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De quoi la Grèce est-elle le non ?

Tribune parue dans Les Échos le 21 juillet 2015

Nous avions pu choquer dans ces colonnes le mois dernier, en comparant la tactique d’Alexis Tsipras à une tentative d’extorsion à base de bluff , et en prédisant que ce bluff serait déjoué , conduisant les Grecs à une austérité pire encore. Nous y voilà.

M.Tsipras a été élu il y a six mois à la tête d’un pays qui sortait juste d’un ajustement douloureux, mais pour lequel l’OCDE prévoyait 2% de croissance, une balance des paiements équilibrée et un excédent primaire de 0,5% du PIB. Le pays s’était purgé, certes sans engager les réformes structurelles qui lui auraient permis de repartir vraiment. Mais la situation était du moins stabilisée, sans nécessité de mesures supplémentaires, hormis l’équilibre à terme des retraites.

Syriza n’a rien fait sur les réformes structurelles, même là où la gauche était en mesure de les imposer. Rien notamment pour combattre les rentes et les privilèges : ni ceux des riches, ni ceux de l’Eglise; presque rien pour lutter contre l’inflation des budgets militaires, l’incivisme fiscal et la corruption. Tandis qu’il s’enivrait de mots, le gouvernement a au contraire couvert une grève de l’impôt des propriétaires fonciers grecs et une fuite massive des dépôts bancaires à l’étranger. Il a surtout consacré son énergie à un bras de fer avec le reste de l’Europe, pensant que la menace d’une sortie de l’euro provoquerait une telle contagion financière que les Européens seraient obligés de céder aux demandes grecques de transfert.

Raté. La Grèce a fait défaut au FMI et l’on a atteint le point où les marchés ont été convaincus de l’imminence du “Grexit ». Mais comme prévu, il ne s’est rien passé, hormis une correction modeste des bourses européennes. L’éventuelle sortie de la Grèce de l’Euro a été considérée dans le monde pour ce qu’elle était: un risque géopolitique à long terme, et pour l’immédiat, un épiphénomène financier. En revanche, M. Tsipras a pu vérifier de près les conséquences pratiques d’une sortie de l’euro, l’impréparation de ses conseillers et les dégâts que leur attitude a causés chez les membres de l’Union. De ce fait, la menace du Grexit a changé de camp, pour être finalement agitée par la droite allemande qui s’en est servie pour imposer un paquet d’austérité dont elle n’aurait jamais osé réver.

Syriza a maintenant sur les bras un pays en récession massive, un déficit primaire à couvrir, et un système bancaire en faillite qui bloque l’argent de ses derniers déposants. De quoi relativiser le succès du maintien de la Grèce dans l’euro. Elle y est peut-être, mais un euro dans une banque grecque ne vaut pas la même chose que dans une banque allemande, puisqu’on ne peut pas s’en servir. De sorte que le coût du sauvetage a augmenté pour tout le monde, les Grecs comme leurs partenaires. Tous perdants: voilà le triste bilan de cette partie de poker menteur.

Ce n’est pas la seule leçon que nous devons retenir. Les frondeurs, qui pensent qu’il suffit de s’opposer à l’Allemagne pour dégager des marges financières, vont devoir nous expliquer pourquoi ils feraient mieux que Syriza. Les populistes, qui prétendent qu’une sortie de l’euro nous immuniserait de la mondialisation devront expliquer comment ils éviteraient l’infarctus économique. Les démagogues mesureront le ridicule de demander à un peuple par référendum, s’il veut plus ou moins d’argent.

Face à ces forces du chaos, le couple franco-allemand a tenu bon, pratiquant un jeu de rôle “good cop/bad cop” avec une France conciliante sur la solidarité et une Allemagne intransigeante sur les règles communes. Un choix qui correspond aux contraintes politiques de chacun et qui a été assez efficace. Mais insuffisant. Nos deux pays ne réussiront à sortir l’Europe de la nasse que par le haut , c’est à dire par un renforcement de la coordination économique, fiscale et politique dans lequel les Allemands , qui acceptent le partage de la souveraineté, devront aussi accepter celui des risques-et l‘inverse pour les Francais. Cela demandera effectivement de l’audace et pas qu’un peu.

