Les Gracques en marche !

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Pour le long terme, cette réforme fournira également l’occasion de réfléchir à un système de retraites à points, offrant la souplesse et la transparence d’un régime par capitalisation tout en préservant un financement par répartition. En remplacement des très illisibles « trimestres » actuels, les cotisations de chacun serviraient, dans ce système à financer l’acquisition de points de retraite. La valeur point serait négociée en fonction des impératifs d’équilibre financier du régime, ce qui permettrait à chacun d’en connaître immédiatement l’impact sur ses droits. Enfin, ce système permettrait de valoriser facilement, par des points supplémentaires, des travaux utiles à la collectivité. Contrairement à ce que soutiennent ses adversaires, le régime à points constituerait donc une avancée démocratique : plus clair et plus facile à manœuvrer, il permettrait aux politiques de rendre des grands arbitrages de façon compréhensible par l’ensemble des citoyens. Et il permettrait à chacun, selon son parcours professionnel et sa situation personnelle, de déterminer le moment de prendre sa retraite, sans que le couperet des 60 ou 62 ans vienne s’abattre sur lui, quitte à travailler bien plus longtemps, comme l’amélioration de l’espérance de vie le permettra à tous ceux qui continuent à s’épanouir dans leur métier. On améliorera aussi la situation des seniors, dont le fort taux de chômage dans notre pays est corrélé directement à la barrière des 60 ans qui décourageait l’employeur d’embaucher des salariés ayant passés le cap des 55 ans. Plus tardif est l’âge moyen de la cessation d’activité, plus faible est le chômage des 55 à 65 ans : c’est une réalité qui se vérifie dans le monde entier. A long terme également, il nous faudra réfléchir au moyen d’aborder intelligemment la pénibilité du travail, c’est-à-dire d’en traiter les causes plutôt que les effets. Les pays nordiques ont très largement résolu ce problème par la mobilité des carrières : si un ouvrier ne passe que quelques années à un poste pénible et évolue vers des emplois de bureau moins durs pour une seconde partie  de vie professionnelle, la question de la cessation prématurée de son activité ne se pose pas. Il y gagne personnellement. L’entreprise y gagne en productivité et en relations sociales, grâce à une relation contractuelle enrichie avec son personnel. Et la collectivité y gagne aussi puisque la durée du travail est prolongée, la croissance alimentée, le pouvoir d’achat soutenu, et la cohésion sociale renforcée. Tout le monde est gagnant. Priver notre société d’un tel progrès en s’inclinant devant tous les conservatismes patronaux, syndicaux ou administratifs : voilà aussi ce qui ne peut plus durer ! 

