique et sociale dans le développement du pays, on assure son développement public et privé. On envoie un message politique fort en matière d’innovation, de croissance et d’emploi.

On montre enfin que la création d’entreprises innovantes c’est aussi et surtout en France et pas seulement dans la Silicon Valley, à New York, Londres ou Tel Aviv…

C’est ici et maintenant que ça se passe. C’est maintenant qu’il faut le reconnaitre et le faire savoir.

René Silvestre

Président du Réseau National des Pépinières d’Entreprises

Marché numérique unique : et après ?

Analyse de Gilles Babinet, publiée sur le site de l’Institut MontaigneMarché numérique unique : et après ?

Le marché numérique européen s’est considérablement transformé ces cinq dernières années : en témoigne  la nouvelle réglementation en matière d’itinérance du 15 juin 2017, qui permet aux citoyens européens de payer l’Internet mobile au tarif national indépendamment de l’endroit où ils se trouvent dans l’Union européenne (UE). Son unification continuera en 2018. Bientôt, avec la modernisation des lois sur les droits d’auteur, ce sont les contenus en ligne qui vont être touchés : un voyageur pourra accéder à son compte Netflix au delà des frontières de son pays d’abonnement. Ces changements sont partie intégrante de la stratégie numérique de l’Europe, qui inclut par exemple l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25 mai 2018. Cependant, alors que le marché numérique unique est essentiel, il ne suffit pas à lui seul  pour faire de l’UE une force incontournable en matière de nouvelles technologies.

Pourquoi un marché numérique unique ?

La création d’un marché numérique unique est indispensable. Le défi pour l’Europe est de créer un terreau fertile afin que des entreprises européennes, aujourd’hui limitées à un marché national (par exemple les 66 millions d’habitants français), puissent agrandir leur terrain de jeu et ainsi concurrencer les géants technologiques chinois et américains. Car les chiffres sont inquiétants. Si aux Etats-Unis on compte près de 106 licornes (une start-up dont la capitalisation boursière est valorisée à plus d’1 milliard d’euros), il n’y en aurait que 17 en Europe. Il s’agit là de bien plus qu’un simple combat de coqs : au vue des transformations que la technologie entraîne avec elle, sur le long terme la souveraineté  de la région est en jeu.

Aujourd’hui les géants américains dominent le marché lorsqu’il s’agit de créer et d’entraîner des systèmes algorithmiques “intelligents” à partir de données d’utilisateurs (de Google, Apple, Facebook, Uber, etc.). Alors que les décisions deviennent de plus en plus automatisées et assistées grâce à leur utilisation, la question de l’accessibilité de l’information se pose. Si un pays n’est plus en mesure d’ouvrir lui-même la “boîte noire” de ces logiciels afin de mieux comprendre ses décisions, il est dépendant de la volonté d’un fournisseur étranger, lequel accroît de ce fait son pouvoir de négociation. Ce sujet est particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de données de sécurité nationale : si l’Etat français ne peut développer sur son territoire les technologies capables d’assurer sa sûreté dans un monde digital, doit-il recourir aux outils américains ou chinois ? Un pays peut-il être indépendant lorsqu’il s’en remet à une organisation étrangère pour miner de telles informations ?

De plus, la dépendance est également économique. Aujourd’hui, on peut raisonnablement estimer que la balance des échanges en matière de services numériques est déficitaire de plusieurs milliards d’Euros. De l’autre côté, les exportations numériques françaises ne représentent pour l’instant que des montants faibles, si ce n’est marginaux. Ce phénomène ne va pas en s’améliorant : demain, avec l’avènement de services considérés comme vitaux, tels que les smart grids (des réseaux d’énergie utilisant des calculs algorithmiques pour réguler la quantité d’énergie produite et distribuée en fonction de la consommation d’une zone géographique) ou les logiciels bancaires (permettant l’automatisation des transactions), ce déséquilibre pourrait atteindre une part significative du PIB national.

Les quatre piliers de l’innovation

Face à ces menaces, l’émergence d’entreprises européennes de taille critique, fortes, innovantes et capables d’exploiter la quantité astronomique de données produites chaque jour, est notre meilleur atout. La finalisation d’un marché numérique est le premier pas pour y parvenir. Si nous voulons résister à la compétition, il faut entrer dans la position d’acteur de la transformation à l’aide d’un corpus d’idées politiques européennes pour le numérique.