Mais surtout les Européens vont devoir retrouver les mots et le sens de l’intégration européenne: car trop de contentieux historiques ont été exhumés et trop de menaces proférées, pour qu’on ne mesure la fragilité de ce que la construction de l’Europe a engagé depuis cinquante ans, et dont il s’agit au bout du compte. Rien moins que la Paix.

Les Gracques

27 têtes et pas de cœur: la gouvernance européenne à bout de souffle

Depuis quelques semaines, un constat s’impose : la crise européenne est tout aussi politique qu’économique. La gouvernance européenne est devenue brutale, désorganisée et son maintien en l’état paraît de plus en plus inacceptable pour les peuples européens. Comme toujours en Europe, c’est davantage d’intégration qu’il faudra rechercher pour remédier aux blocages institutionnels. Devenus préférables au statu quo, même pour les plus souverainistes, les Etats-Unis d’Europe sont désormais en ligne de mire.

En annonçant qu’il soumettrait l’accord européen de sauvetage financier de la Grèce à référendum, Georges Papandréou a achevé de dévoiler au grand jour ce qui transparaissait déjà avec les divergences du couple franco-allemand, la prise en otage du fonds européen de stabilité financière par le Parlement slovaque ou encore le chantage de certains membres de la coalition d’Angela Merkel au Bundestag : la crise qui frappe l’Europe est tout aussi politique que financière. Or à ce type de crise, l’Europe n’a jamais trouvé d’issue que par le toit : c’est en sortant par le haut, grâce à une intégration plus poussée et une fédéralisation progressive, que l’UE surmonte habituellement les blocages de sa gouvernance.

1. Une gouvernance européenne à bout de souffle

Plusieurs enseignements sont à tirer du sommet européen du 26 octobre. Le premier, qui nous occupe au premier chef, concerne le rôle du couple franco-allemand et la place de la France en son sein : il apparaît clairement qu’il n’y a plus de « directoire » franco-allemand. Il y a l’Allemagne et la BCE qui décident, et la France qui bénéficie du droit de plaider un peu plus longtemps ou en plus petit comité que les autres. Quand l’Allemagne et la BCE ne sont pas d’accord, comme en juillet sur le défaut grec, la France peut jouer un rôle d’intermédiaire utile pour rapprocher les points de vue ; mais quand elle essaie d’entrer en conflit avec les deux, comme dans sa tentative d’imposer une monétisation de la dette grecque par la transformation du FESF en « banque », elle n’est plus écoutée. Qu’en déduire ? Que c’est d’abord celui qui paie qui décide. La France est un important contributeur au FESF. Mais elle est allée au bout de son effort : elle ne peut plus rien offrir à la solidarité européenne sans risquer immédiatement la perte de sa note AAA. Elle n’a donc plus rien à exiger des Allemands et de la banque centrale, qui restent seuls capables de faire davantage sur le plan budgétaire ou monétaire.

Deuxième constat, les négociations européennes des dernières semaines ont été d’une incroyable violence symbolique. L’Italie a été la première à en faire les frais, à travers des humiliations inconcevables en temps normal : elle a été littéralement convoquée devant un tribunal franco-allemand où le français était un procureur d’autant plus impatient de rendre l’audience publique qu’il voulait que chacun réalise qu’on l’avait, encore cette fois, invité du bon côté de la table. Et à l’issue de ce procès, le premier ministre italien a été prié de revoir sur un coin de table le système de retraite national.

Face à cette dictature des créanciers, on ne peut guère s’étonner que de petits Etats menacent de tout faire sauter pour se faire entendre. Les épisodes de prise d’otages de l’accord par les parlements finlandais et slovaques en sont les plus topiques exemples. Et l’indécence de cette dissuasion du faible au fort (voire du fou au fort) en Europe est la troisième leçon à tirer de cette crise politique.

2. Pour des Etats-Unis d’Europe

Que peut-on en conclure ?