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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La décentralisation doit prendre tout son sens en permettant d’adapter la situation de chaque lycée et, de chaque collège aux circonstances locales, et en donnant aux responsables de ces établissements les marges de manœuvre qu’ils n’ont pas aujourd’hui vis-à-vis de l’organisation des cours ou de la gestion des enseignants. Une telle orientation suppose du temps pour que l’ensemble des acteurs se l’approprient et pour qu’une communauté d’intérêts au service des élèves se mette en place, en fait et en droit, autour d’un projet d’établissement spécifique, auquel chacun aura été associé.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Refuser que les hauts revenus écrasent les classes moyennes, c’est de même nature qu’empêcher la loi du plus fort – celle de la jungle urbaine – d’envahir nos villes et nos cités. La montée de l’insécurité comme de l’incivilité, c’est la croissance des vols, des cambriolages, bref de la petite délinquance. La droite se trompe en pensant que seule la répression va régler la question. L’extrême-droite trompe chacun lorsqu’elle fait l’amalgame avec l’immigration. Il faut s’attaquer aux causes profondes du mal, en particulier les exclusions, et donc augmenter les moyens  de la prévention à l’école et dans les quartiers. Surtout, il faut faire respecter la loi sur chaque mètre carré de la République : des exactions du milieu corse aux zones de non-droit des cités : chaque fois que la police hésite, c’est la démocratie qui recule. Repenser le volet « répressif », c’est chercher plus d’efficacité. Comment ? Par une présence dissuasive, permanente et familière de la police dans les zones urbaines sensibles. Une police centralisée doit poursuivre le crime organisé, combattre la délinquance grave et assurer le maintien de l’ordre. Parallèlement à celle-ci, une « police de proximité » doit être rétablie. Elle sera composée d’agents de la police nationale assignés à des territoires réduits et, qui, par un travail mêlant prévention et répression, assureront la sécurité de nos concitoyens au quotidien. Il est anormal que ce soient aujourd’hui des brigades de CRS venant de Decazeville ou Bergerac, qui interviennent dans des banlieues sensibles en région parisienne, alors qu’elles n’ont aucune connaissance de la topographie des lieux ni des bandes en présence. Dans ces conditions, les bavures se multiplient et le dialogue ne peut s’instaurer avec des habitants qui ne sont plus habitués qu’à voir des policiers dans un rôle répressif.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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‘Le poisson pourrit par la tête’, disait Mao. La société que nous voulons exige que les dirigeants respectent le peuple, mais aussi que les Français puissent respecter leurs élites. Leur exemplarité est donc la première exigence du redressement. (…) Une classe de privilégiés donne désormais le sentiment de passer à la trappe l’intérêt général pour défendre leurs positions ou/et leurs intérêts : des financiers internationaux qui n’ont rien fait – euphémisme – pour empêcher la crise de 2008, aux VIP de la société française bardés de leurs diplômes, certitudes et avantages acquis ; des  hauts fonctionnaires avec leurs emplois garantis à vie aux parlementaires ou chefs d’entreprises assis sur leurs systèmes assurantiels ou de retraites privilégiés et leurs gains en nature ; des privilèges de la Banque de France à la prodigalité de palais et de personnels dévolus aux responsables nationaux et régionaux ; sans oublier les invitations, pistons, passe-droits, coupe-files auxquels chacun, jusqu’à nos plus brillants intellectuels, est si sensible, les archaïsmes ont la vie dure. (…) Ceux qui ont failli s’en sortent toujours. Parfois avec les honneurs, toujours avec de solides indemnités financières. La caissière de supermarché qui s’est trompée dans ses comptes ou l’ouvrier mis à pied parce qu’il est arrivé en retard n’ont pas cette chance. (…) A la classe politique, nous disons que le temps est venu d’en finir avec le cumul des mandats et de renforcer les règles pour éviter les conflits d’intérêts. Aux dirigeants d’entreprise, nous disons que la pratique des parachutes dorés doit être plafonnée, que les rémunérations des dirigeants doivent être encadrées  et que les banquiers d’affaires devront être responsabilisés sur leurs biens personnels. Aux hauts fonctionnaires, nous disons que leur promotion doit s’inscrire dans une procédure plus transparente, que leur engagement durable en politique doit s’accompagner de leur démission de la fonction publique, et que les plus hauts fonctionnaires doivent renoncer au principe de l’emploi garanti à vie.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Toute l’évolution de la société moderne met en valeur la performance des femmes. Les études récentes montrent que l’échec scolaire en France est à 90% un sujet masculin. Et le phénomène est très net dans les populations d’origine immigrée, ce qui confirme ce que les sociologues savent bien : l’acculturation se fait par les femmes. (…) Il est tristement ironique de constater le médiocre taux de représentativité des femmes au sein du Parlement comme de la direction des entreprises françaises ; ou de vérifier  qu’un secteur se féminise d’autant plus vite qu’il est en perte de vitesse ou d’influence symbolique et économique. (…) Nous préconisons donc une palette de mesures. (…) Un seuil minimal de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, comme dans les pays nordiques ; un bonus/malus sur l’impôt sur les sociétés en fonction du nombre de femmes parmi les cadres dirigeants d’une entreprise… (…) Quant à la féminisation du parlement, il faut passer à la vitesse supérieure. La loi sur la parité n’a pas conduit aux avancées espérées, à aucun échelon local ni national. Les femmes ne représentant par exemple que… 12% des députés. Comme indiqué plus haut, nous proposons de quadrupler les pénalités infligées en cas de manquement à la règle de parité, et de plafonner le versement des indemnités prévues aux partis dont la représentation effective serait trop déséquilibrée entre hommes et femmes. 

