Loi Travail: non, Martine ! – Tribune publiée dans le Point

Tribune publiée par les Gracques dans le Point du 3 mars 2016: Loi Travail – Les Gracques : non, Martine !

Le collectif de réformistes de gauche démonte les arguments défendus par la tribune frondeuse publiée le 25 février dans « Le Monde ».Non, Martine ! « Trop, c’est trop », disent-ils. Trop quoi ?

Trop lent ? Ils ont raison ! On aura attendu quatre ans pour réaliser qu’embaucher n’est pas, pour un employeur, un geste politique, mais une question de croissance et un acte de confiance en l’environnement réglementaire et fiscal.
Trop tard ? Ils ont raison ! On aura attendu vingt ans pour corriger l’aberration des 35 heures, cette idée que le monde entier a choisi d’ignorer. Alors qu’il était urgent de réformer le droit du travail comme tous nos voisins européens l’ont fait.

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Mais nous savons que ce n’est pas cela qu’ont voulu dire les auteurs de la tribune du Monde. Leur motivation: afficher la rupture. Leur cible: l’avant-projet de loi El Khomri. Au passage, ils ratissent large, des migrants au terrorisme: mécontents de tous sujets, unissez-vous! La ficelle est grosse: même nous, Gracques, signerions volontiers le passage consacré à la déchéance de nationalité. Mais c’est du texte sur le code du travail dont nous voulons parler. Pour dire bravo et saluer le courage de l’exécutif. 

Martine Aubry et ses amis expliquent qu’il est urgent de persévérer dans l’erreur, sur  la voie singulière qu’a choisie la France: avec pour résultat un taux de chômage double de celui de l’Angleterre, et pour les jeunes, entre triple et quadruple de celui de l’Allemagne. « Pas ça, pas nous, pas la gauche » dit-elle. Ce qui signifie : n’apprenons rien de nos échecs, tant notre identité et notre projet sont trop fragiles pour qu’on y touche.   
 
Non, on n’a pas offert 41 milliards d’Euros aux entreprises: on a juste réduit les trop lourdes charges qu’elles supportent, plus que partout ailleurs. Non, les politiques ne savent pas mieux que les employeurs ce qu’il faut faire : ce n’est pas à l’administration de décider à la place de ceux qui travaillent dans les services, l’industrie, l’agriculture. Cela ne marche pas, et marchera encore moins demain, dans un monde où les techniques, les attentes des consommateurs, les marchés bougent à toute allure.
 
La tribune frondeuse ne formule pas une proposition concrète de réforme! Pas la moindre idée positive! Ce qui la porte, c’est le vieux logiciel d’une classe politique qui veut dépenser toujours plus d’argent public, et se méfie de l’intelligence collective qui se déploie, sur le terrain, là où l’emploi se crée. D’où l’attaque contre l’idée de favoriser les accords en entreprise. C’est pourtant en construisant de tels accords que les syndicats retrouveront la confiance des salariés, et pourront enrayer l’érosion de leur base.
 
Le texte est perfectible, mais il va dans le bon sens. Il ne remet en cause aucune des protections fondamentales dont bénéficient les salariés. Il ouvre de nouveaux espaces à la négociation. Il permet aux entreprises de mieux s’adapter à la conjoncture, dans un cadre juridique moins aléatoire. Il ouvre un espoir à ces millions d’outsiders, jeunes, non qualifiés, seniors, qui se fracassent sur les rigidités de notre marché du travail. Il est logique qu’il soit débattu, amélioré. Mais de là à en demander le retrait pur et simple, par dogmatisme ou opportunisme politique : non, Martine Aubry! 
 
La France a tout pour réussir au XXIème siècle: les femmes et les hommes, les institutions, les infrastructures, les entreprises. Mais elle n’en tirera parti qu’en se réformant, et vite. Toute année perdue l’est d’abord pour les chômeurs, les jeunes cantonnés aux marges du système, les talents gâchés. Ne pas conduire le pays en regardant dans le rétroviseur, mais réformer patiemment et continûment. C’est ce dont la France a besoin et c’est pourquoi cette réforme doit être soutenue. 
 
Une partie de la gauche dit le contraire? Bonne nouvelle pour Manuel Valls, Emmanuel Macron, Myriam El Khomri et le camp réformiste avec eux : le moment de la clarification est venu.

Les Gracques