En ce qui concerne la France, la conclusion est simple : si elle veut continuer à peser en Europe, notre nation doit recouvrer ses marges de manœuvre budgétaires. A court terme, cela signifie s’en tenir au statu quo de ses engagements vis-à-vis du FESF et mener une politique de rigueur budgétaire intelligente, de manière à ne pas casser toute reprise de la croissance. C’est un exercice difficile, mais que nous avons les moyens de réussir, notamment grâce à notre fort taux d’épargne : les ménages ont les moyens de continuer à consommer en prélevant un peu de ressources dans leurs bas-de-laine. Pour qu’ils y consentent, il faudra en revanche les convaincre qu’il s’agit d’un sacrifice temporaire et que le gouvernement fait ce qu’il faut pour apurer les comptes et dynamiser la croissance.

En ce qui concerne l’Europe, les conclusions sont à double tranchant.

Côté pile, il semble évident que si l’Union ne change pas de gouvernance, elle est vouée à disparaître. Les peuples n’accepteront pas que s’installent les pratiques observées au sommet de l’Union depuis deux mois. En effet, les peuples peuvent comprendre qu’il y ait des règles constitutionnelles qui s’imposent aux finances des Etats, et même une surveillance mutuelle organisée des budgets avant qu’ils soient votés, voire des sanctions appliquées aux pays membres qui ne joueront pas le jeu. Mais ils n’accepteront pas qu’un groupe d’Etats prennent par surprise leur dirigeant, l’humilient et le moquent, lui imposant en un week-end, sans étude ni préparation, une réforme d’ampleur qui ne saurait décemment se mener qu’au terme de nombreuses consultations. Ils n’accepteront pas davantage qu’au moment de décider de l’avenir de la Grèce, et peut-être demain du Portugal ou de l’Italie, le Parlement allemand agisse comme une chambre basse du sommet européen et soumette à son bon vouloir un projet négocié entre 27 chefs d’Etat ou de gouvernement.

Mais côté face, les fédéralistes flaireront que cette crise est une chance pour davantage d’intégration européenne. Car nous en sommes au point où les peuples vont avoir plus de chances encore de rejeter l’Europe telle qu’elle existe, que de refuser des Etats-Unis d’Europe.

Chacun perçoit que cette Europe fédérale porte en germe des solutions immédiates aux problèmes que nous venons d’identifier. Au premier chef, le fédéralisme repose sur le vote à la majorité et non à l’unanimité : fédéraliser l’Europe économique et budgétaire serait donc mettre un terme aux hold-up tels que les Slovaques et les Finlandais ont menacé de les pratiquer. Le fédéralisme ouvre en outre la voie à un système de votes pondérés, dans lequel l’état des forces peut-être reflété (l’Allemagne doit avoir plus de poids que Malte dans la détermination de la politique économique européenne, c’est sûr) tout en demeurant encadré (l’Allemagne ne pourra pas décider seule avec la BCE, elle aura besoin de la majorité des voix). Enfin, fédéraliser les dettes fait sens économiquement : la zone euro présente un taux d’endettement tout à fait raisonnable si on l’envisage de façon globale et non pays par pays. Rationalisation, clarification, pacification : il faut proposer les Etats-Unis d’Europe.

Cette proposition d’une Europe fédérale, tout indique qu’elle sera bientôt faite, et peut-être plus tôt que prévu en fonction d’un éventuel référendum grec. Elle viendra probablement de l’Allemagne qui, après avoir beaucoup procrastiné, tardé, consulté, sera rendra à l’évidence qu’elle ne peut laisser l’Union se déliter. Et lorsqu’elle viendra, nous devrons prêts à faire nôtre cette proposition et à mener l’immense combat politique qu’elle fera naître. Et cette fois, il faudra gagner le combat.

Institutions européennes: la détestable exception française

Qu’y a-t-il de commun entre l’UMP Alain Lamassoure, les socialistes Olivier Duhamel, Gilles Savary ou Catherine Guy-Quint ou le centriste Jean-Louis Bourlanges ? Tous ont été des parlementaires européens actifs et respectés, qui ont fait honneur à leur pays et à leur mandat. Tous ont été, soit il y a cinq ans, soit cette année, écartés par leurs formations politiques respectives du renouvellement de leur mandat.