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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De même, la gauche moderne est décentralisatrice, mais une décentralisation qui s’accompagne d’une simplification des échelons de collectivités, d’un frein aux dépenses publiques locales et d’une fiscalité cohérente des territoires. 

Manifeste pour une gauche moderne, Tribune des Gracques dans Le Monde le 14 septembre 2007

L’idéal ? Ce serait à la fois de supprimer les départements, en rattachant leurs attributions à la Région, et de réunir les communes pour l’exercice de l’essentiel de leurs missions. (…) Les compétences doivent être clarifiées pour que les citoyens sachent qui est responsable de quoi : une même compétence ne doit être exercée que par une catégorie de collectivité et une seule. Les lois Defferre de 1982 l’avaient fait de manière assez limpide pour l’éducation : aux communes l’enseignement primaire et maternel, aux départements les collèges, aux régions les lycées, à l’Etat l’enseignement supérieur. Depuis vingt ans, l’Etat a introduit de la confusion dans cette répartition en demandant aux régions de financer les universités, comme il a demandé aux régions, départements et intercommunalités de financer les lignes ferroviaires à grande vitesse. Il faut revenir à des règles simples : aux régions et aux intercommunalités tout ce qui concerne le développement économique et l’aménagement du territoire (y compris les transports, l’emploi, l’urbanisme et le logement) ; aux départements la solidarité et les infrastructures, aux communes les services de proximité.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Mieux vaut prévenir (et maigrir) que guérir. Le complément naturel du bouclier sanitaire est la prévention. On parle ici d’abord de l’intérêt des populations : […] dans des systèmes de santé où les affections de longue durée représentent l’essentiel des dépenses, la prévention peut diminuer de façon considérable les victimes du diabète comme celles du tabac et de l’alcool. Ce n’est donc pas seulement pour des raisons économiques qu’il faut faire de la prévention, notamment contre l’obésité. C’est parce que la prévention réduit  les inégalités sociales devant  la maladie, comme le montre le succès du dépistage organisé du cancer du sein. Elle doit se développer là où sont les gens, notamment au travail, pour faire face à la croissance des pathologies professionnelles et l’allongement nécessaire de la durée de vie active. La politique de prévention doit être conçue et conduite avec pertinence et sélectivité, en privilégiant les démarches à succès établies par l’évaluation de pratiques étrangères ou les expérimentations françaises. Elle doit adapter les messages et les modalités aux caractéristiques particulières des populations dont on cherche à influencer les comportements en se rappelant qu’à l’ère d’internet, des réseaux sociaux et des sites médicaux, les messages venus du sommet ne suffisent plus à emporter la conviction du grand public. Elle doit donc s’accompagner d’un professionnalisme dont la campagne pour la vaccination contre la grippe aviaire – dite H1N1 – fut le contre-exemple parfait avec au total, une désorganisation générale et un surcoût pour les finances publiques. La prévention commence dès le plus jeune âge, y compris pour lutter contre certaines maladies graves, notamment les maladies cardiovasculaires ou les cancers. Elle doit prémunir les enfants et adolescents contre les fléaux tels que les addictions  et aussi l’obésité, l’un des candidats au titre de « mal du siècle ».

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Les sociaux-démocrates n’ont donc maintenant qu’une seule issue : appeler à l’alliance avec François Bayrou. Pour voter utile parce qu’une coalition avec la gauche pourrait engager un projet de modernisation négociée du pays, nous mettre sur la voie d’une économie sociale de marché modernisée. François Bayrou vient de la droite ? Peut-être… François Mitterrand aussi. Mais il a osé rompre avec ses amis. Rompons avec nos préjugés ! (…) Ni les centristes ni les socialistes ne pourront gouverner seuls ; et du reste, le pays ne veut plus d’une conception clanique du pouvoir. Le prochain gouvernement devra être non plus une cohabitation – cette union forcée des contraires – mais une coalition : une alliance voulue entre partenaires. François Mitterrand avait compris jadis que la majorité se gagnerait avec les communistes ou ne se gagnerait pas. C’est la même situation aujourd’hui entre centristes et socialistes. S’allier avec Bayrou, pour voter en faveur d’une coalition de la gauche, des écologistes et du centre, (…) pour déplacer les lignes du clivage gauche-droite, (…) pour dire non au populisme et à la démagogie. (…) S’allier à François Bayrou, enfin, pour dire oui à l’Europe et installer un gouvernement français ouvert sur le monde, au moment où l’Union du traité de Rome est en crise et où la mondialisation précipite la nécessité de notre adaptation.