Car si le marché numérique unique (ou Digital Single Market à Bruxelles) est indispensable, à lui seul il est insuffisant pour pérenniser l’économie numérique européenne et, à long terme, assurer son rayonnement dans le monde. En s’inspirant des hubs technologiques étrangers (par exemple, d’ouest en est : la Silicon Valley, Atlanta, Boston, New York, Londres, Stockholm, Herzliya, Haïfa – en Israël -, Shenzhen ou Shanghai), on note que le développement des écosystèmes numériques repose sur quatre piliers :

  1. l’accessibilité du capital aux entreprises numériques, de l’amorçage au stade de maturité ;
  2. la qualité du capital humain et donc un système de formation (enseignement supérieur et formation professionnelle) inscrit dans une transition vers l’ère digitale ;
  3. l’émergence de clusters de taille critique (au minimum 5 000 personnes dédiées, en contact dans une zone géographique restreinte) créant des liens entre universités, grandes entreprises et start-ups ;
  4. des politiques publiques accommodantes, facilitant l’entrée de nouveaux arrivants.

Le défi est donc de créer ces conditions favorisant l’innovation et la croissance dans le milieu technologique.

L’importance des politiques publiques

En se penchant sur l’histoire récente des Etats-Unis, il est possible de retracer les directives allant dans ce sens. Par exemple, le pays était le premier à introduire le fameux principe de neutralité du net qui a récemment fait couler tant d’encre après son abrogation le 14 décembre dernier. Celui-ci a permis à un grand nombre de start-ups d’accéder à l’infrastructure numérique, touchant ainsi au quatrième pilier mentionné ci-dessus. De même, Al Gore avait mis en place dans les années 1990 une taxe fédérale sur l’e-commerce, interdisant ainsi aux Etats américains de taxer individuellement les bénéfices sur le commerce en ligne. Enfin, on remarque la mise en place de réglementations accommodantes sur le  capital risque ou de politiques publiques ambitieuses en matière de financement de technologies de ruptures à vocation  militaires (qui, entre autres, aboutiront à l’invention d’internet) par le gouvernement durant la guerre froide. Cela a fortement favorisé l’émergence du complexe militaro-académique qui a eu le triple avantage de former des talents, rendre du capital disponible et initier la création de clusters. Ces initiatives ont énormément participé à l’essor de l’économie numérique aux Etats-Unis.

De notre côté, en Europe trop d’entreprises innovantes sont aujourd’hui freinées par une régulation qui favorise les acteurs traditionnels, généralement nationaux. Or, si les entreprises innovantes ne sont pas en mesure de grandir, leurs services ou produits technologiques resteront la proie de géants tels que Facebook, qui peuvent soit les acquérir soit les copier, et ainsi transférer l’innovation vers les Etats-Unis.

Il faut donc encourager nos entreprises à l’échelle européenne, d’abord en leur offrant un marché numérique unique comme celui que nous sommes en train de créer, mais également en favorisant l’émergence d’environnements aux caractéristiques ci-dessus (capital financier accessible ; capital humain qualifié ; clusters ; politiques publiques accommodantes).

Il est difficile d’envisager une stratégie d’émergence numérique sans créer des logiques d’innovation militaires européennes. Le principe d’une grande agence d’innovation de rupture européenne, tel qu’il est actuellement envisagé avec le soutien français, ne peut à cet égard qu’être encouragé. De la qualité de sa gouvernance dépendra son succès. Sur ce point, il est faux de croire que tout se résume aux montants investis comme cela s’entend souvent : des stratégies audacieuses, sur des terrains de rupture (comme l’intelligence artificielle, les systèmes décentralisés…), peuvent aboutir à des niveaux d’efficacité très élevés.

Paradoxalement, avec l’élection d’Emmanuel Macron d’une part, le Brexit et l’élection de Donald Trump d’autre part, se crée une forme de momentum qui pourrait être favorable à l’innovation européenne. De surcroît, les nombreux conflits entre les Etats européens et les plateformes américaines sont peut-être en train de catalyser une volonté d’unification du continent sur les sujets technologiques. Dans le cas de Google et de la politique de la concurrence, seuls les 28 Etats membres sous le nom de la Commission européenne ont pu avoir assez de poids pour infliger cette facture de deux milliards d’euros. Nous pouvons nous réjouir de cet événement qui a fait apparaître le besoin d’un agenda politique européen sur le numérique. Et si pour l’instant les politiques publiques se dessinent dans l’adversité, il faut espérer que dans le futur elles procéderont d’une volonté d’endosser le rôle d’acteur de la transformation numérique.

Analyse de Gilles Babinet, publiée sur le site de l’Institut MontaigneMarché numérique unique : et après ?