C’est une caractéristique des partis français, toutes tendances confondues, à sur-représenter, sur leurs listes de candidats aux élections européennes, des apparatchiks sans ancrage électoral ou des recalés du suffrage universel, comme un lot de consolation ou comme les nominations au Conseil économique et social. Même s’il faut saluer, à droite comme à gauche, d’heureuses exceptions.

L’apprentissage des mécanismes complexes de la démocratie européenne, alliant choix politiques et défense des intérêts nationaux au sein même des groupes parlementaires, nécessite de l’expérience et de l’expertise. Il faut des mois, voire des années, pour qu’un député européen acquière cette maîtrise et soit reconnu par ses pairs. Nos amis du SPD investissent en général leurs députés européens pour trois mandats : un pour apprendre, un pour comprendre, un pour transmettre. Les partis français, toutes tendances confondues, n’hésitent pas à réinvestir des sortants qui ont été des champions de l’absentéisme parlementaire. Sans parler de ceux pour qui le Parlement européen n’est qu’un purgatoire doré en attendant de retrouver un mandat national…

Ce faisant, nos partis politiques sont à l’image de l’ensemble de l’appareil d’Etat français. Rares sont les fonctionnaires investis dans les services de la Commission européenne ou même simplement détachés à la représentation permanente de la France à obtenir, à leur retour de détachement, un poste qui valorise leur expérience ou même simplement qui reconnaisse leur investissement. Les Allemands, les Anglais, mais aujourd’hui aussi les Espagnols et les Portugais, ont de longue date appris à investir quelques-uns de leurs meilleurs éléments et à entretenir un fonctionnement de réseau, qui est indispensable à l’exercice d’une véritable influence en Europe.

Résultat : c’est toujours au dernier moment que nos dirigeants découvrent les enjeux d’une directive ou d’un règlement pour un secteur essentiel de notre activité nationale, là où nos partenaires, mais aussi concurrents, ont depuis des mois mis en œuvre un intense travail de lobbying, administratif et professionnel, pour infléchir les textes dans un sens qui leur soit favorable. Corollaire de ce résultat : nous abordons le plus souvent les dossiers les plus importants pour nos intérêts nationaux sur le mode du rapport de forces en fin de négociation, ce qui a pour effet de nous rendre insupportables mais aussi de nous fragiliser car il est rare qu’à ce petit jeu, on gagne sur l’essentiel.

Cette détestable exception française perdure. Les prochaines élections européennes devraient, hélas, la confirmer. Cette trahison des clercs, qui a conduit tant de nos responsables politiques, toutes tendances confondues, à se défausser sur « Bruxelles » de leurs propres impuissances, est aussi l’une des causes qui a conduit, un dimanche de mai 2005, un des peuples fondateurs de l’Union à voter non au traité constitutionnel qui pouvait apporter davantage d’efficacité, de démocratie, de responsabilité et de transparence dans le fonctionnement des institutions européennes.

Cinq enseignements du « non » irlandais

Ce n’est pas le « non » irlandais qui témoigne du désenchantement des citoyens à l’égard de la construction européenne, c’est le pourcentage des abstentions : à peine 53 % des électeurs d’un des pays qui a été l’un des principaux bénéficiaires des politiques communautaires de redistribution et de développement se sont mobilisés pour se prononcer sur le traité de Lisbonne.

Longtemps, les républicains se sont défiés de la procédure référendaire, instrument favori du populisme et des régimes autoritaires, véhicule des angoisses collectives et amalgame des pulsions contraires. Dans nos sociétés complexes, où la loi est nécessairement le reflet de cette complexité, seuls les démagogues peuvent soutenir que l’adoption de la loi serait plus légitime par référendum que par le suffrage parlementaire.