« Merci, François ! », Tribune des Gracques dans Le Point le 22 mars 2007

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 Il y a la question des savoirs fondamentaux. Arrêtons la prolifération des matières et des options ; nos programmes doivent correspondre aux besoins d’acquisition de compétences fondamentales pour le plus grand nombre, et non à l’idéal que se font les enseignants du bagage pluridisciplinaire que devraient atteindre les meilleurs élèves des classes prépa. L’école est là pour permettre à une génération entière d’acquérir les compétences fondamentales de la vie en société, c’est-à-dire de  la vie tout court. Les compétences qu’il faut pour qu’un peuple ne soit pas analphabète. Et ces compétences évoluent. Il y a celles qui sont les mêmes qu’au temps de la Troisième République : lire, écrire, compter. Et puis, il y les nouvelles, qui sont devenues également essentielles : parler couramment l’anglais et savoir se servir d’un ordinateur. La maîtrise de ces savoirs fondamentaux est le seul critère de réussite d’une éducation de masse.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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La France, par sa position centrale en Europe, la qualité de ses équipements collectifs, sa culture, sa qualité de vie, la qualité de son système de soins, est un pôle d’attraction naturel des élites qui peuvent accepter d’y être un peu plus taxées qu’ailleurs. Encore faut-il que le système fiscal, un peu plus coûteux qu’ailleurs, y soit juste, simple, lisible, et surtout prévisible. Car ce qui fait fuir les meilleurs n’est pas seulement le niveau de la fiscalité ; c’est aussi la complexité du système, qui valorise trop les montages sophistiqués et les arguties juridico-financières, et le fait qu’il soit en permanence amendé, interdisant  tout projet personnel. (…) Un bon système d’imposition des revenus et des patrimoines élevés est donc d’abord un système simple et stable, qui leur applique cette seule forme de justice que leur doit la société, qui est la neutralité fiscale. Une fiscalité neutre, c’est une fiscalité qui ne fait pas la différence entre les formes de revenus. Il n’y a pas de  bons et de mauvais riches, il n’y a que des richesses légales et illégales. Les illégales sont du ressort de la justice et non de Bercy, et  les autres doivent contribuer à proportion de leurs moyens, et de façon progressive, aux charges publiques.

Ce qui ne peut plus durer, Les Gracques, 2011 (Albin Michel)

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Jamais les enjeux n’ont été aussi grands dans une élection depuis des décennies. Le choix des Gracques est clair. Parce qu’il porte nos priorités et notre foi en l’avenir du pays, parce qu’il tient les seuls meetings où flottent côte à côte les drapeaux français et européen, parce qu’il s’est engagé à honorer le crédit de la France, Emmanuel Macron a notre soutien.

Extrait de la tribune des Gracques publiée dans Le Point du 16 mars 2017

Photo publiée dans M le magazine du Monde Le magazine du Monde le 4 mars 2017

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La politique de la faillite – Tribune publiée dans le Point

Tribune des Gracques publiée dans Le Point le 16 mars 2017

Alerte. Benoît Hamon envisage de renégocier la dette française. Un désastre annoncé, selon le collectif de réformistes de gauche.

Rembourser ou pas ? Le candidat socialiste, Benoît Hamon, à la Maison de l’Europe le 10 mars.

Dans un débat présidentiel confus où certains candidats ne savent plus quelle énormité proférer pour attirer l’attention médiatique, une déclaration très inquiétante de Benoît Hamon sur France Inter, le 27 février, est presque passée inaperçue : « Il faudra regarder ce qu’on pourra rembourser ou ne pas rembourser… Il y a une dette vis-à-vis des banquiers que nous pouvons tout à fait renégocier. » Son conseiller Thomas Piketty avait précisé : « Cela peut passer par un bras de fer avec l’Allemagne. Si celle-ci dit non à la démocratisation, ce sera de facto la fin de l’euro » (1). Hamon rejoignait ainsi le parti de la faillite avant de requalifier son propos en parlant de « moratoire », ce qui revient peu ou prou au même, puis de se prononcer pour une renégociation de l’ensemble des dettes européennes.

Assez de circonlocutions ! Ne pas rembourser une dette au terme prévu ou rembourser dans une monnaie différente, cela signifie faire défaut sur la dette française. En d’autres termes, assumer la faillite. Rien de moins. La France n’a pas fait défaut depuis plus de deux cents ans. C’est pour cela qu’elle peut s’endetter à des taux presque nuls aujourd’hui. Remettre en question deux siècles de crédit public est tout à fait autre chose que débattre de la règle des 3 % de déficit. C’est irresponsable. Aucun socialiste n’était jamais allé sur ce terrain. En reprenant le coeur des propositions économiques de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, il les banalisait. Pire, il les cautionnait.

La politique de la faillite n’a pour argument que l’énormité de sa menace. Le défaut argentin portait sur 100 milliards de dollars, le défaut grec sur 200 milliards d’euros. Le défaut français, en dépassant 2 000 milliards d’euros, menacerait l’économie mondiale. Le parti du défaut espère donc que cette menace fera payer et plier nos voisins. Pure illusion. Qui paiera alors pour subventionner les besoins courants de la France ? Personne. Et la planche à billets n’est pas une solution : il n’y a pas de baguette magique dans la vraie vie.

Marine Le Pen, elle, va plus loin et veut sortir de l’euro. En changeant la monnaie de sa dette, même si le Parlement français l’autorise, l’Etat français serait en défaut pour tous ses créanciers. Il en ira de même pour les entreprises publiques et privées qui rembourseraient en francs dévalués. Les uns et les autres seront coupés pour longtemps de tout accès aux marchés des capitaux : qui ne paie pas ses dettes ne peut plus espérer emprunter. Les riches auront transféré leurs fortune à l’étranger, en monnaies fortes, avant la fermeture des banques. L’épargne des plus modestes et des classes moyennes, elle, aura perdu de sa valeur. Les Français seront payés en francs dévalués, et leur consommation d’importations devenues plus coûteuses réduira leur pouvoir d’achat. On n’aura rien fait d’autre que dévaluer l’épargne et les revenus des Français, tout en provoquant une nouvelle crise financière.

Ensuite, il faudra bien, en l’absence de crédit, retrouver un équilibre : non pas l’équilibre budgétaire, mais celui de la balance des paiements. Même si la banque centrale crée autant de francs que le lui demande le gouvernement, il faudra que la France dans son ensemble trouve assez de devises pour payer les importations dont le prix aura augmenté, plus les remboursements de la dette extérieure restante, tout cela sur fond de fuite des capitaux et des cerveaux. Elle devra le faire au prix d’une austérité brutale. L’exemple de la Grèce, en pire.

Alors qu’une autre voie existe. La voie qui mise sur les forces de la France, pour qu’elle puisse rayonner en Europe et dans le monde plutôt que se recroqueviller sur elle-même.

Jamais les enjeux n’ont été aussi grands dans une élection depuis des décennies. Le choix des Gracques est clair. Parce qu’il porte nos priorités et notre foi en l’avenir du pays, parce qu’il tient les seuls meetings où flottent côte à côte les drapeaux français et européen, parce qu’il s’est engagé à honorer le crédit de la France, Emmanuel Macron a notre soutien.

(1) Les Echos du 27 février.

L’œil des Gracques #2 – Identité et diversité avec Pascal Blanchard

#JG17

L’OEIL DES GRACQUES par les Jeunes Gracques de Sciences Po
Chaque mois, les étudiants de Sciences Po engagés chez les Gracques vous proposent une analyse de fond consacrée à un thème spécifique.
Pour ce second dossier, retour sur les thèmes d’identité et de diversité avec Pascal Blanchard.