Il est logique que MM. Le Pen et de Villiers se réjouissent du « non » irlandais. Que MM. Besancenot, Chevènement, Emmanuelli, Mélenchon et Mme Buffet considèrent que ce vote exprime la « défaite de l’Europe libérale et non démocratique » est une ânerie doublée d’une forfaiture. Toutes les analyses du « non » irlandais montrent en effet qu’il a d’abord été inspiré par une volonté de statu quo, de maintien du dumping fiscal qui a été à la base de la prospérité irlandaise, par un certain égoïsme et le refus d’une réduction des fonds structurels au profit des nouveaux Etats-membres de l’est européen, sans parler de la campagne d’une fraction du clergé catholique contre le droit à l’avortement… MM. Emmanuelli et Mélenchon, notamment, seraient bien inspirés de tirer les conséquences du divorce désormais flagrant entre leur position et la nouvelle déclaration de principes du Parti socialiste, résolument européenne.

On ne règlera pas la question de l’adhésion des opinions publiques à la construction européenne en cherchant d’abord à régler la question institutionnelle. Le désamour des peuples tient d’abord aux faiblesses de l’Europe d’aujourd’hui à apporter des réponses aux enjeux de la vie quotidienne : pouvoir d’achat, emploi, protection sociale, développement durable… A cet égard, les projets de directive sur la durée du travail ou l’immigration, ou encore les arrêts Laval et Viking de la Cour de justice des communautés européennes, qui font prévaloir les règles du libre échange sur celles de la négociation sociale, sont infiniment plus préoccupants. Et ce n’est pas le rejet du Traité de Lisbonne par les Irlandais qui empêchera ces projets de prospérer, bien au contraire.

Jacques Delors a raison de dire qu’il faut revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire aux politiques communes, et d’abord dans les domaines essentiels pour le présent et pour l’avenir. Créer une Communauté européenne de l’énergie, comme la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a précédé l’adoption du Traité de Rome, pourrait être une occasion de redonner sens et perspective au projet européen. Ce ne sera pas chose aisée tant les différences sont grandes, par exemple sur la question du nucléaire, et les intérêts divergents. Mais au moment où le déclin amorcé des énergies fossiles se mesure chaque semaine quand les Européens font leur plein d’essence, ce serait une bonne façon de montrer qu’il n’y a de réponse viable, à la fois pour le pouvoir d’achat et pour l’environnement, que dans une démarche collective, solidaire et responsable – c’est-à-dire européenne.

 

La réforme, ailleurs et maintenant !

La France temporise là où tous nos voisins ont déjà agi, souvent inspirés par des majorités sociale-démocrates. Les dix années de réforme de Tony Blair apparaissent à certains comme la forme humaine de la révolution thatchérienne. Pourtant, le Royaume-Uni est parvenu à combiner croissance forte, recul du chômage et investissements publics massifs dans le système de santé et d’éducation. Plus près de nous, l’Allemagne de Gerhard Schröder a efficacement réformé le marché du travail. La Suède de Goran Person a massivement assaini ses finances publiques pour parvenir à l’excédent budgétaire en supprimant presque complètement le statut de la fonction publique et en restructurant les missions de l’Etat autour d’agences au fonctionnement assoupli. Surtout, une ambitieuse réforme des retraites permet d’employer plus de 70% des Suédois entre 55 et 65 ans, là où nous sommes à peine 37% à travailler dans cette tranche d’âge en France.

Même nos voisins latins, si longtemps caricaturés pour la lourdeur de leurs administrations, ont su conduire des réformes que nous osons à peine ébaucher. L’Espagne de José Luis Zapatero est parvenue à l’excédent budgétaire, a fait descendre la dette publique sous les 40% du PIB et a réduit les dépenses des administrations publiques à 38% du PIB, contre 54% en France. L’Italie de Romano Prodi a profondément réformé l’Etat en faisant passer presque tous les agents publics sous régime contractuel privé. Le Portugal de José Socrates a sans doute accompli les réformes les plus ambitieuses en supprimant un tiers des organismes publics dont l’utilité n’était pas justifiée, en réduisant de 25% les postes de direction dans la fonction publique, en remplaçant les fonctionnaires qui partent à la retraite par des agents contractuels. Ces mesures vigoureuses, parfois brutales, ont permis de réduire en deux ans le déficit budgétaire de 6,8% à 3,9% du PIB.