 

l'oeil des Gracques, identité et diversité avec Pascal Blanchard

Pascal Blanchard est un historien français spécialiste du fait colonial et de l’histoire des immigrations en France, chercheur au CNRS au sein du Laboratoire Communication et Politique.
Il co-dirige le Groupe de recherche Achac (Colonisation, Immigration, Post-colonialisme).
Il a notamment réalisé plusieurs documentaires télévisés: Zoos humains (Arte, 2002) ; Paris couleurs (France 3, 2005) ; Des noirs en couleur. L’histoire des joueurs afro-antillais et néo-calédoniens en équipe de France de football (Canal +, 2008), Noirs de France (France Télévision, 2012) et a collaboré à plus d’une dizaine de films de fiction ou documentaires. Il a également co-réalisé avec Rachid Bouchareb les séries Frères d’Armes, Champions de France (France Télévisions, 2014 à 2016), et réalise actuellement avec Lucien Jean-Baptiste Artistes de France, la dernière-née de trois séries retraçant le parcours de combattants, de sportifs et d’artistes issus de la diversité.
Ses travaux se plaçant au cœur de l’actualité, Pascal Blanchard intervient régulièrement dans les débats et dans les médias, pour promouvoir un autre rapport au passé colonial et à l’immigration en France. Il vient de publier Les années 30. Et si l’histoire recommençait ?
Pascal Blanchard est également membre des Gracques et à ce titre nous avons plus particulièrement choisi de recueillir son point de vue sur la notion d’identité, prise dans toute son étendue, que celle-ci soit nationale, personnelle, individuelle ou collective, ainsi que sur la notion de « diversité ».
A la lumière de cet entretien, nous avons voulu mieux comprendre les dynamiques profondes qui concourent au retour en force des populismes et des nationalismes, en Europe et aux Etats-Unis.

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M Le magazine du Monde – L’alliance Bayrou-Macron : la revanche des Gracques

Article de Zineb Dryef publié dans M Le magazine du Monde du 4 mars 2017.

C’était le 22 mars 2007. La campagne présidentielle, haletante, battait son plein. Nicolas Sarkozy ? Ségolène Royal ? François Bayrou ? Toutes les hypothèses étaient encore plausibles. Les sondages virevoltaient, indécis, quelques semaines avant le premier tour. C’est alors qu’un mystérieux groupe a fait son apparition sur la scène publique : les Gracques (du nom de deux hommes d’Etat réformistes romains, Tiberius et Gaius Gracchus). Une sorte d’amicale d’anciens hauts fonctionnaires de gauche, convertis aux joies du libéralisme. Ils ont jeté, ce jour-là, un gros pavé dans la mare en publiant une tribune dans Le Point qui leur a valu leur quart d’heure de célébrité. Un appel à une « coalition de progrès » entre la candidate socialiste et le candidat centriste.
L’histoire s’est écrite autrement. Nicolas Sarkozy l’a emporté. Et les membres du club sont retournés à leurs affaires, sans jamais vraiment structurer leur mouvement, mais sans pour autant fermer boutique.

Nous voilà dix ans plus tard. Encore un 22, février cette fois. Le Tout-Paris médiatique et politique attend une nouvelle candidature de François Bayrou. Mais, coup de théâtre, il fait une proposition d’« alliance » à Emmanuel Macron, qui s’empresse d’accepter. Les temps ont changé. Et voilà cet attelage qui fait désormais figure de challenger de Marine Le Pen pour le premier tour et de favori du second. Comme si les Gracques, enfin, étaient sur le point de voir leurs rêves exaucés.

« C’est une forme d’aboutissement politique d’une démarche intellectuelle, admet Alexandre Wickham, directeur de collection chez Albin Michel, qui est à la fois membre des Gracques et leur éditeur. On nous disait : “C’est irréaliste.” Mais notre combat n’a pas été inutile. » René Silvestre, fondateur de L’Étudiant, désormais dirigeant de pépinières d’entreprises, et membre des Gracques depuis 2007, accueille régulièrement dans son vaste appartement des soirées qui s’éternisent à refaire la gauche. Pour lui, l’alliance des deux hommes ne peut être que réjouissante. Même s’il tempère l’ardeur des complotistes : il appelle, modeste, à ne pas exagérer le rôle de ce petit lobby. « L’alliance de la gauche avec Bayrou, ce sont des idées qu’on distille depuis dix ans, mais nous ne sommes pas les artisans du rapprochement avec Macron. Si on y a un peu contribué, tant mieux. Disons que l’Histoire a un sens et qu’on est allés dans le sens de l’Histoire… »

Difficile de résumer ce groupe de surdiplômés (ENA, Polytechnique, HEC), passés autrefois par les cabinets ministériels socialistes (Rocard, Jospin, DSK, Bérégovoy) et désormais souvent des pointures du monde des affaires. Les intellectuels Erik Orsenna et Pascal Blanchard les ont rejoints. Le célèbre obstétricien René Frydman également. Ce dernier résume: « Les Gracques, ce sont des gens divers qui sont actifs dans la société, et se situent, grosso modo, sur une ligne réformiste. » « C’est à la fois un cénacle, un think tank, une société secrète qui opère à visage découvert », avance Alexandre Wickham. Bernard Spitz, président de la Fédération française de l’assurance, aime beaucoup l’expression employée un jour par le journaliste Jean Daniel: « Un groupe de réflexion et de pression. » Depuis, il l’a reprend. « Personne ne nous a mieux définis, sourit l’infatigable et volubile président des Gracques. Ce n’est pas une société secrète. Si vous allez sur le site des Gracques et que vous signez le manifeste, vous êtes un Gracque! » Bernard Spitz revendique 2 000 signataires, dont de nombreux jeunes.

En 2007, il rêve d’un groupe qui incarnerait un courant, une voix qu’il ne trouve nulle part. « Un courant progressiste, une sorte de rocardisme moderne »,  définit-il. Lors d’une réunion de ces « réformistes européens » tenue pendant leur université d’été en 2008, le rapporteur des débats est un jeune inspecteur des finances, tout juste entré chez Rothschild: Emmanuel Macron. Il ne s’éloignera plus guère. En 2015, il prend la parole lors d’un colloque organisé par le groupe. En septembre 2016, le Sommet des réformistes organisé par l’Institut Montaigne et par les Gracques à Lyon, sur les terres de Gérard Collomb, dont il est proche, a pris la forme d’un grand raout politique autour de l’ancien ministre de l’économie, qui clôturait l’événement.

Fait-il partie des Gracques? « C’est un compagnon de route », « tout le monde le connaît », « c’est un ami des Gracques », éludent ses membres qui reconnaissent pour certains avoir trouvé en lui leur candidat de rêve. Un candidat « issu de la gauche » qui affirme haut et fort: « Je suis libéral. » Pour autant, Bernard Spitz répète que « collectivement » les Gracques ne roulent pour personne mais pour des idées.

Construite pour infléchir la ligne de Solférino, l’association les Gracques n’a désormais plus vocation à regarder du côté du PS. Un des plus anciens membres du groupe reconnaît que « la donne a changé ». Depuis l’apparition d’Emmanuel Macron, « l’avenir de la gauche et du pays n’est plus au PS. De ce point de vue-là, on est quasiment tous partis pour soutenir cette candidature à titre individuel. » « Les deux tiers des Gracques connaissent Macron, admet un Gracque. Beaucoup travaillent pour lui. » Un autre ajoute: « J’ai adhéré à En Marche!, mais je ne suis pas dans l’équipe de campagne. » René Sylvestre, lui, n’a pas cette fausse pudeur. A bientôt 70 ans, le « plus vieux et le moins diplômé des Gracques », selon sa propre formule, assume son adhésion à En Marche! « Je ne suis ni de droite ni de gauche. Les Gracques me plaisent, il y a un côté gaulliste dans notre démarche, un côté pragmatique, non idéologique que je retrouve chez Macron. » Silvestre et sa femme ont contribué à hauteur de 15 000 euros à la campagne de l’ex-ministre de l’économie (« j’aurais donné davantage, si c’était autorisé! ») et participe à la rédaction des propositions dans ses domaines: entreprise et éducation. Macron est à l’écoute de ces « sages ». Il est le seul candidat à avoir reçu René Frydmand après l’appel de l’obstétricien à légaliser la PMA. « Il ne l’a pas fait parce que je suis un Gracque », nuance le professeur. Jacques Galvani, énarque et consultant en communication stratégique, membre des Gracques depuis cinq ans, se retrouve lui aussi (« évidemment ») dans les propositions d’En Marche!, auquel il a adhéré. Il rappelle que « cette idée qui a beaucoup été moquée », les cars Macron, a été proposée dès 2011 par les Gracques. Page 212 de leur livre-manifeste: « Développons donc le transport en autocar, avec des bus Greyhound à la française. » En 2014, lorsque Jean-Pierre Jouyet, membre fondateur des Gracques, entre à l’Élysée (et démissionne du groupe) et qu’Emmanuel Macron atterrit à Bercy, certains y voient la main du think tank. Accusés par Aquilino Morelle, conseiller déchu de François Hollande, d’avoir oeuvré en coulisses pour pousser le président à prendre un tournant libéral, les Gracques rigolent. « Si 10% de ce qu’on lisait sur les Gracques était vrai, on aurait changé le pays il y a dix ans », s’amuse Jacques Galvani.

« Ce n’est pas raisonnable de penser qu’on a influencé le tournant de François Hollande, juge un Gracque qui préfère rester anonyme. Il avait annoncé lors de notre université d’été de 2008 que les socialistes devaient faire prévaloir l’offre plutôt que la demande. Son tournant ne nous a donc pas étonnés. Nous l’avions appelé de nos voeux, mais nous n’étions qu’une voix parmi d’autres. » Le tournant est « arrivé trop tard », regrette même Jacques Galvani. « La fenêtre de tir était désormais trop courte pour obtenir des résultats. Psychologiquement, les électeurs n’ont rien compris. Il aurait fallu commencer de suite, dès 2012. »

« Les Gracques sont un groupe d’influence. Ils expriment leurs idées face à des gens qui eux détiennent le pouvoir », explique un membre. Les deux premières années de la présidence Hollande, les membres du « bureau », qui désigne le noyau dur des Gracques actifs, font passer des notes, demandent à être reçus, participent à des réunions en off dans les ministères. Un travail collectif toujours signé les Gracques. « On a un réseau important, lié à nos études, à nos expériences politiques et professionnelles. » Bernard Spitz est reçu trois fois à l’Élysée, à titre individuel. « Sous Hollande, on s’est dit: « Il faut agir! »; plus que des livres, on a fait passer des notes, on a rencontré des gens au pouvoir », raconte un des membres. « On plonge en sous-marin pendant six à huit mois et on ressurgit là où on ne nous attend pas », résume Alexandre Wickham. En l’occurrence, dans des tribunes assassines dans Le Point. Novembre 2012: « Pour les réformes, c’est maintenant! » Avril 2013: « C’est maintenant ou jamais! » (ce texte contrarie durablement Jean-Marc Ayrault). « Si Hollande affectait une certaine indifférence, il demeurait attentif à ce que les Gracques disaient ou publiaient », affirme Wickham.

Dix ans après leur appel à une alliance du PS et du Centre, la rupture semble consommée avec le parti de leur « jeunesse » dont ils jugent la ligne « archaïque ». En janvier, le soir du premier tour de la primaire à gauche, ils ne suivent le scrutin que pour la forme. « Par intérêt citoyen », corrige Bernard Spitz. Le « bureau » a organisé l’une de ces soirées d’appartement qu’ils affectionnent. L’élection de Bernoît Hamon les consterne. « Bien sûr, on aurait préféré que Manu (Valls) l’emporte, raconte l’un des membres. Mais Solférino est un astre mort. » « Le PS s’est replié sur son appareil. C’est un parti d’attachés parlementaires », ajoute un autre. « Les Gracques? Des « zozos », disait d’eux Hamon en 2007. Aujourd’hui, autour de lui s’est créé un groupe de réflexion monté par des jeunes gens pas tendance gauche libérale du tout. Ils s’appellent « les Grecs ».

Article de Zineb Dryef publié dans M Le magazine du Monde du 4 mars 2017.